La transition des -isme en -ité
Notions-clés : transformation, hominisation, pratiques tranversales, adaptation, mode d'emploi, Howto, citoyenneté active, societé industrielle, societé de l'information,transition, paradigme, biosphere.
Profils-clés : Joël de Rosnay.
« Il est devenu presque banal de constater l'échec de deux projets de sociétés : celui qui est offert par le capitalisme sauvage et celui qui est offert par le communisme bureaucratique. Mais il est plus difficile de définir la troisième voie vers laquelle nous nous engageons. » Joël de Rosnay[1].
Sommaire
Processus d'hominisation[modifier]
Une transition intéressante est aujourd'hui à l'œuvre : la transformation des -ismes en -ité. Elle induit la notion d'un retournement radical de modèle, plus précisément le glissement d'un modèle dominant transmis verticalement à un public passif à un modèle privilégiant des savoir-faire et des pratiques transversaux, raisonnés et responsables.
Cette transition s'accompagne nécessairement d'un net changement de comportement. Selon l'ancien paradigme, les différents choix de modèles de société se nommaient capitalisme, libéralisme, communisme ou socialisme. Dans une société globalisée où tout est relié, il n'est plus question de modèle, mais de boîte à outils. Il faut être capable de passer d'un modèle à l'autre et savoir s'adapter en fonction du contexte.
Les réalités sont de plus en plus nuancées et l'on voit émerger de nouvelles formulations telles que sociabilité, compatibilité ou évolutivité. Le suffixe -ité évoque la fluctuation qui remplace ou complète, selon les croyances, la notion de tendance. On parle ainsi de degré d'adaptabilité, de créativité, de fonctionnalité... et non plus de tendance capitaliste ou communiste.
L'adaptation, de fait, est la clé du succès : il s'agit désormais de modifier ses critères d'analyse en fonction de l'évolution culturelle. Certaines méthodes ou recettes connues, comme le système D, font d'ailleurs figure d'embryons du nouveau paradigme. Nous sommes constamment confrontés à d'autres modes de fonctionnement. La diversité des cultures et des approches se mélange dans notre tête, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre être tout entier. Nous passons d'un système de pensée unique, qui rejette tous les autres, à une combinaison de systèmes de pensée et de modes d'actions plus riches, plus complets et bien plus variés.
C'est le processus d'hominisation : la maîtrise d'une part toujours plus grande de notre potentiel humain, grâce à la maîtrise de dynamiques qui nous semblent a priori plus complexes. La boîte à outils, en effet, est plus complexe. Les conditions du succès ici ne seront pas les conditions du succès là-bas. Le développement de l'usage de termes dotés du suffixe -ité atteste que les choses sont moins tranchées et manichéennes qu'elles ne le furent (comme dans l'opposition classique des systèmes communiste et capitaliste).
Les technologies numériques sont au cœur de cette évolution car elles donnent accès à tous et en tout temps à l'ensemble des outils permettant de passer d'un mode de fonctionnement à l'autre, d'une grille de lecture à l'autre, d'un indicateur à l'autre. Ainsi, nous développons tous des capacités de sociologue, en analysant les comportements humains, ou des pratiques de journaliste, en sélectionnant des informations, en les échangeant et en les mettant en perspective.
Ce passage révèle celui d'une culture théorique à une culture de mécanismes pratiques. Il est d'autant plus ardu qu'il nous demande non seulement de participer à la création ou à l'adaptation de ces modes de pensée mais aussi de les incarner. On ne peut plus se contenter de dicter comment les choses doivent être faites, il faut aussi les mettre en œuvre, les habiter pour les faire vivre. Certaines activités permettent d'identifier et de réunir des pratiques qui pourraient sembler contradictoires. C'est le cas de l'entrepreneuriat social, un concept qui encourage aussi bien la dynamique entrepreneuriale que la culture du bien commun. Les pionniers du changement sont les précieux passeurs requis par cette grande transition.
Une mutation difficile[modifier]
L'urgence de promouvoir des pratiques vraiment durables est de plus en plus admise. Cependant, il est difficile de les définir. La progression semble suivre le principe du trois pas en avant, deux pas en arrière. Au niveau scolaire et universitaire, les étudiants sont de plus en plus nombreux à rejeter le système qui leur est imposé. Ils réclament une école plus flexible, modulaire, moins dogmatique, qui réduise le contrôle exercé par les enseignants et favorise l'entraide entre étudiants.
Les mêmes aspirations s'expriment dans le champ politique. En effet, de plus en plus d'organisations de la société civile choisissent de s'engager pour peser dans le processus politique, mais sans se présenter en tant que parti politique et sans présenter de candidats aux élections. Elles revendiquent plutôt le droit à une citoyenneté active. Cette dynamique a toujours existé, mais elle est plus visible que jamais.
Le royaume des howto
On apprend aujourd'hui de plus en plus par soi-même. « Howto » vient de how to do (comment faire). L'internet est le nouveau royaume des Howto. Toute pratique y est documentée. Souvent sous forme résumée, pas toujours suffisante pour aller au bout des choses, mais souvent pensée pour aider les moins expérimentés. Ainsi, dans une volonté de simplification, les modes d'emploi laissent de côté certains détails réservés aux experts. Un problème, une question ? Tapez « comment » suivi de votre question, affinez la recherche et vous trouverez. Essayez, testez, puis modifiez ou commentez si le mode d'emploi déniché n'est pas assez clair. À travers les « Howto », c'est l'adaptabilité et la participativité qui s'expriment. Encore deux concepts en -ité… |
Vingt-et-un critères pour comprendre les deux tendances au XXIe siècle[modifier]
Pour prendre les bonnes décisions, il importe d'abord d'avoir défini de bons critères d'analyse. Il est à cette fin indispensable de connaître les différentes visions du monde (croyances) qui sous-tendent chaque critère. Ci-après, un tableau décrivant les critères qui guident nos méthodes de gestion des informations, divisés en deux tendances, deux systèmes de croyances, deux paradigmes.
Tendance et croyance anthropocentriste, l’homme est au centre de l’univers. | Tendance et croyance géocentriste, la Terre est au centre, l’homme en fait partie, il est gardien de la planète |
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Cloisonnement | Ouverture |
Statique | Dynamique |
Conformisme | Adaptabilité |
Incompatibilité | Compatibilité |
Démesure | Modération |
Invariabilité | Évolutivité |
Autarcie | Mutualisation |
Institutionnalisation | Modélisation |
Répression | Prévention |
Monolithisme | Modularité |
Ignorance | Attention |
Non formalisation | Formalisation |
Homogénéité | Diversité |
Opacité | Transparence |
Mécanique | Organicité |
Non coopération | Coopération |
Spéculation | Valorisation |
Centralisation | Décentralisation |
Éloignement | Proximité |
Exclusivité | Non exclusivité |
Dispersion | Finalisation |
Notes et références[modifier]
- ↑ Le macroscope - Vers une vision globale. Edition Le Seuil, Paris. 1977.