Fracture numérique : Différence entre versions

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inégalités, équité, inéquité, minorités, information, droits, exclusion, défavorisé
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'''Notions-clés :''' ''[https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22fracture+num%C3%A9rique%22 fracture numérique], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/search?what=in%C3%A9galit%C3%A9s inégalités],[https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22fracture%20%C3%A9conomique%22 fracture économique] [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/info-riches info-riches], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/info-pauvres info-pauvres], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22r%C3%A9seau+social%22 réseau social], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22digital+native%22 digital native], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22digital+native%22 digital migrant], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22acc%C3%A8s+libre%22 accès libre], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/exclusion exclusion], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22sagesse+des+foules%22 sagesse des foules], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/%22alphab%C3%A9tisation+num%C3%A9rique%22 alphabétisation numérique].''
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'''Profils-clés :''' ''[https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/wikileaks?dm=middle&page_num=0 Wikileaks],
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''[https://groups.diigo.com/group/e_culture/search?what=Albertine+Meunier+ Albertine Meunier], [https://groups.diigo.com/group/e_culture/content/tag/Nations-Unies Nations-Unies]''.''
 
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Internet est-il une nouvelle source d’inégalités ?<br>
  
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À leurs débuts, l'ordinateur et internet étaient perçus comme des gadgets réservés à une minorité de personnes dont c'était le métier (les informaticiens) et à quelques drôles d'individus qui préféraient bidouiller pendant leur temps libre plutôt que de prendre un bon bol d'air (les hobbyistes). L'informatique et le réseau internet ont, depuis les années 1990, démontré leur caractère essentiel à la vie sociale et économique de chacun d'entre nous, partout dans le monde. La circulation de l'information, souvent gratuite, favorise l'équité des chances et rapproche les personnes. La technologie numérique aide à réduire les différences sociales entre ses utilisateurs. Mais, ô paradoxe, internet a également contribué à creuser l'écart entre utilisateurs et non-utilisateurs du net, amplifiant ainsi certaines inégalités qui préexistaient.
  
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Notons cependant que la société numérique n'a pas encore établi son utilité sociale. Internet doit encore faire ses preuves comme outil de justice sociale. Il ne supplantera sans doute jamais les relations interpersonnelles en face à face, même s'il peut jouer un rôle de facilitation dans bien des circonstances.
  
Internet est-il une nouvelle source d’inégalités ?<br>
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On a baptisé fracture numérique l'inégalité d'accès aux nouvelles technologies de l'information. La notion même de fracture numérique est calquée sur celle de fracture sociale. Ceux qui sont du bon côté peuvent en principe disposer d’un accès à internet pour défendre leurs droits et leurs idées, pour s'informer, pour communiquer et même pour augmenter leur pouvoir d'achat (comparateurs de prix, sites de ventes privées à tarifs préférentiels, bons plans, etc.). Les autres connaissent un désavantage supplémentaire à ceux qu'ils subissaient déjà : ils se retrouvent exclus d'une nouvelle dimension de la société, qui leur échappe chaque jour un peu plus.
À leurs débuts, l'ordinateur et internet étaient perçus comme des gadgets réservés à une minorité de personnes dont c'était le métier (les "informaticiens") et à quelques drôles de gars qui préfèraient bidouiller pendant leur temps libre plutôt que de prendre le grand air. L'informatique et le réseau internet ont, depuis les années 1990, démontré leur caractère essentiel à la vie sociale et économique de chacun d'entre nous, partout dans le monde. La  circulation d'information, souvent gratuite, favorise l'équité des chances et rapproche les gens. La technologie numérique aide à réduire les différences sociales entre ses utilisateurs. Mais, ô paradoxe, internet a également contribué à creuser l'écart entre utilisateurs et non utilisateurs du Net, amplifiant ainsi les inégalités qui préexistaient.
 
