Discussion:Présentation de l'auteur par Gian Pozzy

De Wiki livre Netizenship

Voici un lien vers une page décrivant les activités de SMALA et plus précisément du Tir groupé:

http://www.enromandie.net/smala/nos-realisations-sur-le-chemin-de-la-decroissance.

--Tb.assistNP 27 septembre 2011 à 15:21 (CEST)

Saisie de l'entretien Pozzi-Bondolfi

En italique, les questions de Gian Pozzi En dessous, les réponses de Théo Bondolfi

Peux-tu te présenter en bref. Je suis né en 72, le 4 mai, je suis lausannois, sur mes presque 40 ans, j'en ai passé 25 à Lausanne et 15 en voyage. Je viens d'avoir un bébé à 39 ans, il était temps. Assurément que ça bouleverse ma vie, d'une manière très profonde, je me suis toujours réclamé de l'idée qu'un bébé c'est un projet et qu'il fallait apprendre à lâcher prise, je ne me sens ni submergé, ni que c'est nouveau, j'ai juste l'impression que c'est unique. Non mon bébé ne rentre pas en concurrence avec les autres bébés que j'ai de nature différente.

Dans les 90, tu paraissais marginalisé avec tes projets. Car tu étais très jeune et tu dirigeais une structure bizarre à laquelle personne ne comprenait rien, le « Tir groupé ». C'était quoi?

C'était une plateforme de rencontre et d'échanges créatifs, c'était du web avant le web. On a d'ailleurs développé avec Tir groupé, le premier serveur web d'information en 94-95. TG commence en 92 au Flon, on a été à la base de la redynamisation des artistes du Flon, j'avais même été Mr Flon. Le fil rouge de tout cela était le métissage, les bonnes pratique et la notion de mélange , de réunion des différents domaines. J'avais 19 ans quand j'ai créé TG. Je ne suis pas allé à l'école, je suis autodidacte, j'ai fait de la validation d'acquis avant l'heure. J'ai passé ma maturité socio-économique en pure autodidacte, en me présentant seulement aux examens. Puis ensuite j'ai eu des reconnaissances d'acquis. En 99, j'ai eu un prix à l'ONU en tant que meilleur entrepreneur social de l'année, j'avais 27 ans, c'est une équivalence master, une reconnaissance d'envergure, j'étais le représentant pour la Suisse, il y avait un seul nominé par pays. J'ai surtout fait de la formation continue, donné et reçu, je les ai créé et donné, en les créant, on me donnait le titre qu'ensuite j'attribuais. La seule école que j'ai faite est celle de Clown, j'ai fait la master classe de Jango Edwards, ça c'était la plus difficile que j'ai faite. C'est des séminaires à loeche les Bains avec Grégoire Furer, il a fait ça trois ans de suite. L'examen final consistait à faire rire 400 enfants, il n'y a rien de plus difficile. Ca m'a appris à improviser, à gérer des situations complexes, à être attentif au corps autant qu'à l'esprit et puis ça m'a appris à développer mon esprit au sens tant philosophique qu'humoristique. Les langues je les ai apprises sur le tas.

Depuis un âge extrêmement jeune, tu t'es toujours situé en marge des institutions.

A mon avis, à aucun niveau.

L'école ça ne t'a pas branché.

Pour moi le mot marge est extrêmement inapproprié.

Dis moi un autre mot.

Pour moi c'est transitioneur le mot-clé. aider les organisations privées et publiques àé transiter de la vie à crédit à la vie durable. J'ai été un acteur des transitions dans les institutions, j'ai toujours été une force de propositions et rarement une force de dénonciations. Les marginaux ils dénoncent, moi je n'ai jamais dénoncé, j'ai toujours proposé, par des actes concrets. J'ai toujours consolidé les métiers les uns après les autres. J'ai commencé comme metteur en scène, puis comme photographe, ensuite comme animateur socio-culturel, puis comme curateur de galeries, puis comme chef de projets européens de reconstruction dans les pays de l'est dès l'âge de 26 ans sur mandat de la Confédération ensuite comme chef de projets de coopération nord-sud au Sénégal pendant deux ans, puis comme revitaliseur de friches (le Flon, la Voile d'or) on me donnait la confiance. En parallèle de tout ça, j'ai développé la compétence de dynamique de gestion de communauté de pratiques et de communautés virtuelles et c'est ça ma spécialité.

