Big Brother contre les netizens : Différence entre versions

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(Big Brother Awards : le prix « que personne ne souhaite recevoir »)
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En 1949, George Orwell publie un roman d’anticipation dans lequel il décrit une société future dirigée par une dictature molle, qui utilise une myriade de moyens technologiques pour contrôler la population. L’histoire se déroule en 1984, comme l’indique le titre de l’oeuvre : dans cette société imaginée, la technologie - omniprésence des écrans, .. - fait figure de religion moderne. Des caméras surveillent en permanence la population et il existe même une “police de la pensée”. Sur les murs, des affiches représentant le visage d’un homme, accompagné du slogan “Big Brother is watching you”, rappellent aux habitants que partout, à tout moment, ils sont surveillés. Contrôle des actions, de la pensée : la méthode Big Brother ''inclut''également l’introduction forcée d’une nouvelle langue, dans laquelle ont disparu les mots permettant d’exprimer contestations, interrogations ou réflexions personnelles, de façon à anéantir tout libre arbitre et tout esprit critique parmi la population. Après le succès du roman, la figure de Big Brother devient au fil du temps l’allégorie d’une certaine forme de pouvoir totalitaire sournois.  
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En 1949, George Orwell publie un roman d’anticipation dans lequel il décrit une société future dirigée par une dictature molle, qui utilise une myriade de moyens technologiques pour contrôler la population. L’histoire se déroule en 1984, comme l’indique le titre de l’oeuvre : dans cette société imaginée, la technologie - omniprésence des écrans, .. - fait figure de religion moderne. Des caméras surveillent en permanence la population et il existe même une “police de la pensée”. Sur les murs, des affiches représentant le visage d’un homme, accompagné du slogan “Big Brother is watching you”, rappellent aux habitants que partout, à tout moment, ils sont surveillés. Contrôle des actions, de la pensée : la méthode Big Brother prévoit également l’introduction forcée d’une nouvelle langue, dans laquelle ont disparu les mots permettant d’exprimer contestations, interrogations ou réflexions personnelles, de façon à anéantir tout libre arbitre et tout esprit critique parmi la population. Après le succès du roman, la figure de Big Brother devient au fil du temps l’allégorie d’une certaine forme de pouvoir totalitaire sournois.  
  
 
Bien qu’élaborée dans les années 50, la science-fiction d’Orwell semble rejoindre aujourd'hui certaines peurs suscitées par la "numérisation du monde". Or elle repose sur une conception de la technologie étroite et limitée : elle présente un système fermé, au contraire des concepts qui ont réellement inspiré Internet au cours de ces mêmes années 50, telles l'[[écologie spirituelle]], la [[noosphère]] ou encore la [[neutralité des réseaux]].
 
Bien qu’élaborée dans les années 50, la science-fiction d’Orwell semble rejoindre aujourd'hui certaines peurs suscitées par la "numérisation du monde". Or elle repose sur une conception de la technologie étroite et limitée : elle présente un système fermé, au contraire des concepts qui ont réellement inspiré Internet au cours de ces mêmes années 50, telles l'[[écologie spirituelle]], la [[noosphère]] ou encore la [[neutralité des réseaux]].

Version du 15 septembre 2011 à 15:54

1. 1984 un livre précurseur

En 1949, George Orwell publie un roman d’anticipation dans lequel il décrit une société future dirigée par une dictature molle, qui utilise une myriade de moyens technologiques pour contrôler la population. L’histoire se déroule en 1984, comme l’indique le titre de l’oeuvre : dans cette société imaginée, la technologie - omniprésence des écrans, .. - fait figure de religion moderne. Des caméras surveillent en permanence la population et il existe même une “police de la pensée”. Sur les murs, des affiches représentant le visage d’un homme, accompagné du slogan “Big Brother is watching you”, rappellent aux habitants que partout, à tout moment, ils sont surveillés. Contrôle des actions, de la pensée : la méthode Big Brother prévoit également l’introduction forcée d’une nouvelle langue, dans laquelle ont disparu les mots permettant d’exprimer contestations, interrogations ou réflexions personnelles, de façon à anéantir tout libre arbitre et tout esprit critique parmi la population. Après le succès du roman, la figure de Big Brother devient au fil du temps l’allégorie d’une certaine forme de pouvoir totalitaire sournois.

