Brève histoire d'internet : Différence entre versions

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'''Profils-clés :''' ''[http://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/arpanet Arpanet], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22%C3%A9cole+de+Palo+Alto%22 École de Palo Alto], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Norbert%20Wiener%22 Norbert Wiener], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Gregory%20Bateson%22 Gregory Bateson], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Vinton%20Cerf%22 Vinton Cerf], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22jacques%20vall%C3%A9e%22 Jacques Vallée], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Marshall%20McLuhan%22 Marshall McLuhan].''  
 
'''Profils-clés :''' ''[http://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/arpanet Arpanet], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22%C3%A9cole+de+Palo+Alto%22 École de Palo Alto], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Norbert%20Wiener%22 Norbert Wiener], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Gregory%20Bateson%22 Gregory Bateson], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Vinton%20Cerf%22 Vinton Cerf], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22jacques%20vall%C3%A9e%22 Jacques Vallée], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22Marshall%20McLuhan%22 Marshall McLuhan].''  
 
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Printemps 1968. À Paris, mais aussi à Prague, Chicago ou Mexico, des centaines de milliers d'étudiants et d'intellectuels défilent derrière des slogans plus imaginatifs les uns que les autres, notamment « sous les pavés, la plage ». Leurs manifestations appellent aux valeurs de partage, de solidarité, d'équité des chances et contestent la société de consommation, alors en plein essor.  
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Printemps 1968. À Paris, mais aussi à Prague, Chicago ou Mexico, des centaines de milliers d'étudiants et d'intellectuels défilent derrière des slogans plus imaginatifs les uns que les autres, notamment « sous les pavés, la plage ». Leurs manifestations appellent aux valeurs de partage, de solidarité, d'équité des chances et contestent la société de consommation, alors en plein essor.
Au même moment, dans ce qui allait devenir la Silicon Valley, une poignée de scientifiques travaille sur de toutes nouvelles technologies. Guidés eux aussi par les idéaux de l'époque, ils sont sociologues, psychiatres, linguistes, anthropologues ou mathématiciens. À leur tête, Norbert Wiener.1
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Issu du grec kubernesis – diriger, gouverner – le terme cybernétique s'applique à la « modélisation de l'échange, par l'étude de l'information et des principes d'interaction »2. De fait, les méthodes de travail des cybernéticiens empruntaient autant aux sciences exactes qu'à d'autres domaines de la connaissance. Débats, entraide, méditation en groupe ou techniques de modification de l'état de conscience concouraient indifféremment à nourrir leur réflexion. Norbert Wiener concevait le monde comme un ensemble de systèmes imbriqués les uns dans les autres – une société, un organisme vivant, un cerveau, une machine – qu'il s'agit de contrôler au mieux.
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Au même moment, dans ce qui allait devenir la ''Silicon Valley'', une poignée de scientifiques travaille sur de toutes nouvelles technologies. Guidés eux aussi par les idéaux de l'époque, ils sont sociologues, psychiatres, linguistes, anthropologues ou mathématiciens. À leur tête, Norbert Wiener.<ref>Norbert Wiener (1894, États-Unis - 1964, Suède) est un mathématicien, théoricien et chercheur en mathématiques appliquées, surtout connu comme le père fondateur de la cybernétique. En fondant la cybernétique, Wiener introduit en sciences la notion de feedback (rétroaction), notion qui a des implications dans les domaines de l'ingénierie, des contrôles de système, de l'informatique, de la biologie, de la psychologie, de la philosophie, de l'organisation de la société et du génie des sciences de la communication. Le groupe invente une nouvelle science, nommée cybernétique. Après la guerre, traumatisé par l'implication des scientifiques dans les tragédies d'Hiroshima et Nagasaki d'une part, et par Auschwitz d'autre part, il se transforma en apôtre d'une nouvelle religion laïque : l'utopie de la communication. Il proposait une nouvelle vision du monde, dont l'information et la communication étaient les éléments fondamentaux.</ref>
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Issu du grec ''kubernesis'' – diriger, gouverner – le terme cybernétique s'applique à la « modélisation de l'échange, par l'étude de l'information et des principes d'interaction »<ref>Article [http://fr.wikipedia.org/wiki/Cybern%C3%A9tique ''« Cybernétique »''], '''Wikipedia'''. (Consulté le 22.07.2014).</ref>. De fait, les méthodes de travail des cybernéticiens empruntaient autant aux sciences exactes qu'à d'autres domaines de la connaissance. Débats, entraide, méditation en groupe ou techniques de modification de l'état de conscience concouraient indifféremment à nourrir leur réflexion. Norbert Wiener concevait le monde comme un ensemble de systèmes imbriqués les uns dans les autres – une société, un organisme vivant, un cerveau, une machine – qu'il s'agit de contrôler au mieux.
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Si les acteurs de cette aventure, chercheurs par excellence, partageaient une expérience académique considérable et la même volonté d'explorer de nouveaux territoires et approches, sans tabous ni limites, ils avaient également l'ambition de changer les choses, de rendre le monde meilleur et de rapprocher les individus. En cela, ils étaient en phase avec leur temps.
 
