Avant-propos : Différence entre versions

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'''Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions.'''
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''"Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions".'' '''Jean-Jacques Rousseau, Émile III.
Jean-Jacques Rousseau, Émile III. <br> <br>
 
  
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==Vers une économie plus juste==
  
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Crise économique, crise sociale, crise écologique, mais aussi... crise des croyances en notre modèle ! Le système capitaliste, annoncé comme le meilleur au monde, est-il vraiment viable ? Doit-on encore croire ses promoteurs, qui nous assurent depuis des décennies qu'« il n’y a pas d’alternative » au marché, à la mondialisation, à la déréglementation financière, aux baisses de salaires, aux délocalisations, à la disparition des services publics.<br />
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Entre la main invisible sensée réguler le libéralisme et l'interventionnisme de l’État, d'autres voies sont-elles possibles? Oui, répondent les acteurs du changement, les incubateurs d'innovation sociale. Non seulement des alternatives existent, mais elles sont aussi crédibles. Parmi ces propositions nouvelles, l'économie sociale (ou Économie sociale et solidaire) fait figure de point de convergence. Cette approche dynamique émerge à travers de multiples réussites concrètes et porte en elle les germes du nouveau contrat social tant attendu.<br />
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Voici un panorama des valeurs et principes de l’économie sociale et solidaire, issus de nombreuses listes réalisées par les personnes impliquées dans ce secteur, comme la charte celle du Réseau Intercontinental de Promotion de l’Économie Social Solidaire (RIPESS) <ref>[http://www.ripess.org/ http://www.ripess.org/]</ref>. En parallèle, quelques applications dans le domaine économique, telles que :
  
==Avant-propos==
 
== Vers une économie plus juste ==
 
Crise économique, crise sociale, crise écologique, mais aussi... crise des croyances en notre modèle ! Le système capitaliste, annoncé comme le meilleur au monde, est-il vraiment viable ? Doit-on encore croire ses promoteurs, qui nous assurent depuis des décennies qu'« il n’y a pas d’alternative » au marché, à la mondialisation, à la déréglementation financière, aux baisses de salaires, aux délocalisations, à la disparition des services publics.<br>
 
Entre la main invisible sensée réguler le libéralisme et l'interventionnisme de l’État, d'autres voies sont-elles possibles? Oui, répondent les acteurs du changement, les incubateurs d'innovation sociale. Non seulement des alternatives existent, mais elles sont aussi crédibles. Parmi ces propositions nouvelles, l'économie sociale (ou Économie sociale et solidaire) fait figure de point de convergence.
 
Cette approche dynamique émerge à travers de multiples réussites concrètes et porte en elle les germes du nouveau contrat social tant attendu. En voici quelques notions-clés (principes et valeurs) :  <br>
 
  
 
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! Valeurs et principes de l’ESS !! '''Domaines d’activités où l’ESS s’exprime (liste non exhaustive) '''<ref> Ces secteurs sont notamment listés par thématiques par l’Observatoire européen de l’entreprenariat social : http://www.ess-europe.eu/?page_id=81</ref>
 
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* solidarité
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1) respect du bien commun<br />
* bien commun
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2) solidarité et coopération<br />
* coopération
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3) coopération<br />
* multipartisme
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4) diversité<br />
* autonomie
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5) autonomie<br />
* citoyenneté active
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6) citoyenneté active<br />
* bénéfice mutuel
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7) mutualisation<br />
* bien-être social
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8) bien-être social<br />
* liberté fondamentale
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9) innovation ouverte<br />
* innovation ouverte
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10) gouvernance décentralisée<br />
* vente de service plutôt que de produit
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11) partage de l'information<br />
* gouvernance décentralisée
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12) culture du don
* partage de l'information
 