 
 
On a baptisé ''fracture numérique'' l'inégalité d'accès aux nouvelles technologies de l'information. Ceux qui sont du bon côté peuvent en principe disposer du net pour défendre leurs droits et leurs idées, pour s'informer et pour communiquer. Les autres subissent un désavantage supplémentaire à ceux qu'ils connaissaient déjà&nbsp;: ils se retrouventexclus d'une nouvelle dimension de la société, qui leur échappe chaque jour un peu plus.
 
  
Dans l'esprit de certains, nombreux, la fracture numérique se résume à un accès au réseau inégal entre des régions du Monde : le Nord est hyperconnecté alors que le Sud est encore en dehors du circuit.
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Dans l'esprit de nombreux individus, la fracture numérique se résume à un accès au réseau inégal entre des régions du monde : entre le Nord, qui est hyperconnecté, et le Sud, qui est encore en dehors du circuit, ou entre les zones urbaines et les zones rurales. Cependant, cette fracture peut prendre plusieurs formes, qui dépassent largement les clivages géoéconomiques. La fracture est surtout sociale : elle crée des sociétés à plusieurs vitesses et une forme d'exclusion se crée ou se renforce.  
  
Cependant, cette fracture peut prendre plusieurs formes, qui dépassent largement les clivages géo-économiques. La fracture est surtout sociale, elle crée des sociétés à plusieurs vitesses. Une forme d'exclusion perdure, se crée ou se renforce.
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Cet article recense cinq formes de fractures : économique, géopolitique, culturelle, éducative et générationnelle.
  
Cet article recense cinq forme de fracture :
 
* Economique
 
* Géopolitique
 
* Culturelle
 
* Éducative
 
* Générationnelle
 
  
 
== Fracture économique ==
 
== Fracture économique ==
 
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La fracture la plus évidente est économique. On la retrouve à une échelle globale qui montre des disparités gigantesques de connexion entre les pays : au tournant du millénaire, il y avait autant de lignes téléphoniques sur l'île de Manhattan que sur tout le continent africain.<ref>[http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PNABZ059.pdf ''Leland Initiative: Africa Global Information Infrastructure Gateway Project''], '''Jeff Bland''', (1996).</ref>  
La fracture la plus évidente est économique. On la retrouve à une échelle globale qui montre des disparités gigantesques de connexion entre les pays : en 1996, il y avait autant de lignes téléphoniques sur l'île de Manhattan que sur tout le continent africain.<ref> Tiré de Leland Initiative: Africa Global Information Infrastructure Gateway Project : http://pdf.usaid.gov/pdf_docs/PNABZ059.pdf</ref>  
 
  
 
Les victimes de la fracture numérique sont nombreuses, notamment&nbsp;:  
 
Les victimes de la fracture numérique sont nombreuses, notamment&nbsp;:  
  
* Les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens de se procurer des appareils informatiques ou d'en louer&nbsp;;
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* Les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens d'acheter des appareils informatiques ou d'en louer&nbsp;;
* Les plus éloignés des centres villes, qui n'ont accès ni au réseau, ni aux cybercafés, et dont personne dans l'entourage ne peut encourager l'usage d'internet&nbsp;;
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* Les plus éloignés des centres villes, qui n'ont accès ni au réseau, ni aux cybercafés, et dont personne dans leur entourage ne peut encourager l'usage d'internet&nbsp;;
* Les plus âgés, comme les petits retraités, qui n'ont pas encore réussi à s'adapter à ce nouveau fonctionnement social.  
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* Les plus âgés, qui n'ont pas encore réussi à s'adapter à ce nouveau fonctionnement social.  
  
Sur terre, en ce début du XXI<sup>e</sup> siècle, 2,6 milliards d'humains vivent avec moins de deux dollars par jour. Ils sont tout en bas de l'échelle sociale. Et, tout en haut, un cinquième de la population mondiale consomme à lui seul environ 90&nbsp;% des ressources disponibles. Ces chiffres ont été publiés dans un état des lieux des Nations Unies en 2010.  
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Selon le Rapport sur le développement humain 2014 des Nations-Unies<ref> [http://hdr.undp.org/sites/default/files/hdr14-report-fr.pdf ''Rapport sur le développement humain 2014''], '''Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)''', (2014).</ref>, les 2,7 milliards d'humains qui sont tout en bas de l’échelle sociale vivent avec moins de 2,5 dollars par jour. A l’opposé, les 85 personnes les plus riches du monde possèdent à elles seules l’équivalent de la richesse des 3,5 milliards d’êtres humains les plus pauvres.  
  