Si les acteurs de cette aventure, chercheurs par excellence, partageaient une expérience académique considérable et la même volonté d'explorer de nouveaux territoires et approches, sans tabous ni limites, ils avaient également l'ambition de changer les choses, de rendre le monde meilleur et de rapprocher les individus. En cela, ils étaient en phase avec leur temps.
Très influencé par les conférences et publications des cybernéticiens, l'anthropologue Gregory Bateson décida de son côté de rassembler d'autres chercheurs au sein d'un mouvement qu'il baptisa « écologie spirituelle ». Bateson avait fondé, en 1952, l'École de Palo Alto, constituée de scientifiques qui étudiaient le paradoxe de l'abstraction dans la communication3. L'École de Palo Alto était pionnière dans le développement de systèmes informatiques modernes. Ses travaux s'inscrivaient notamment dans un cadre d'étude psychiatrique : ils s'attachaient par exemple à comprendre les logiques de communication à l'œuvre chez les sujets atteints de schizophrénie. Ces études ont permis aux membres de l'École de mettre en place de nouveaux schémas de communication. Elles ont contribué à une nouvelle compréhension des modes d'échange d'informations.  
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Cybernétique et écologie spirituelle avaient en commun leur approche  organiste : les choses sans vie y étaient considérées comme des organismes à part entière. Pour étudier un cerveau ou un système informatique, les mêmes méthodes pouvaient être mobilisées. Une connexion avant-gardiste entre programmation informatique et programmation neurolinguistique (PNL)4.==Visionnaires du monde virtuel ==
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Très influencé par les conférences et publications des cybernéticiens, l'anthropologue Gregory Bateson décida de son côté de rassembler d'autres chercheurs au sein d'un mouvement qu'il baptisa « écologie spirituelle ». Bateson avait fondé, en 1952, l'École de Palo Alto, constituée de scientifiques qui étudiaient le ''paradoxe de l'abstraction dans la communication''<ref> Article [http://fr.wikipedia.org/wiki/Gregory_Bateson ''« Gregory Bateson »''], '''Wikipedia'''. (Consulté le 22.07.2014).</ref>. L'École de Palo Alto était pionnière dans le développement de systèmes informatiques modernes. Ses travaux s'inscrivaient notamment dans un cadre d'étude psychiatrique : ils s'attachaient par exemple à comprendre les logiques de communication à l'œuvre chez les sujets atteints de schizophrénie. Ces études ont permis aux membres de l'École de mettre en place de nouveaux schémas de communication. Elles ont contribué à une nouvelle compréhension des modes d'échange d'informations.
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Cybernétique et écologie spirituelle avaient en commun leur approche  ''organiste'' : les choses sans vie y étaient considérées comme des organismes à part entière. Pour étudier un cerveau ou un système informatique, les mêmes méthodes pouvaient être mobilisées. Une connexion avant-gardiste entre programmation informatique et programmation neurolinguistique (PNL)<ref>Article [https://fr.wikipedia.org/wiki/Programmation_neuro-linguistique ''« Programmation neurolinguistique »''], '''Wikipedia'''. (Consulté le 14.01.2015). « Un ensemble coordonné de connaissances et de pratiques dans le domaine de la psychologie fondées sur une démarche pragmatique de modélisation, en ce qui concerne la communication et le changement. Elle a été élaborée par Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970, aux États-Unis.».</ref>
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==Visionnaires du monde virtuel ==
 