Bien qu’élaborée dans les années 50, la science-fiction d’Orwell semble rejoindre aujourd'hui certaines peurs suscitées par la "numérisation du monde". Or elle repose sur une conception de la technologie étroite et limitée : elle présente un système fermé, au contraire des concepts qui ont réellement inspiré Internet au cours de ces mêmes années 50, telles l'écologie spirituelle, la noosphère ou encore la neutralité des réseaux.


2. Big Brother, entre amour et haine

L'expression "Big Brother" a donc été largement reprise pour décrire la surveillance constante exercée par un pouvoir despotique sur sa population. Elle s'applique plus particulièrement au contrôle par les nouvelles technologies, et notamment Internet, alors considéré comme l'outil le plus efficace en la matière. Une prise de conscience responsable de ces risques et une utilisation critique d’Internet permettent toutefois de créer des espaces sociaux démocratiques, de contourner les contrôles ou encore d'élargir le champ de la liberté d’expression et des technologies qui l’appuient.


2.1 Big Brother: ennemi public numéro 1

Ce grand frère qui veille et nous surveille est incarné par une technologie moderne: caméras de vidéosurveillance, puces informatiques, fichiers policiers informatisés... Pour ceux qu'il inquiète, l'usage de ces technologies sert une minorité de gens au pouvoir, et dessert la majorité dominée. L'informatique et l'ordinateur sont perçus comme autant de moyens d'asservissement et de manipulation des masses. De fait, cette forme de contrôle des individus, si redoutée, prend avec Internet une nouvelle ampleur. Le réseau favorise en effet l’accès à des bases de données centralisées, à l’échelle de la planète, et non plus seulement d’une région ou d’un groupe particuliers. D'où la mise en garde fréquemment entendue : toute activité sur Internet est répertoriée et peut dès lors être suivie et analysée à l'insu et contre l'intérêt de l'internaute. Google et Facebook sont aujourd'hui emblématiques de ce système orwellien, de même que les bases de données SAP, ORACLE pour ne citer qu'elles. A chacun de ses mouvements sur le web, l'internaute, livre en effet des clés de sa vie privée, professionnelle, sociale à des observateurs aussi discrets qu'intéressés. C'est pourquoi une prise de conscience raisonnée des risques associés à un usage imprudent d’Internet est absolument indispensable : chacun d'entre nous devrait pouvoir choisir en toute connaissance de cause à qui il souhaite transmettre ses données. Google ou Facebook peuvent certes être considérés comme des outils de contrôle, mais personne n’est forcé de les utiliser. Il n'est pas exclu que l'éveil des consciences, comme dans bien d'autres domaines (sanitaire, nucléaire...), passe par le scandale ou la catastrophe : une grave crise liée à la gestion abusive de données privées mettrait par exemple en lumière les dérives de ce type de centralisation, et les nouvelles menaces pesant sur les libertés individuelles.

2.2 Le média n'est qu'un moyen

La prudence est une vertu applicable à tous les médias, d’autant plus à Internet : il ne suffit pas d’analyser les informations entrantes, il convient également de tenter de maîtriser les informations laissées au passage par chacun d’entre nous. Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Tout média(um ?) peut favoriser la concentration du pouvoir comme au contraire accélérer son partage. La prise de conscience des dangers permet donc à chaque utilisateur de devenir critique et prudent, passant ainsi d’une utilisation passive de la toile, à une utilisation maîtrisée et active. Il existe des systèmes équitables de diffusion de l'information et de la connaissance et différents moyens qui permettent d’échapper à une éventuelle surveillance: chacun, par exemple, est libre de créer son propre réseau social, de diffuser des vidéos, de lancer une webradio. Le morcellement de l’information, fait d’Internet un environnement décentralisateur par nature. L’action citoyenne peut même s’en trouver amplifiée. Une nouvelle catégorie de citoyens est ainsi apparue : les citoyens du net ou netizens.