* culture du don
 
 
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* Agriculture de proximité
 
* Agriculture de proximité
* commerce équitable et bio
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* Commerce équitable et bio
* systèmes d'échanges locaux
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* Systèmes d'échanges locaux
* art, culture, bien-être et sport
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* Services à la personne
* microcrédit et finance solidaire
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* Microcrédit et finance solidaire
* promotion de l'économie locale
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* Promotion de l'économie locale
* coopératives d'habitat écologique
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* Coopératives d'habitat écologique
* artisanat et industries coopératives
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* Artisanat et industries coopératives
 
* Entreprises d'insertion par l'économie
 
* Entreprises d'insertion par l'économie
* mobilité douce, énergies renouvelables
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* Mobilité douce, énergies renouvelables
* entreprises d'innovation environnementale
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* Entreprises d'innovation environnementale
 
* PME à visage humain et sans but spéculatif
 
* PME à visage humain et sans but spéculatif
 
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A pas feutrés, cette tendance englobante s'impose comme un axe incontournable pour la refonte de nos échanges économiques, même si la notion de "solidarité" comme vecteur de bien-être social fait encore un peu figure de douce utopie pour les tenants du paradigme capitaliste.<br>.<br>
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A pas feutrés, cette tendance englobante s'impose comme un axe incontournable pour la refonte de nos échanges économiques, même si la notion de "solidarité" comme vecteur de bien-être social fait encore un peu figure de douce utopie pour les tenants du paradigme capitaliste.Et pourtant, l'économie à visage humain, non spéculative, concentrée sur la création de richesse sociale, rallie un nombre croissant de managers, de créateurs d'entreprises. C’est pourquoi, en France, un appel commun a été signé en juin 2011 par de nombreuses organisations de l’ESS et personnalités pour poursuivre la démarche des Etats généraux de l’ESS, en formulant des propositions aux partis politiques mais également à l’opinion publique, et faire débat<ref> [http://www.lelabo-ess.org/ www.lelabo-ess.org]. Lien : http://www.lelabo-ess.org/?L-appel-commun-texte-unitaire</ref> &nbsp;:''' “'''''Si nous voulons changer de paradigme, si nous voulons un futur plus accueillant aux jeunes générations, il est temps de reconnaitre le poids politique et économique des acteurs de l’économie sociale et solidaire”. ''Ne serait-ce qu’en France, l’ESS mobilise 10% des salariés et génère de l'emploi (20% des créations), selon le panorama de l’Observatoire national de l’économie sociale et solidaire (selon les données de l’Insee en 2008) <ref>https://www.box.com/shared/szp5fazj6j</ref>. Autant dire qu'un peu partout en Europe, l'économie sociale se taille petit à petit une réelle légitimité face aux logiques qui privilégient le profit au détriment de l’intérêt général et de l'utilité sociale. Les entreprises sociales représentent au sein de l’Union européenne 10% de l’ensemble des entreprises de l’Union européenne, &nbsp;soit 2 millions d’entreprises qui emploient plus de 20 millions de salariés (6% de l’emploi total), selon les chiffres de l’Observatoire européen de l’entreprenariat social<ref>http://www.ess-europe.eu/?page_id=251</ref> .
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Et pourtant, l'économie du don rallie un nombre croissant de managers, de créateurs d'entreprises. Tant et si bien qu'en France, par exemple, elle mobilise 10% des salariés et génère de l'emploi (20% des créations), selon l’Observatoire national de l’économie sociale et solidaire. Autant dire qu'un peu partout en Europe, l'économie sociale se taille petit à petit une réelle légitimité face aux logiques qui privilégient le profit au détriment de l’intérêt général et de l'utilité sociale.<br>
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| '''Economie sociale ou économie solidaire?'''