Nombreux sont les pères fondateurs des réseaux informatiques dont le nom est connu des médias. Vinton Cerf<ref>Vinton « Vint » Gray Cerf, né le 23 juin 1943 à New Haven, Connecticut, États-Unis, est un ingénieur américain, chercheur et co-inventeur avec Bob Kahn du protocole TCP/IP. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs d'internet.</ref> notamment, nommé quarante ans plus tard évangélisateur en chef chez Google, est à la base informaticien, comme d'autres cofondateurs d'internet tels que Paul Baran ou les français Jacques Vallée<ref>Voir son livre en accès libre [http://www.jacquesvallee.net/heart_of_the_internet_fr.html ''Au cœur d'internet''], (2003).</ref> et Louis Pouzin, qui chacun apportèrent des pierres à l'édifice d'un réseau ouvert et neutre dans les années 1970. Tous se sont inspirés des visionnaires de la société de l'information des années 1950 et 1960, tels que Marshall McLuhan<ref>Herbert Marshall McLuhan (1911 - 1980, Canada) est connu pour avoir formulé l’expression « Le message, c'est le médium », ainsi que celle de « village global ». Educateur, philosophe, sociologue, professeur de littérature anglaise et théoricien de la communication, il est l'un des fondateurs des études contemporaines sur les médias.</ref>. McLuhan et ses amis de l'École de Palo Alto associaient spiritualité, psychologie, mathématiques, philosophie, biologie et anthropologie, pour imaginer les premiers systèmes d'information complexes.
 
Nombreux sont les pères fondateurs des réseaux informatiques dont le nom est connu des médias. Vinton Cerf<ref>Vinton « Vint » Gray Cerf, né le 23 juin 1943 à New Haven, Connecticut, États-Unis, est un ingénieur américain, chercheur et co-inventeur avec Bob Kahn du protocole TCP/IP. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs d'internet.</ref> notamment, nommé quarante ans plus tard évangélisateur en chef chez Google, est à la base informaticien, comme d'autres cofondateurs d'internet tels que Paul Baran ou les français Jacques Vallée<ref>Voir son livre en accès libre [http://www.jacquesvallee.net/heart_of_the_internet_fr.html ''Au cœur d'internet''], (2003).</ref> et Louis Pouzin, qui chacun apportèrent des pierres à l'édifice d'un réseau ouvert et neutre dans les années 1970. Tous se sont inspirés des visionnaires de la société de l'information des années 1950 et 1960, tels que Marshall McLuhan<ref>Herbert Marshall McLuhan (1911 - 1980, Canada) est connu pour avoir formulé l’expression « Le message, c'est le médium », ainsi que celle de « village global ». Educateur, philosophe, sociologue, professeur de littérature anglaise et théoricien de la communication, il est l'un des fondateurs des études contemporaines sur les médias.</ref>. McLuhan et ses amis de l'École de Palo Alto associaient spiritualité, psychologie, mathématiques, philosophie, biologie et anthropologie, pour imaginer les premiers systèmes d'information complexes.
  

Version du 11 juillet 2016 à 12:41

Notions-clés : Histoire d'Internet, partage, ordinateur, écologie de l'esprit, interaction, société de l'information, cybernétique, programmation neuro-linguistique (PNL).

Profils-clés : Arpanet, École de Palo Alto, Norbert Wiener, Gregory Bateson, Vinton Cerf, Jacques Vallée, Marshall McLuhan.


Printemps 1968. À Paris, mais aussi à Prague, Chicago ou Mexico, des centaines de milliers d'étudiants et d'intellectuels défilent derrière des slogans plus imaginatifs les uns que les autres, notamment « sous les pavés, la plage ». Leurs manifestations appellent aux valeurs de partage, de solidarité, d'équité des chances et contestent la société de consommation, alors en plein essor.