3. Informatique au service des netizens

L’esprit de citoyenneté numérique est propice à la gestion des réseaux associatifs. Certaines expériences concrètes ont déjà fait leurs preuves, telles que Wikipédia (encyclopédie participative) ou les serveurs Debian basés sur GNU/Linux. Ces expériences ne sont pas seulement techniques, elles sont basées sur la notion d’équité; chacun peut proposer des améliorations et sera jugé par ses pairs selon les principes de la non-discrimination radicale. A tout utilisateur, les propriétés socio-techniques du numérique assurent une décentralisation de l’information, et une liberté aussi préservée que possible : même en Chine, où la censure et le contrôle par les “hackers rouges” sont très stricts, le nombre d’activistes qui passent entre les mailles du filet dépasse de loin le nombre des internautes inquiétés. (les réseaux sociaux autre que facebook et google plus de membre que ces deux org. Voir aussi rév. De Jasmin) Internet est un nouvel espace de partage, d’information, mais aussi d’action sociale et politique en connexion directe avec la société “concrète”, un nouvel espace dont nous sommes tous citoyens. Le combat de certains activistes du web pour le respect de la vie privée, pour les droits fondamentaux ou pour une information libre est riche de sens et chargé d’enjeux désormais universels.

(Le Big Brother Awards est d'ailleurs remis depuis quelques années par une communauté d'internautes, au "gouvernements ou aux entreprises qui font le plus pour menacer la vie privée". A METTRE EN ENCADRE.)


Les encarts de cet article ________________________________________

== Big Brother: l'aîné à qui l'on veut plaire == (revoir titre)

La déclinaison commerciale la plus célèbre de la figure de Big Brother revient à une émission de télévision du même nom, d’abord diffusée aux Pays-Bas. Pionnière dans la catégorie des reality show (télé-réalité), cette émission permettait d'observer jour et nuit un groupe de jeunes enfermés dans une maison. Chaque pièce y était équipée de nombreuses caméras : chaque mouvement et chaque conversation étaient donc enregistrés. D’heure en heure le public pouvait suivre les moindres faits et gestes des jeunes gens ainsi confinés et décidait chaque semaine lequel d’entre eux devait quitter les lieux. A l’exception du vainqueur unique, tous les participants finissaient par rentrer chez eux avec pour seule consolation une gloire médiatique éphémère. Les uns et les autres avaient au préalable signé avec la production un contrat en vertu duquel ils renonçaient à leur libre arbitre. Servitude volontaire et société du spectacle : une combinaison inédite qui a révolutionné les comportements télévisuels et formidablement enrichi ses inventeurs.

Le programme Echelon

Echelon est le nom d’un programme international, lancé par les Etats-Unis, qui a pour objectif de capter et répertorier toutes les communications. C'est un système gigantesque, qui couvre tous les médias: téléphone, courriels, téléfax. Les caméras de vidéosurveillance dans la rue ou dans les parkings privés sont également concernées par cette grande captation, de même que les sites Internet et les forums qui s’y déploient. Toutes les informations ainsi recueillies sont archivées et triées par mots-clés, définis par les services secrets des pays partenaires du programme (Etats-Unis, Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni). Quelques exemples de mots-clés : • noms des terroristes présumés, de narco-trafiquants, d'activistes politiques ou de personnes influentes. • complot, • terrorisme, • extra-terrestres, • armes technologiques (...) Développé à la fin de la Première Guerre mondiale, et surtout utilisé au cours de la Guerre Froide, le programme Echelon n’a cessé d’étendre son rayon d’action. Il restera secret pendant près de quarante ans, jusqu’à ce que les premières informations à son sujet filtrent dans les médias, à l’initiative de journalistes, de groupes activistes et de chercheurs. Echelon, dirigé par la NSA (National Security Agency), est accusé d’avoir espionné un très grand nombre de personnes privées : pacifistes, militants pour les droits civiques américains (dans les années 1960-70), personnalités. Il est également aujourd’hui soupçonné d’espionnage industriel. Le programme Echelon a fait couler beaucoup d’encre, mais il n’est pas le seul programme de surveillance en fonction : rien qu’aux Etats-Unis, on peut citer le logiciel Carnivore, mis en place par le FBI, le programme Einstein (1,2,3) développé par le gouvernement ou encore Tempest, un programme de surveillance des émanations électromagnétiques.

"Don't hate the media, become the media!"

Les médias peuvent être perçus comme liberticides. On peut leur reprocher de nous surveiller, de nous proposer une vision erronée du monde, de collecter de trop nombreuses informations. Mais on peut aussi les considérer comme un moyen de mettre en valeur la diversité des idées, des pratiques et des regards sur le monde. Jello Biafra, musicien et activiste de la culture punk américaine, est l’un des grands défenseurs de cette idée. Lors d'une conférence consacrée aux enjeux des médias, à la question: « Faut-il se méfier des médias? Ne faudrait-il pas les rejeter comme dans 1984? », il répondit: « Don't hate the media, become the media! » (Ne hais pas le média, sois le média!).