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Jean-Claude Detilleux, président du Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale (CEGES''<ref> [http://www.ceges.org/ www.ceges.org]. Lien http://www.ceges.org/index.php/ceges/presentation/leconomie-sociale-et-solidaire/les-textes-fondateurs</ref>'', France) rappelle que l’économie sociale et l’économie solidaire partagent les mêmes valeurs.Ces deux mouvements (et la myriades de sous-cultures ou groupes connexes sans tête ni dirigeant unique) se sont dotés de chartes éthiques pour définir leurs valeurs communes. Nous assistons à l’émergence de nouvelles pratiques qui se rejoignent dans une seule et même volonté : favoriser une économie à visage humain.
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''« L'économie sociale est, sans aucun détour, favorable à une économie plus solidaire. Elle se retrouve donc très largement dans ce Manifeste (celui de l’économie solidaire, ndlr) qui établit clairement la filiation historique entre deux générations d'entrepreneurs.''
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''L'économie sociale agit pour soutenir le foisonnement d'initiatives solidaires à travers ses banques coopératives, ses mutuelles d'assurances ou de santé, son mouvement coopératif et associatif, en apportant des moyens financiers, des ressources humaines, des moyens d'accompagnement. (...)''
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''Car pour l'essentiel nous partageons les mêmes valeurs : celle de solidarité mais aussi celle de démocratie et de manière plus globale, celles visant à mettre l'économie au service de l'homme.''
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''Ne figeons pas trop les nuances ou les différences entre économie sociale et économie solidaire. L'économie sociale mène un combat essentiel pour réguler les marchés, rénover la protection sociale, mieux maîtriser la mondialisation, promouvoir le développement durable. Les grandes banques coopératives, les mutuelles d'assurance ou de santé, les coopératives de production, de logement, d'artisans, les associations dans des secteurs comme le tourisme et la culture, les fondations ne sont pas opéables, difficilement délocalisables et ont un autre rapport au territoire et aux résultats à long terme. Dans une économie plurielle de marché, l'économie sociale est indispensable. ''
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''Plus elle sera forte, plus elle pourra soutenir les initiatives d'économie solidaire et peser pour entreprendre autrement. Ma conclusion est donc claire ! Travaillons ensemble »''
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Non seulement ce secteur d'avant-garde fait l'objet d'une multitude d'expériences concrètes, mais il suscite également un nombre croissant de travaux théoriques, universitaires, internationaux.<br>
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Non seulement ce secteur d'avant-garde fait l'objet d'une multitude d'expériences concrètes, mais il suscite également un nombre croissant de travaux de recherche et de formation académique, tant auprès des gouvernements nationaux que des organisations internationales.La pertinence du propos des gestionnaires de l'économie sociale permet aussi à de nombreux projets de bénéficier de fonds pour étudier et diffuser cette thématique dans les programmes européens d’innovation.En effet, les propositions d'innovation sociale, autour de valeurs partagées, de savoir-être, de l'environnement de travail, retiennent l’attention face aux propositions purement axées sur l'amélioration de la productivité par le progrès technologique.C'est pourquoi l'Union européenne s'intéresse désormais davantage à l'innovation dite sociétale, avec des fonds spécifiques pour le secteur de l'économie sociale et solidaire.
La pertinence du propos des managers de l'économie sociale permet aussi à de nombreux projets de décrocher des crédits dans les programmes européens. Les propositions d'innovation sociale, autour de valeurs partagées, de savoir-être, de l'environnement de travail, dame le pion aux propositions purement axées sur l'amélioration de la productivité par le progrès technologique.<br>
 
C'est pourquoi l'Union européenne s'intéresse désormais davantage à l'innovation dite sociétale, avec des fonds spécifiques pour le secteur de l'économie sociale et solidaire.<br>
 
  
===L'exemple ARIADNE===
 
  
Projet collaboratif entre plusieurs organisations européennes, ARIADNE a bénéficié du soutien de l'Union européenne (dans le cadre de la formation continue), pour développer la formation du management en économie sociale, notamment à l'attention des pays de l'Europe de l'Est. Elle a par ailleurs développé un référentiel cadre à l'attention des bénéficiaires, notamment ceux particulièrement touchés par la crise économique, et dans lesquels l’économie sociale, peu présente actuellement, pourrait s'avérer un levier important de sortie de crise économique et de maintien de la cohésion sociale. <br>
 