Tu es pratiquement le seul en Suisse romande à pratiquer cette spécialité.

En aucune manière, il y a des cours qui sont donnés au SAWI sur la comunnity management, il y a des expertises, mais elles se concentrent sur le fait de suivre le mouvement, alors que moi, je suis une force de propositions. Ma différence c'est mon travail de transition vers la durabilité, c'est ça mon positionnement, ma spécificité. Mais il y a environ 500 personnes qui vivent cette activité de consultant en stratégis internet, en Suisse Romande, sur 1,5 millions c'est quand même pas rien.

Dis moi quand même en quelques phrases, à quoi ça sert ce que tu fais?

Ca sert à assurer la survie de l'humanité sur terre, à y contribuer, en sachant que l'on est dans un monde aux ressources limitées et que l'on ne va pas dans la direction de la préservation et de la revitalisation de la biosphère, moi j'y contribue.

Tu n'es pas entrain de me dire que Facebook (FB) contribue au bien de l'humanité?

Non, mais justement il faut le démontrer. C'est pas tout noir ou tout blanc puisque FB participe aux révolutions de Jasmin d'un côté et privatise l'opinion publique de l'autre. FB influence dans des proportions considérables, mais souvent malsaines, mais en même temps c'est le mauvais outil pour la bonne intention, c'est très bien décrit dans le bouquin.

Est ce que tu pourrais me décrire ta foi en cet outil qu'est l'internet?

J'ai aucune foi en l'outil internet, j'ai la foi en l'homme et je pense qu'internet est une étape. J'attends avec impatience la prochaine étape, celle où l'on utilisera notre cerveau, en terme de télépathie ou de télékinésie pour des fonctions qui sont intra plutot que extra physiques. Mais je pense que c'est une étape, internet c'est une taquinerie de la mère nature qui nous coince devant un écran et qui nous irradie d'ondes pour réussir à communiquer avec nos semblables, plus que de nous serrer dans les bras et de sentir leur présence et leur vitalité. C'est une étape qui démontre la tristesse des déviances humaines, mais elle est temporaire. Cette étape c'est le prix à payer pour redevenir beau, capable de mettre plus de conscience dans nos sciences et arrêter de surdévelopper la science plus que notre conscience, c'est ça la thématique. Pour y parvenir, on dit souvent qu'il faut prendre des chemins détournés. L'intelligence collective, la sagesse des foules ne peuvent être magnifiées que par un outil statistique qui répond à l'obsession de la raison, si on était dans l'équilibre entre la raison et la passion/l'intuition, si on était capables de faire appel à d'autres modes de fonctionnement en faisant confiance à notre fort intérieur, au bon sens paysan, on ne ferait pas n'importe quoi, on utiliserait un peu moins internet et plus nos capacités naturelles.

Donc tu n'es pas un idéaliste?

Je n'ai pas le sentiment d'être idéaliste ou marginal. J'ai le sentiment de faire ce que tout le monde dit qu'il faut faire. D'avoir un sens critique, se poser des questions, se renseigner, confronter ses sources, c'est ce que je fais avec une certaine persévérance, mais je ne suis pas le seul. Je reconnais d'autres être capables de le faire, je salue leur oeuvre d'autres pionniers qui sont largement plus en avance de moi, mais je constate qu'il n'y a pas beaucoup de résonance de ces pionniers et qu'ils sont souvent isolés.

Ton bouquin, il va servir à quoi?

