Des cathédrales aux bazars

De Wiki livre Netizenship

Cathédrale, bazar, culture libre, Linux,


On accorde souvent plus d'attention et de prestige à une belle cathédrale qu'à un bazar (à l'apparence) anarchique. Pourtant, en ce qui concerne les modes d'organisation, d'entreprises ou de projets, ces a priori devrait être remis en question. Cathédrale, bazar ? De quoi parle-t-on ? Le système en cathédrale fonctionne selon la hiérarchique de statut, verticale ; le pouvoir se trouve au sommet d'une pyramide avec de nombreux niveaux intermédiaires qui la séparent de la base. Cette hiérarchie pyramidale exerce un contrôle important sur la base, notamment en s'interposant dans la circulation de l'information et les prises de décisions ; tout doit passer d'échelon hiérarchique du haut vers le bas ou inversement, jamais de manière transversale. La plupart des États fonctionnent de cette manière. En revanche, dans un fonctionnement en bazar, il n'y a pas de position dominante a priori, la hiérarchie est horizontale. Chacun agit de son côté, individuellement ou en petit groupe, avec des petits leaders qui doivent sans cesse démontrer qu'ils méritent leur statut. Chacun doit partager ses expériences avec les autres selon des règles communes, parfois informelles et issues de l'expérience. C'est d'ailleurs le principe des société humaines depuis le début de notre histoire, il y a quelques dizaines de milliers d'années. C'est ce que décrit bien Eric Raymond, dans son livre la cathédrale et le bazar, qui est un fer de lance de cette nouvelle culture.

Ces deux systèmes se retrouvent aussi dans le monde des médias numériques. Les médias traditionnels exercent un quasi-monopole (du haut vers le bas) sur l'information, et sont souvent intégré dans des groupes transnationaux encore plus gros, qui produisent et vendent du matériel militaire, de l'électronique... De la même manière, les géants de l'informatique (Microsoft, Apple, Google ou Facebook par exemple en 2011) maîtrisent totalement l'utilisation et le développement de leurs produits, et se diversifient dans des domaines qui leur assure de rester un gros groupe à hiérarchie verticale, cathédrale, plutôt que de migrer vers des réseaux de petits groupes fonctionnant en bazar, horizontalement.

Même si le fonctionnement en cathédrale est prédominant, le bazar, notamment à travers la culture libre est en train de bouleverser le rapport de force. Gnu/Linux et Wikipedia sont leader dans leur domaine respectif (serveurs et encyclopédie en ligne), pour ne citer que deux projets phares de la culture bazar. Leur succès provient de leur qualité : ils sont améliorables continuellement par tous. Seule condition : respecter les règles de fonctionnement de la communauté. Là réside sans doute une des clés de la force du bazar. Ces projets fonctionnent grâce à des micro-hiérarchies de contributions (ex. : il a sans doute raison car c'est lui qui a résolu le dernier bug sur cette partie du programme la dernière fois), dans l'esprit justement d'un bazar. Ce nouveau système remplace progressivement le système de hiérarchie de statut, symbolisé par des comportements comme :

  • j'ai raison car je suis ton chef
  • j'ai raison car j'ai fait 5 années d'études et toi seulement 2.

La lutte pour le contrôle de l'information et des logiciels par une minorité n'est pas du tout nouvelle. Ce qui est nouveau, c'est l'approche dite bazar en tant que tant. Dans l'environnement bazar, comme ces producteurs sont aussi les consommateurs, ils peuvent faire évoluer le produit plus rapidement. Et comme le monde numérique ne connaît pas les distances, tous peuvent y contribuer de partout, tout le temps. De plus, par leur nombre important, les acteurs du bazar identifient plus vite les problèmes et trouvent la solution rapidement. C'est pourquoi, au contraire d'autres concurrents non-libres, les bugs du logiciel GNU/Linux sont corrigés avec une réactivité incroyable (parfois en quelques heures). Ceci n'est possible qu'au travers d'un partage important, que ce soit des informations, des expériences ou du code des logiciels.

Notes et références


Annexes