Les formations en économie sociale existent, mais beaucoup sont orientées sur les « compétences métiers » du secteur social sans tenir compte de spécificités tout à fait inédites inhérentes à l'économie sociale : mode de gouvernance décentralisé, animation d'une vaste communauté d'acteurs, logique de réseau, culture du don, formation tout au long de sa vie....<br>
 
  
'''Quelques acteurs impliqués dans ARIADNE :''' <br>
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==Cap sur l’économie sociale et solidaire 2.0 !==
  
'''L'Ecole supérieure de commerce et de management Tours-Poitiers''' pilote le projet ARIADNE. L'ESCEM a constitué avec plusieurs organismes du secteur de l'économie sociale, une chaire économie sociale et management (dirigée par François Silva, coordinateur d'ARIADNE). Dans le cadre de cette chaire plusieurs formations ont été mises en œuvre.<br>
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L’économie sociale n’est pas nouvelle. Mais on assiste à sa réémergence et à sa formalisation &nbsp;parallèlement à l'avènement de l'économie numérique.Le boom du numérique a été fulgurant et cela n'a échappé à personne. En revanche, on commence seulement à percevoir les points communs tout à fait frappants, en terme d’impact sociétal, entre l'économie sociale et l'économie numérique. Ces deux secteurs n’ont, à première vue, rien en commun : en effet, on a bien du mal à imaginer ce qui relie une coopérative de produits locaux d’une région rurale et une start-up misant sur la high-tech dans une capitale européenne...Mais est-ce vraiment un hasard si ces deux dynamiques économiques sont en croissance simultanément ?Dans les deux cas, un changement historique est à l'œuvre, qui touche nos valeurs, nos méthodes de travail, notre rapport à l'autre, notre manière d'organiser le vivre-ensemble. Dans les deux cas, il est question de « faire réseau » et de « bien commun ».En d'autres termes, et c’est l’hypothèse que nous développons dans ce livre, &nbsp;l'économie du numérique ou d’Internet, par ses mécanismes fondamentaux, serait structurellement sociale et solidaire.
'''Le Centre d'économie sociale de HEC-Liège''' est un partenaire important du projet en raison de sa légitimité dans l'histoire européenne de l'économie sociale. Il gère la plus ancienne revue académique en économie sociale et dispose du centre de documentation le plus important sur cette question en Europe, sinon dans le monde. Dans le cadre d'ARIADNE, on lui doit la réalisation d'un référentiel de compétences à l'attention des gestionnaires de l'économie sociale et solidaire, d'un glossaire et d'une bibliographie de référence (Voir annexes). <br>
 
'''L'Unité de recherches coopératives (CRU) de l'Open University de Milton Keynes''' en Angleterre. Cette unité a presque 30 ans d'expérience en recherche, formation, conseil et des publications pour les coopératives, entreprises sociales et d'autres organisations dans l'économie sociale. L'Open University est l'un des établissements d'enseignement à distance les plus connus dans le monde.<br>
 
  
'''La fondation Ynternet.org''', partenaire sur la question des enjeux sociétaux du numérique, met à disposition d'ARIADNE son expertise. L'objectif du présent ouvrage, réalisé par Ynternet.org, est justement de sensibiliser les acteurs de la nouvelle économie aux propriétés et valeurs du numérique. Mis à disposition des partenaires du projet ARIADNE, cet ouvrage permet de mieux comprendre en quoi les outils de l'ère numérique sont incontournables pour les nouvelles formes de gestion. Mais aussi en quoi ces outils correspondent en tous points aux valeurs et aux besoins de l'économie solidaire, à commencer par la relocalisation de l'économie.
 
