Les atouts de la co-création

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Notions-clés : co-création, globalisation, outsourcing, crowdsourcing, open innovation, externalisation, culture libre, open source, pyramide des besoins, volontariat.

Profils-clés : Coase Ronald, InnoCentive, Yahoo !, Anderson Chris, Maslow Abraham, Mwenda Andrew.


Ronald Coase [1], dans un célèbre article intitulé The Nature of the Firm [2], expliquait dès 1937 que la formation de structures comme les entreprises et les administrations répondait à la nécessité de réduire les coûts de transaction exigés sur le marché.

Dans les années 90, la globalisation de l'économie a suscité une baisse de ces coûts de transaction, laquelle a stimulé l'externalisation de la main d’œuvre (outsourcing). Cette décroissance des coûts de transaction sera le moteur de la transformation des entreprises, qui commenceront alors à fonctionner en réseau. Aujourd'hui, en permettant aux clients de participer aux projets (crowdsourcing) dans une culture de l'innovation ouverte (open innovation), la baisse des coûts de transaction est proportionnelle à l'accroissement de l'efficacité des solutions techniques proposées. C'est la notion même d'entreprise qui opère sous nos yeux une redéfinition radicale.

Prenons l'exemple de la quarantaine d'entreprises qui utilise le site InnoCentive [3] afin de résoudre certains défis liés à l'innovation. Elles ont par ce biais accès à un important volume de contributeurs potentiels, sans même avoir à les employer. Jeff Weedman, vice-président en charge de la recherche pour le groupe Procter & Gamble, le confirme : « P&G emploie 9 000 chercheurs. Cela peut sembler beaucoup. Mais il existe un million et demi de scientifiques et de chercheurs spécialisés dans nos domaines de recherche dans le monde. Que faire ? Se contenter des 9 000 ou utiliser le million et demi restant ? ».

Cet accès illimité à l'intelligence collective est l'une des clés du monde en réseau. Grâce à ces nouveaux paradigmes, l'économie parvient à s'affranchir de nombreuses contraintes d'ordre matériel. Weedman enfonce le clou : « Ce changement de modèle économique évite de dépenser de plus en plus pour la recherche et le développement avec des retours sur investissement de plus en plus faibles. » Aujourd'hui, plus de 50 % des innovations de P&G sont crowdsourcées [4]. C'est un véritable tremplin pour la créativité et l'innovation, particulièrement pour les petites et moyennes entreprises, les administrations publiques, les entreprises à but non lucratif (association, fondation) et les coopératives.

Le caractère immatériel des nouvelles transactions n'est pas nouveau. L'information, par définition immatérielle, est au cœur de nombreux produits. De nombreuses sociétés cotées en Bourse ancrent leur activité dans la production immatérielle, comme l'explique Seth Godin, entrepreneur américain, ancien responsable du marketing direct de Yahoo ! : « Il y a 20 ans, les 100 premières entreprises du classement Fortune 500 [5] tiraient leur richesse de l'exploitation des sols ou de la transformation de matières premières […] Aujourd'hui, seules 32 de ces entreprises fabriquent des objets […] Les 68 autres travaillent surtout sur des idées[6]. » Il est cependant possible d'établir un lien étroit entre production immatérielle et matérielle.

La participation d'internautes non-rémunérés[modifier]

Les nouveaux paradigmes ont de quoi ébranler les tenants du modèle économique classique : les idées, hier rares et brevetées, deviennent de plus en plus abondantes et librement partagées ; les services en ligne sont désormais bien souvent gratuits (selon le principe du produit d'appel) ; à la place des stages en entreprises, les nouveaux créatifs numériques participent bénévolement à des communautés virtuelles, démontrant leur mérite dans les nouveaux réseaux de pouvoir... Il n'est guère surprenant que les gouvernements cherchent à verrouiller et à réglementer ces réseaux, suivant ainsi les anciens paradigmes de droits d'auteur, au risque d'ignorer et de se priver de leur potentiel d'innovation.

Or, les produits issus de l’économie et de la culture du libre (aussi nommée culture open source), sont moins chers et souvent plus fiables que les autres, parce qu'ils effacent la pénurie artificielle créée par les entreprises qui verrouillent le marché de l'innovation. Là aussi, cette fiabilité repose sur le nombre de contributeurs. En effet, plus les concepteurs/utilisateurs d'un produit sont nombreux, plus ses failles éventuelles sont rapidement détectées et réparées.

En amont, ce nouveau modèle économique repose sur la participation volontaire d'individus non-rémunérés. Qu'est-ce qui les motive ? Chris Anderson, auteur de Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, rappelle que l'ennemi des créateurs est l'obscurité. En s'insérant dans un projet collaboratif, certaines personnes pourront être reconnues à leur juste valeur. Elles en éprouveront une grande satisfaction. Cette forme de travail collaboratif répond aux besoins se trouvant au sommet de la pyramide de Maslow [7] : créativité, résolution de problèmes, estime de soi. Une personne ayant prouvé sa valeur aux yeux de ses pairs n'aura aucun mal ensuite à vendre ses services.