Au même moment, dans ce qui allait devenir la Silicon Valley, une poignée de scientifiques travaille sur de toutes nouvelles technologies. Guidés eux aussi par les idéaux de l'époque, ils sont sociologues, psychiatres, linguistes, anthropologues ou mathématiciens. À leur tête, Norbert Wiener.[1]

Issu du grec kubernesis – diriger, gouverner – le terme cybernétique s'applique à la « modélisation de l'échange, par l'étude de l'information et des principes d'interaction »[2]. De fait, les méthodes de travail des cybernéticiens empruntaient autant aux sciences exactes qu'à d'autres domaines de la connaissance. Débats, entraide, méditation en groupe ou techniques de modification de l'état de conscience concouraient indifféremment à nourrir leur réflexion. Norbert Wiener concevait le monde comme un ensemble de systèmes imbriqués les uns dans les autres – une société, un organisme vivant, un cerveau, une machine – qu'il s'agit de contrôler au mieux.

Si les acteurs de cette aventure, chercheurs par excellence, partageaient une expérience académique considérable et la même volonté d'explorer de nouveaux territoires et approches, sans tabous ni limites, ils avaient également l'ambition de changer les choses, de rendre le monde meilleur et de rapprocher les individus. En cela, ils étaient en phase avec leur temps.

Très influencé par les conférences et publications des cybernéticiens, l'anthropologue Gregory Bateson décida de son côté de rassembler d'autres chercheurs au sein d'un mouvement qu'il baptisa « écologie spirituelle ». Bateson avait fondé, en 1952, l'École de Palo Alto, constituée de scientifiques qui étudiaient le paradoxe de l'abstraction dans la communication[3]. L'École de Palo Alto était pionnière dans le développement de systèmes informatiques modernes. Ses travaux s'inscrivaient notamment dans un cadre d'étude psychiatrique : ils s'attachaient par exemple à comprendre les logiques de communication à l'œuvre chez les sujets atteints de schizophrénie. Ces études ont permis aux membres de l'École de mettre en place de nouveaux schémas de communication. Elles ont contribué à une nouvelle compréhension des modes d'échange d'informations.

Cybernétique et écologie spirituelle avaient en commun leur approche organiste : les choses sans vie y étaient considérées comme des organismes à part entière. Pour étudier un cerveau ou un système informatique, les mêmes méthodes pouvaient être mobilisées. Une connexion avant-gardiste entre programmation informatique et programmation neurolinguistique (PNL)[4]

Visionnaires du monde virtuel

Nombreux sont les pères fondateurs des réseaux informatiques dont le nom est connu des médias. Vinton Cerf[5] notamment, nommé quarante ans plus tard évangélisateur en chef chez Google, est à la base informaticien, comme d'autres cofondateurs d'internet tels que Paul Baran ou les français Jacques Vallée[6] et Louis Pouzin, qui chacun apportèrent des pierres à l'édifice d'un réseau ouvert et neutre dans les années 1970. Tous se sont inspirés des visionnaires de la société de l'information des années 1950 et 1960, tels que Marshall McLuhan[7]. McLuhan et ses amis de l'École de Palo Alto associaient spiritualité, psychologie, mathématiques, philosophie, biologie et anthropologie, pour imaginer les premiers systèmes d'information complexes.

Entre les informaticiens et les visionnaires, Doug Engelbart a joué un rôle d’intermédiaire[8]. Ce génie n'occupe guère de place dans les livres d'Histoire. Or ce fut bien l'un des scientifiques les plus importants du XXe siècle, car il fit le lien entre les hommes d'esprit de Palo Alto et les informaticiens spécialistes, payés par les militaires, pour créer techniquement les premiers réseaux informatiques.