  
==Economie sociale et solidaire 2.0==
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Le développement de l'économie sociale s'effectue dans un contexte tout particulier, celui de l'avènement de  l'économie numérique. Le boom du numérique a été fulgurant et cela n'a échappé à personne.<br>
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En revanche, ce qui n'est pas encore bien perçu, ce sont les affinités tout à fait frappantes entre l'économie sociale et l'économie numérique, deux secteurs qui, a priori, n'ont rien en commun. On a bien du mal à imaginer ce qui relie, en effet, une coopérative de produits locaux du Vercors tenue par des ruraux dans une ambiance quelque peu baba cool et une start-up parisienne lancée par une bande de copains branchés high-tech. Mais est-ce vraiment un hasard si ces deux économies ont émergé simultanément?<br>
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| '''Pionniers du numérique et entrepreneurs sociaux : acteurs d'une même transition'''
Dans les deux cas, un changement historique est à l'œuvre, qui touche nos valeurs, nos méthodes de travail, notre rapport à l'autre, notre manière d'organiser le vivre-ensemble. Dans les deux cas, il est question de « faire réseau » et de « bien commun ».<br>
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''« Les cyberacteurs associatifs ne font pas que protester ou militer dans l’espace virtuel. Ils y sont incidemment porteurs d’un autre modèle économique (concurrent du modèle dominant), qui promeut une organisation collective et le refus de l’échange monétaire.'''''“'''''Si le cyberespace se présente comme un territoire d’accueil pour le social et pour les causes défendues par les associations, ces dernières ont aussi à apprendre des modèles organisationnels qui ont émergé sur Internet. C’est ainsi que l’étonnante croissance des logiciels libres constitue un modèle de référence important pour les associations. La logique collective, bénévole, non monétaire qui a présidé à la naissance des logiciels libres a quelque chose qui rappelle étonnamment la logique associative.'''''“'''''À la différence des associations, les collectifs du logiciel libre sont le plus souvent des organisations informelles sans véritable porte-parole ou instances de gouvernance. Le modèle qu’ils proposent est celui de l’auto-organisation, de la réactivité, de la reconnaissance des acteurs selon leur implication.'''''“'''''À côté des licences publiques instaurées pour protéger les logiciels libres, une réflexion s’est prolongée vers d’autres supports. C’est ainsi que les licences Creative Commons (alias CC) proposent un mécanisme qui allie protection de l’auteur et partage, s’inspirant du logiciel libre tout en étendant son objet aux autres oeuvres de l’esprit.'''''“'''''En refusant de séparer les figures du producteur et du consommateur et en affirmant une dimension non monétaire de l’échange, le modèle de logiciels libres associé aux creative commons exprime un ancrage dans une économie de la contribution (Stiegler, Giffard et Faure, 2009). »''Philippe Eynaud, Maître de conférences de l'Institut d'administration des entreprises de Paris. Extrait de ''Spécificités de management des entreprises de l’économie sociale et solidaire''. Ouvrage collectif.
En d'autres termes, l'économie Internet est structurellement équitable, solidaire... Et les outils proposés par internet arrivent au moment opportun pour favoriser le développement de l'économie sociale, avec la possibilité, par exemple, d'encourager la relocalisation de l'économie, grâce aux services en ligne.<br>
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Inversement, « les valeurs de l’économie sociale et solidaire (solidarité, bien commun, etc.) correspondent aux besoins de postures/attitudes collaboratives pour utiliser efficacement ces nouveaux outils », explique François Silva, le directeur de la chaire économie sociale et management de l'Escem Tours-Poitiers. « Ce ne sont pas seulement les salariés qui sont concernés, mais tout l’écosystème de l’entreprise ».
 