Protection des données : Google dans le collimateur

En 2010, les responsables de la protection des données personnelles et de la vie privée de dix pays se sont rassemblés pour rédiger une lettre commune à l’intention de Google et de toutes les organisations détentrices d’informations personnelles afin de les mettre en garde quant aux nouvelles responsabilités conférées par leur pouvoir croissant. C’est notamment suite à l’introduction des applications Buzz et Street View que Google a été interpellé : Buzz est un réseau social mis en place sur la base de Gmail sans autorisation des utilisateurs. Street View pose également problème, car les personnes photographiées apparaissant à visage découvert n’avaient pas donné leur autorisation. La pratique, en l’espèce, viole les droits fondamentaux en matière de vie privée. La lettre adressée à Google met en garde contre l’usage abusif de données personnelles sur Internet : Nous nous inquiétons de voir que trop souvent, le droit à la vie privée des citoyens du monde est laissé de côté lors du lancement de nouvelles applications technologiques. Nous avons été troublés par votre lancement récent de l’application de réseau social Buzz, qui a été fait dans le mépris des normes et des lois fondamentales en matière de protection de la vie privée. En outre, ce n’était pas la première fois que votre entreprise omettait de tenir compte du respect de la vie privée en lançant de nouveaux services. […] Il est inacceptable de lancer un produit qui rende publics des renseignements personnels sans l’accord des intéressés, avec l’intention de régler par la suite les problèmes susceptibles de se poser. La protection de la vie privée ne doit pas être reléguée au second plan dans l’empressement de proposer de nouvelles technologies en ligne aux utilisateurs du monde entier. […] Nous vous demandons donc, comme à toutes les organisations qui détiennent des renseignements personnels, d’intégrer les principes fondamentaux de protection de la vie privée dès la conception de nouveaux services en ligne. Cette première publication commune des différents organes de contrôle de la protection des données représente une avancée significative. Elle a donné l’occasion de tirer la sonnette d’alarme quant aux abus de certaines organisations. Elle a rappelé tous les acteurs du web à leurs responsabilités. Cependant, bien qu’elle ait eu un impact important sur l’image de Google, elle n’a pas de valeur contraignante.


Big Brother Awards : le prix « que personne ne souhaite recevoir »

« Les agences gouvernementales et les entreprises privées violent de plus en plus la vie privée des gens, partout. D’énormes quantités de données personnelles sont collectées, stockées et traitées – souvent illégalement – dans le but de créer des techniques de marketing plus efficaces, d’arriver à un plus grand contrôle social et à des mécanismes plus puissants de contrôle des citoyens. » met en garde Privacy International, une association qui lutte pour le respect de la vie privée. Pour attirer l’attention du public, cette organisation a mis en place pour la première fois en 2000, une cérémonie nommée « Big Brother Awards » : les gagnants sont les gouvernements ou les entreprises qui ont le plus menacé le respect de la vie privée d’une population durant l’année. Le prix existe actuellement dans une quinzaine de pays, dont la Suisse. Ces dernières années en Suisse, le prix a été décerné aux entreprises Swisscom, Chrétienne Sociale Suisse ou encore Securitas, au service fédéral UPF (une des ailes du DFJP) qui surveille les envois postaux, les lignes téléphoniques mais également les communications via ADSL. Un prix a même été décerné en 2009 à l’école professionnelle de Winterthur, qui avait lancé un appel à la dénonciation dans les environs de l’école afin de prendre sur le fait tous les élèves qui ne respecteraient pas le règlement scolaire.

Sources

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- Timothy Garton Ash, L'âge de Big Brother est arrivé, Courrier International : (http://www.courrierinternational.com/article/2010/10/12/l-age-de-big-brother-est-arrive)

- Site internet du CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) : (http://www.cnil.fr/)

- Lettre des autorités de protection des données à Google : (http://www.cnil.fr/fileadmin/documents/La_CNIL/actualite/Lettre_google.pdf)

- Wikipédia : Echelon, 1984, Big Brother Award.

- Articles de Phillipe Bach dans Le Courrier : http://www.lecourrier.ch/securitas_tient_la_vedette_au_9e_prix_big_brother, http://www.lecourrier.ch/big_brother_awards_dix_ans_d_un_prix_fort_grincant

- Site officiel de Privacy International : https://www.privacyinternational.org/