Selon des témoins proches comme Jacques Vallée, auteur de Au cœur d'Internet, nous devons à Doug Engelbart l'invention de la souris, celle du lien hypertexte et du bureau graphique ; autant d'outils qui ont révolutionné l'informatique et qui font aujourd'hui partie de notre quotidien. Dans la foulée, il créa, dès les années 1970, les premiers blogs et newsletters, bien avant qu'on ne les nomme ainsi.

C'est dans le cadre du programme de recherche militaire ARPA que Doug Engelbart fit ses découvertes les plus marquantes, toujours influencé par les visionnaires du réseau (qui imaginaient l'esprit de partage) et par les techniciens du réseau (qui codaient les logiciels de transferts d'informations). Le projet ARPA visait à éviter que les renseignements militaires américains ne puissent être fragilisés si une bombe tombait sur un centre de commandement. Amusant, car sans le vouloir, les militaires finançaient la décentralisation de la gouvernance mondiale et le partage du savoir et ont ouvert la porte à plus de justice socio-économique.

ARPA (ou Arpanet) est l'ancêtre de l'internet que nous connaissons : ses concepteurs avaient compris qu'il révolutionnerait les modes de communication, les liens sociaux et qu'il aurait le potentiel de réduire les écarts au sein de la société. La notion de communauté virtuelle émergeait.

Dans un texte fondateur prémonitoire, L’ordinateur comme dispositif de communication[9], Joseph Licklider[10] et Robert Taylor (son successeur à la tête de l’ARPA de 1965 à 1969) posent en effet clairement les fondements théoriques de l’informatique communicationnelle et font l’éloge des communautés de chercheurs en ligne, considérées comme l'oeuvre de « pionniers socio-techniques, loin devant le reste du monde de l’informatique ».

Ils insistent notamment sur les « effets régénératifs » pour la recherche scientifique de ces communautés créées autour des ordinateurs « interactifs à accès multiple », montrant par là leur intuition du travail coopératif, fondé sur le partage des ressources et devant permettre une plus forte créativité dans la recherche.

Ce texte est très important car il marque un saut conceptuel, un élargissement de cette thématique des réseaux à la société tout entière. Les deux auteurs prennent ainsi des accents prophétiques pour annoncer que « dans quelques années, les hommes pourront communiquer plus efficacement à travers une machine qu’en face-à-face. C’est plutôt inquiétant à dire, mais c’est notre conclusion ».

Les idéaux de Engelbart et de Taylor, très imprégnés de culture hippie, leur faisaient espérer un monde meilleur, grâce aux nouvelles technologies informatiques : internet n'est pas une question de technologie, mais de communication. Internet connecte des personnes qui partagent des intérêts et des besoins, sans se soucier de la géographie.

Quelques dates[11]

Année Événement
1958 La société BELL crée le premier Modem permettant de transmettre des données binaires sur une simple ligne téléphonique.
1961 Leonard Kleinrock du Massachusetts Institute of Technology publie une première théorie sur la commutation de paquets pour transférer des données.
1962 Début de la recherche par Defense Advanced Research Projects Agency (ARPA), du Département de la Défense américain, où J.C.R. Licklider y défend avec succès ses idées relatives à un réseau global d'ordinateurs.
1964 Leonard Kleinrock du MIT publie un livre sur la communication par commutation de paquets pour réaliser un réseau.
1967 Première conférence sur ARPANET.
1969 Connexion des premiers ordinateurs entre 4 universités américaines via l'Interface Message Processor de Léonard Kleinrock.
1971 23 ordinateurs sont reliés sur ARPANET. Envoi du premier courriel par Ray Tomlinson.
1972 Naissance du InterNetworking Working Group, organisme chargé de la gestion d’Internet.
1973 L’Angleterre et la Norvège rejoignent le réseau Internet avec chacun un ordinateur.
1979 Création des NewsGroups (forums de discussion) par des étudiants américains.
1982 Définition du protocole TCP/IP et du mot « Internet ».
1983 Premier serveur de noms de sites.
1984 1 000 ordinateurs connectés.
1987 10 000 ordinateurs connectés.
1989 100 000 ordinateurs connectés.
1990 Disparition d'ARPANET.
1991 Annonce publique du World Wide Web.
1992 1 000 000 ordinateurs connectés.
1993 Apparition du Navigateur web NCSA Mosaic.
1996 36 000 000 ordinateurs connectés.
2000 Explosion de la Bulle internet (368 540 000 ordinateurs connectés).
2012 2,5 milliards d'internautes dans le monde.