 
 
==Citoyens numériques et entrepreneurs sociaux : acteurs d'une même transition==
 
« Les cyberacteurs associatifs ne font pas que protester ou militer dans l’espace virtuel. Ils y sont incidemment porteurs d’un autre modèle économique (concurrent du modèle dominant), qui promeut une organisation collective et le refus de l’échange monétaire.<br>
 
 
 
Si le cyberespace se présente comme un territoire d’accueil pour le social et pour les causes défendues par les associations, ces dernières ont aussi à apprendre des modèles organisationnels qui ont émergé sur Internet. C’est ainsi que l’étonnante croissance des logiciels libres constitue un modèle de référence important pour les associations. La logique collective, bénévole, non monétaire qui a présidé à la naissance des logiciels libres a quelque chose qui rappelle étonnamment la logique associative.<br>
 
 
 
À la différence des associations, les collectifs du logiciel libre sont le plus souvent des organisations informelles sans véritable porte-parole ou instances de gouvernance. Le modèle qu’ils proposent est celui de l’auto-organisation, de la réactivité, de la reconnaissance des acteurs selon leur implication. À côté des licences publiques instaurées pour protéger les logiciels libres, une réflexion s’est prolongée vers d’autres supports.
 
C’est ainsi que les creative commons proposent un mécanisme qui allie protection de l’auteur et partage, s’inspirant du logiciel libre tout en étendant son objet aux autres oeuvres de l’esprit.<br>
 
  
En refusant de séparer les figures du producteur et du consommateur et en affirmant une dimension non monétaire de l’échange, le modèle de logiciels libres associé aux creative commons exprime un ancrage dans une économie de la contribution (Stiegler, Giffard et Faure, 2009). »
 
  
Philippe Eynaud, Maître de conférences de l'Institut d'administration des entreprises de Paris. Extrait de ''Spécificités de management des entreprises de l’économie sociale et solidaire''. Ouvrage collectif.
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== Notes et références ==
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Version du 14 décembre 2012 à 14:49

"Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions". Jean-Jacques Rousseau, Émile III.

Vers une économie plus juste

Crise économique, crise sociale, crise écologique, mais aussi... crise des croyances en notre modèle ! Le système capitaliste, annoncé comme le meilleur au monde, est-il vraiment viable ? Doit-on encore croire ses promoteurs, qui nous assurent depuis des décennies qu'« il n’y a pas d’alternative » au marché, à la mondialisation, à la déréglementation financière, aux baisses de salaires, aux délocalisations, à la disparition des services publics.

Entre la main invisible sensée réguler le libéralisme et l'interventionnisme de l’État, d'autres voies sont-elles possibles? Oui, répondent les acteurs du changement, les incubateurs d'innovation sociale. Non seulement des alternatives existent, mais elles sont aussi crédibles. Parmi ces propositions nouvelles, l'économie sociale (ou Économie sociale et solidaire) fait figure de point de convergence. Cette approche dynamique émerge à travers de multiples réussites concrètes et porte en elle les germes du nouveau contrat social tant attendu.

Voici un panorama des valeurs et principes de l’économie sociale et solidaire, issus de nombreuses listes réalisées par les personnes impliquées dans ce secteur, comme la charte celle du Réseau Intercontinental de Promotion de l’Économie Social Solidaire (RIPESS) [1]. En parallèle, quelques applications dans le domaine économique, telles que :


Valeurs et principes de l’ESS Domaines d’activités où l’ESS s’exprime (liste non exhaustive) [2]

1) respect du bien commun
2) solidarité et coopération
3) coopération
4) diversité
5) autonomie
6) citoyenneté active
7) mutualisation
8) bien-être social
9) innovation ouverte
10) gouvernance décentralisée
11) partage de l'information
12) culture du don

  • Agriculture de proximité
  • Commerce équitable et bio
  • Systèmes d'échanges locaux
  • Services à la personne
  • Microcrédit et finance solidaire
  • Promotion de l'économie locale
  • Coopératives d'habitat écologique
  • Artisanat et industries coopératives
  • Entreprises d'insertion par l'économie
  • Mobilité douce, énergies renouvelables
  • Entreprises d'innovation environnementale
  • PME à visage humain et sans but spéculatif