A fournir des munitions à ceux qui défendent une certaine cohérence qui n'est ni d'un passé idéaliste qui dit de se méfier de la technolgie, ni d'un futur idéaliste qui dit la technologie va nous sauver. Ce n'est ni l'un ni l'autre c'est: piano sano lontano, la confiance et la prudence se développent en agissant en pleine conscience, mettre la conscience dans la science, savoir qu'internet avec conscience va moins ruiner notre âme, éviter de ruiner notre âme avec des technologies que l'on ne maitrise pas. A mon sens, on est dans une situation, où la créativité que j'ai mis dans ce bouquin, était un effort de renoncement à s'éclater car cela demande une rigueur scientifique de source qui est assez loin du plaisir personnel que l'on peut prendre à faire des oeuvres d'art tout court. C'était un soulagement plus qu'un plaisir de terminer, j'ai hâte de pouvoir non pas quitter ce milieu, mais simplement consolider ce travail par des oeuvres pour lesquelles je peux avoir plus de créativité que de raisonnement logique où l'on justifie tout, parce que sinon les gens n'y croit pas, ils sont incrédules, ils ont du mal à admettre. Si l'on dit: « le libre c'est mieux » ils n'y croient pas, « Partager le savoir c'est important » ils répondent « mais pourquoi? », il faut leur expliquer, mais je trouve cela triste. J'ai fait ce travail, c'est une manière de dire « je vous aime humanité, on est ensemble » je ne suis pas le seul à faire ça, il faut des transitioneurs, des vulgarisateurs, des passeurs, des facilitateurs, j'ai participé à cela.

Donc ce livre te soulage?

Oui, dans l'intro je dis que j'ai cherché partout l'existence de ce bouquin. Encore aujourd'hui, je vais à la grande librairie Payot, je cherche ce genre de bouquin et ça hallucine de voir que je ne trouve pas, je trouve des trucs super mais qui disent des trucs qui sont biaisés.

Quel est le contrôle légitime que l'on doit avoir sur tout ce qui finit sur la toile, il y a beaucoup de sottises, de choses fausses... C'est une question formulée de manière très orientée, c'est typiquement le genre de question sur lesquelles je dois travailler. C'est une peur de ceux qui ne connaissent pas. Premièrement les informations qui circulent dans le monde réel sont de même nature, ont les mêmes défauts, et deuxièmement la culture de la source était réservée à une élite, une certaine caste de professionnels (les journalistes, les scientifiques), alors qu'aujourd'hui elle très présente sur le web. On dit que l'humain utilisait entre 5 et 15% de son potentiel, alors qu'aujourd'hui il utilise bien plus. Ca ne s'est pas fait de manière invisible, c'est présent dans les techniques de communication, avec notamment l'utilisation des sources. Celui qui n'est pas capable de voir si les sources sont fiables, il s'auto-exclut de la société car il ne maitrise pas une compétence qui lui permettrait de profiter du web. Encore une fois, science sans conscience n'est que ruine de l'âme. Pour résumer, la légitimité de l'information sur le web n'est ni moins bonne, ni meilleure qu'ailleurs, il s'agit juste de la discriminer, savoir ce qui est bon et ce qui ne l'est pas.

Prenons un site profondément raciste ou violent ou pornographique, ça sert à quoi? C'est libre et gratuit, mais quelle est l'utilité pour la société?

Ca ne sert pas plus que les revues pornographiques dans le kiosque, que le père achète, laisse trainer sous le matelas et que le fils de 8 ans trouve et demande ce que c'est. Il n'y a aucune différence de fond, c'est encore une histoire de discrimination. Néanmoins, si c'est un acte avéré, il peut y avoir sanction. Sur le web, il y a des traqueurs de comportements pénalement répréhensibles, il y a une police, autorité qui punit ce genre d'actes, qui est tout aussi fonctionnelle que dans l vie réelle, qui travaille très bien, il n'y a aucun doutes là dessus. Dans le cyberespace tout ce passe très bien au niveau de l'autorégulation, il y a des dénonciations que sont faites par des individus, qui signalent les sites aux contenus douteux (pornographie infantile, haine raciale...), les auteurs se font traquer et punir. Et c'est immédiat.