Et le réseau s'étendit

La révolution scientifique qui vit naître internet s'est donc produite simultanément à l'éclosion de mouvements beatnik, puis hippie[12], révolutionnaires eux aussi, à leur manière. Pendant que certains manifestaient contre la guerre du Vietnam, d’autres œuvraient à poser les bases technologiques et les codes culturels d'internet.

D'abord limité à quelques centres de recherches et universités, internet s'étendit dans les années 1980 à l'ensemble du monde académique pour ensuite devenir totalement public au cours des années 1990. Ces années virent croître et se multiplier les grands débats sur la liberté de l'information. Internet commença alors à être envisagé comme le remède à toutes les censures.

Sources et notes

  1. Norbert Wiener (1894, États-Unis - 1964, Suède) est un mathématicien, théoricien et chercheur en mathématiques appliquées, surtout connu comme le père fondateur de la cybernétique. En fondant la cybernétique, Wiener introduit en sciences la notion de feedback (rétroaction), notion qui a des implications dans les domaines de l'ingénierie, des contrôles de système, de l'informatique, de la biologie, de la psychologie, de la philosophie, de l'organisation de la société et du génie des sciences de la communication. Le groupe invente une nouvelle science, nommée cybernétique. Après la guerre, traumatisé par l'implication des scientifiques dans les tragédies d'Hiroshima et Nagasaki d'une part, et par Auschwitz d'autre part, il se transforma en apôtre d'une nouvelle religion laïque : l'utopie de la communication. Il proposait une nouvelle vision du monde, dont l'information et la communication étaient les éléments fondamentaux.
  2. Article « Cybernétique », Wikipedia. (Consulté le 22.07.2014).
  3. Article « Gregory Bateson », Wikipedia. (Consulté le 22.07.2014).
  4. Article « Programmation neurolinguistique », Wikipedia. (Consulté le 14.01.2015). « Un ensemble coordonné de connaissances et de pratiques dans le domaine de la psychologie fondées sur une démarche pragmatique de modélisation, en ce qui concerne la communication et le changement. Elle a été élaborée par Richard Bandler et John Grinder dans les années 1970, aux États-Unis.».
  5. Vinton « Vint » Gray Cerf, né le 23 juin 1943 à New Haven, Connecticut, États-Unis, est un ingénieur américain, chercheur et co-inventeur avec Bob Kahn du protocole TCP/IP. Il est considéré comme l'un des pères fondateurs d'internet.
  6. Voir son livre en accès libre Au cœur d'internet, (2003).
  7. Herbert Marshall McLuhan (1911 - 1980, Canada) est connu pour avoir formulé l’expression « Le message, c'est le médium », ainsi que celle de « village global ». Educateur, philosophe, sociologue, professeur de littérature anglaise et théoricien de la communication, il est l'un des fondateurs des études contemporaines sur les médias.
  8. Douglas Carl Engelbart (1925-2013) est un inventeur américain et un pionnier de l'informatique.
  9. The Computer as a Communication Device, Joseph C.R. Licklider, Robert Taylor, Science and Technology, (1948).
  10. Joseph Licklider, psycho-acousticien de formation, est un personnage central de l’histoire de l’informatique et des réseaux des années 50-60. L’historiographie actuelle d’internet retient surtout son rôle d’inspirateur, de visionnaire des réseaux informatiques et de chantre de la communication par ordinateurs.
  11. Article « Histoire d'internet », Wikipedia. (Consulté le 28.08.14).
  12. Alliant créativité débordante et pensée non-conventionnelle (underground), les beatnik des 50's puis les hippies dès les 60's sont aussi sensibles aux grands espaces, à la nature, aux spiritualités chamaniques et aux expériences psychédéliques. Ils se proposaient de créer de nouveau code pour la société.