A pas feutrés, cette tendance englobante s'impose comme un axe incontournable pour la refonte de nos échanges économiques, même si la notion de "solidarité" comme vecteur de bien-être social fait encore un peu figure de douce utopie pour les tenants du paradigme capitaliste.Et pourtant, l'économie à visage humain, non spéculative, concentrée sur la création de richesse sociale, rallie un nombre croissant de managers, de créateurs d'entreprises. C’est pourquoi, en France, un appel commun a été signé en juin 2011 par de nombreuses organisations de l’ESS et personnalités pour poursuivre la démarche des Etats généraux de l’ESS, en formulant des propositions aux partis politiques mais également à l’opinion publique, et faire débat[3]  :Si nous voulons changer de paradigme, si nous voulons un futur plus accueillant aux jeunes générations, il est temps de reconnaitre le poids politique et économique des acteurs de l’économie sociale et solidaire”. Ne serait-ce qu’en France, l’ESS mobilise 10% des salariés et génère de l'emploi (20% des créations), selon le panorama de l’Observatoire national de l’économie sociale et solidaire (selon les données de l’Insee en 2008) [4]. Autant dire qu'un peu partout en Europe, l'économie sociale se taille petit à petit une réelle légitimité face aux logiques qui privilégient le profit au détriment de l’intérêt général et de l'utilité sociale. Les entreprises sociales représentent au sein de l’Union européenne 10% de l’ensemble des entreprises de l’Union européenne,  soit 2 millions d’entreprises qui emploient plus de 20 millions de salariés (6% de l’emploi total), selon les chiffres de l’Observatoire européen de l’entreprenariat social[5] .


Economie sociale ou économie solidaire?

Jean-Claude Detilleux, président du Conseil des entreprises, employeurs et groupements de l’économie sociale (CEGES[6], France) rappelle que l’économie sociale et l’économie solidaire partagent les mêmes valeurs.Ces deux mouvements (et la myriades de sous-cultures ou groupes connexes sans tête ni dirigeant unique) se sont dotés de chartes éthiques pour définir leurs valeurs communes. Nous assistons à l’émergence de nouvelles pratiques qui se rejoignent dans une seule et même volonté : favoriser une économie à visage humain.

« L'économie sociale est, sans aucun détour, favorable à une économie plus solidaire. Elle se retrouve donc très largement dans ce Manifeste (celui de l’économie solidaire, ndlr) qui établit clairement la filiation historique entre deux générations d'entrepreneurs.

L'économie sociale agit pour soutenir le foisonnement d'initiatives solidaires à travers ses banques coopératives, ses mutuelles d'assurances ou de santé, son mouvement coopératif et associatif, en apportant des moyens financiers, des ressources humaines, des moyens d'accompagnement. (...)

Car pour l'essentiel nous partageons les mêmes valeurs : celle de solidarité mais aussi celle de démocratie et de manière plus globale, celles visant à mettre l'économie au service de l'homme.

Ne figeons pas trop les nuances ou les différences entre économie sociale et économie solidaire. L'économie sociale mène un combat essentiel pour réguler les marchés, rénover la protection sociale, mieux maîtriser la mondialisation, promouvoir le développement durable. Les grandes banques coopératives, les mutuelles d'assurance ou de santé, les coopératives de production, de logement, d'artisans, les associations dans des secteurs comme le tourisme et la culture, les fondations ne sont pas opéables, difficilement délocalisables et ont un autre rapport au territoire et aux résultats à long terme. Dans une économie plurielle de marché, l'économie sociale est indispensable.