Pour être appliqués comme ils le méritent, les nouveaux paradigmes n'exigent ni adoration béate, ni méfiance excessive. Simplement, le monde numérique ouvre un champ de possibilités sans précédent et annule la notion de rareté de l'information. Il se fait force et espace de changement.

Pour enraciner l'installation de ces nouveaux modèles, l'actuelle crise économique et financière peut agir comme un catalyseur. L'essayiste Yann Moulier-Boutang, dans L'abeille et l'économiste[8], explore la métaphore de l'abeille et de son œuvre de pollinisation. C'est-à-dire, en termes économiques, la diffusion sans barrières artificielles d'idées et de solutions. La pollinisation est difficilement quantifiable : « Ne cherchons pas à mettre un prix sur tout ce qui est hors de prix », écrit le sage apiculteur. Pourtant, sans pollinisation, pas de production. La démocratisation du savoir permet l'industrialisation de l'information. Au sein de ces nouveaux paradigmes, une autre question essentielle mérite d'être posée : qui est productif et qui ne l'est pas ?

Répondre à de nouveaux défis[modifier]

Au sein des économies mondialisées, le déséquilibre se creuse entre les bénéficiaires du système et les laissés-pour-compte, entre pays auxquels profite l'innovation et ceux qui la subissent. Les pays qui restent sur la touche du grand jeu économique représentent pourtant quatre milliards de personnes. La base de la pyramide (« bottom of the pyramid », BOP, concept faisant référence à la majorité socio-économique, qui est aussi la plus pauvre) pèse un poids encore considérable.

Et ces pays situés au bas de l'échelle du développement ont des besoins gigantesques auxquels l'économie traditionnelle a montré son incapacité à répondre. Ces pays se trouvent de facto dans une situation de dépendance économique accrue : leur dette est colossale. D'autres solutions existent toutefois. Là où des ONG, voire des gouvernements ont échoué en raison de leur modèle économique, une approche globale et collaborative serait à même de fonctionner. La notion de réseau est essentielle, d'autant plus lorsqu'interviennent des enjeux socio-économiques.

« L'éradication de la pauvreté passe par la création de richesse » [9], affirme le journaliste Andrew Mwenda. Grâce à la mise en réseau, de plus en plus d'initiatives d'entrepreneuriat social parviennent à réaliser les mêmes économies d'échelle que les grandes entreprises ; par exemple en partageant des apports technologiques ou en co-produisant des biens et des services ; mais aussi par la diffusion et la popularisation de nouveaux standards de production, lesquels, une fois le grand public conquis, seront acceptés par les institutions.

Comme le dit si bien Muhammad Yunus[10] : « elles permettent ainsi de créer les conditions propices au développement endogène des pays concernés, afin qu'ils soient en mesure de libérer leur énergie et leur créativité. »[11]

Ici, les enjeux sont immenses : ils ont pour noms changement climatique, accès à l'eau potable, pauvreté, accès à l'éducation et aux soins. Ils requièrent une action concertée et transdisciplinaire. Grâce aux réseaux, aux deux milliards d'utilisateurs d'internet (dont un milliard dans les pays émergents), l'imagination et le savoir-faire des foules sont maintenant à disposition. Il faut les utiliser sans tarder. Plus besoin de réinventer la roue.

Notes et références[modifier]

  1. Article « Ronald Coase », Wikipedia (consulté le 11.09.2014).
  2. The Nature of the Firm, Ronald H. Coase, Economica, New Series, vol. 4, n°16 (1937).
  3. www.innocentive.com
  4. [www.ideaconnection.com www.ideaconnection.com]
  5. Fortune 500 est le classement des 500 premières entreprises américaines, publié chaque année par le magazine Fortune.
  6. Digging it out of the ground, sethgodin, sur typepad.com.
  7. Il s'agit d'une classification hiérarchique des besoins humains. Voir semioscope.free.fr et l'article « Pyramide des besoins », Wikipedia (consulté le 18.09.2014).
  8. L'abeille et l'économiste, Yann Moulier-Boutang, Carnets Nord (2010).
  9. L'eradication de la pauvreté passe par la prise en compte du “capital naturel”, Andrew Mwenda, Programme des Nations Unies pour l’environnement, Communiqué de presse du PNUE 2005/48.
  10. Article « Muhammad Yunus », Wikipedia (consulté le 12.09.2014).
  11. Vers un nouveau capitalisme, Muhammad Yunus, J.-C. Lattès (2008).