Votre livre est destiné à qui?

Aux personnes en quête de sens et qui ont un sentiment de rupture ou de position pionnière, qui ont véritablement envie d'en savoir plus, faire l'effort de se poser des questions, de vérifier la validité des sources . Ca c'est la première étape, c'est une fenêtre qui s'ouvre lorsque l'on a une crise de remise en question, on est en quête de sens et a ce moment la on est intéressés. Et l'autre, ce sont les pionniers qui se disent que leur environnement ne les comprend pas et là il trouve dans ce livre un message qui leur permet de mieux se comprendre et transmettre le message, ce message a été muri pendant dix ans par moi même et par une équipe d'experts qui a été suffisamment vulgarisé et exprimé avec suffisamment d'histoires et métaphores pour que tous puissent comprendre. Ce public est composé: des utilisateurs du logiciel libre, de tous les donneurs d'alerte, des personnes travaillant dans la culture du copyleft, tous ceux qui font preuve de citoyenneté numérique comme les contributeurs wikipédia et les pionniers du copyleft.

Est ce que ton manuel devrait être distribué dans cette classe d'école et à quel âge?

Je ne voudrais pas répondre à cette question par honnêteté intellectuelle mais je voudrais dire que le premier retour des étudiants est; « Ca nous manque réellement à l'université et au gymnase aussi », j'ai donc déjà eu des feedbacks de gens qui me disent que: « Nous on apprend la géopolitique mondiale, mais on est complètement étranger à la géopolitique des digitals natives! » Ce bouquin c'est clairement la géopolitique des digitals natives, c'est une nouvelle géopolitique clé où il s'agit de tracer des lignes les plus nettes possible entre ce qui est loyal et ce qui ne l'est pas. Mais c'est aussi dire que ces lignes sont nettes aujourd'hui et qu'elles ne le seront plus demain, elle seront en mouvement et redéfinies par des à coups dans les deux sens, il y a des libertés nouvelles qui s'acquiert et d'autres qui se perdent, donc c'est en permanence en révision.

Par rapport a la géopolitique mondiale est ce que tu te sens un participant à ce qui s'est passé dans le monde arabe?

Oui et non, je pense que je serai un participant une fois que le bouquin sera distribué, parce que d'abord il pourra être traduit en plein de langues et parce qu'ensuite je pourrais avoir la légitimité d'aller voir les dirigeants de ces groupes pour leur dire: « vous êtes dans une situation de rupture, si vous avez envie de construire de nouvelles manières de communiquer et gouverner vos vies, je peux vous donner des outils pour y parvenir. » Ceci en ayant évidemment aucun espoirs excessifs que ces moyens ne soient pas rapidement étouffés et qu'ils ne souhaitent pas se mettre dans des prisons stabilisantes émotionellement. Mais temporairement ils laisseront des petites portes ouvertes.

Avant de comprendre la thématique du logiciel libre, des 4 libertés fondamentales et des enjeux du politico-juridique du partage du savoir, j'avais l'impression de bien comprendre le monde, mais après je me suis senti tout petit et je me suis senti nul pendant années, au point que j'étais vraiment content de me faire rabattre le caquet par des experts, avec le fameux RTFM (read the fucking manual). Je me suis toujours senti à l'aise avec les autres, j'ai toujours senti les choses, ça me paraissait évident. Mais le degré de complexité d'un logiciel libre et de la culture qu'il y a derrière, à mon avis on est dans un rapport similaire de comparaison du nombre de boutons qu'il y a sur un vélomoteur et le tableau de bord d'un Airbus A380. Quand tu vois le tableau de bord de l'A380, tu te dis que c'est monstrueux le nombre de fonctions, qu'il est impossible de comprendre tout cela, mais tu vois dans un ordinateur le degré de complexité bien que ce ne soit qu'un milliardième de la complexité du cerveau, tu dis que c'est incroyable et que l'on est loin du compte.