Plus elle sera forte, plus elle pourra soutenir les initiatives d'économie solidaire et peser pour entreprendre autrement. Ma conclusion est donc claire ! Travaillons ensemble »



Puzzle Ecopol.jpg


Non seulement ce secteur d'avant-garde fait l'objet d'une multitude d'expériences concrètes, mais il suscite également un nombre croissant de travaux de recherche et de formation académique, tant auprès des gouvernements nationaux que des organisations internationales.La pertinence du propos des gestionnaires de l'économie sociale permet aussi à de nombreux projets de bénéficier de fonds pour étudier et diffuser cette thématique dans les programmes européens d’innovation.En effet, les propositions d'innovation sociale, autour de valeurs partagées, de savoir-être, de l'environnement de travail, retiennent l’attention face aux propositions purement axées sur l'amélioration de la productivité par le progrès technologique.C'est pourquoi l'Union européenne s'intéresse désormais davantage à l'innovation dite sociétale, avec des fonds spécifiques pour le secteur de l'économie sociale et solidaire.


Cap sur l’économie sociale et solidaire 2.0 !

L’économie sociale n’est pas nouvelle. Mais on assiste à sa réémergence et à sa formalisation  parallèlement à l'avènement de l'économie numérique.Le boom du numérique a été fulgurant et cela n'a échappé à personne. En revanche, on commence seulement à percevoir les points communs tout à fait frappants, en terme d’impact sociétal, entre l'économie sociale et l'économie numérique. Ces deux secteurs n’ont, à première vue, rien en commun : en effet, on a bien du mal à imaginer ce qui relie une coopérative de produits locaux d’une région rurale et une start-up misant sur la high-tech dans une capitale européenne...Mais est-ce vraiment un hasard si ces deux dynamiques économiques sont en croissance simultanément ?Dans les deux cas, un changement historique est à l'œuvre, qui touche nos valeurs, nos méthodes de travail, notre rapport à l'autre, notre manière d'organiser le vivre-ensemble. Dans les deux cas, il est question de « faire réseau » et de « bien commun ».En d'autres termes, et c’est l’hypothèse que nous développons dans ce livre,  l'économie du numérique ou d’Internet, par ses mécanismes fondamentaux, serait structurellement sociale et solidaire.


Pionniers du numérique et entrepreneurs sociaux : acteurs d'une même transition

« Les cyberacteurs associatifs ne font pas que protester ou militer dans l’espace virtuel. Ils y sont incidemment porteurs d’un autre modèle économique (concurrent du modèle dominant), qui promeut une organisation collective et le refus de l’échange monétaire.Si le cyberespace se présente comme un territoire d’accueil pour le social et pour les causes défendues par les associations, ces dernières ont aussi à apprendre des modèles organisationnels qui ont émergé sur Internet. C’est ainsi que l’étonnante croissance des logiciels libres constitue un modèle de référence important pour les associations. La logique collective, bénévole, non monétaire qui a présidé à la naissance des logiciels libres a quelque chose qui rappelle étonnamment la logique associative.À la différence des associations, les collectifs du logiciel libre sont le plus souvent des organisations informelles sans véritable porte-parole ou instances de gouvernance. Le modèle qu’ils proposent est celui de l’auto-organisation, de la réactivité, de la reconnaissance des acteurs selon leur implication.À côté des licences publiques instaurées pour protéger les logiciels libres, une réflexion s’est prolongée vers d’autres supports. C’est ainsi que les licences Creative Commons (alias CC) proposent un mécanisme qui allie protection de l’auteur et partage, s’inspirant du logiciel libre tout en étendant son objet aux autres oeuvres de l’esprit.En refusant de séparer les figures du producteur et du consommateur et en affirmant une dimension non monétaire de l’échange, le modèle de logiciels libres associé aux creative commons exprime un ancrage dans une économie de la contribution (Stiegler, Giffard et Faure, 2009). »Philippe Eynaud, Maître de conférences de l'Institut d'administration des entreprises de Paris. Extrait de Spécificités de management des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ouvrage collectif.


Notes et références