Le manque de moyens empêche à une grande partie de la population mondiale d'accéder aux équipements numériques. Les plus pauvres, déjà handicapés par leur faible niveau de vie et le pouvoir qu'acquièrent dès lors sur eux les plus riches, sont les premières victimes de cette nouvelle iniquité&nbsp;: ils sont confrontés à une rareté de l'information. Parce que les nouvelles technologies permettent d'augmenter la qualité et la quantité des communications, les «&nbsp;bien connectés&nbsp;» sont plus autonomes dans leurs actions quotidiennes. Mais aussi en cas de situation exceptionnelle. Prenons l'exemple d'un train qui déraille dans une région bien connectée&nbsp;: très rapidement, des transports alternatifs vont être mis en place. Dans une région mal connectée, l'attente va se prolonger, les solutions s'organiseront plus lentement, car l'information circule mal.  
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Le manque de moyens empêche une grande partie de la population mondiale d'accéder aux équipements numériques. Les plus pauvres, déjà handicapés par leur faible niveau de vie et le pouvoir qu'acquièrent dès lors sur eux les plus riches, sont les premières victimes de cette nouvelle iniquité : ils sont confrontés à une rareté de l'information. Vu que les nouvelles technologies permettent d'augmenter la qualité et la quantité des communications, les bien connectés sont plus autonomes, plus performants, plus intégrés socialement et professionnellement. Ce meilleur accès aux informations touche non seulement leurs actions quotidiennes mais aussi des situations exceptionnelles. Prenons l'exemple d'un train qui déraille dans une région bien connectée : très rapidement, des transports alternatifs vont être mis en place. Dans une région mal connectée, l'attente va se prolonger, les solutions s'organiseront plus lentement, car l'information circule mal.
  
Mais une telle disparité existe aussi au niveau local : même un pays très bien équipé peut compter des citoyens privés d'accès au réseau pour des raisons économiques. Exemple local venant de l'ONG Caritas à Genève, opulante capitale du commerce mondial et siège d'agences des Nations-Unies: nombreux sont les info-pauvres dans cette cité; nombreux sont les migrants y vivent, de manière précaire, et n'ont pas d'ordinateur. Ils ont dès lors accès à moins d'informations, moins d'opportunités de travail, moins de possibilité de s'insérer socialement et professionnellement.
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Mais une telle disparité existe aussi au niveau local : même une région très bien équipée peut compter des citoyens privés d'accès au réseau pour des raisons économiques. Même à Genève, qui est l'une des capitales du commerce mondial et le siège d'agences des Nations-Unies, vivent des info-pauvres sans ordinateur. Ils ont accès à moins d'informations, moins d'opportunités de travail et ont plus de difficultés à trouver leur place dans la société.
  
=== Encadré Faut-il envoyer des ordinateurs en Afrique ?===
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'''Faut-il envoyer des ordinateurs en Afrique ?'''<br />
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Donner un ordinateur, un vieil ordinateur, est-ce toujours utile ? Quand on pense fossé entre info-riches et info-pauvres, on pense tout de suite aux pauvres Africains qui n'ont pas d'ordinateur. L'idée de donner une deuxième vie à un ordinateur, en le confiant à une organisation caritative, est une bonne intention. Elle se heurte néanmoins à plusieurs réalités qui la rendent contre-productive. En Afrique principalement, les ordinateurs finissent très vite dans des décharges, or il n'y a pas d'infrastructures pour le recyclage. Donc on pollue en croyant bien faire. De plus, il y a des intermédiaires qui se servent au passage, bien souvent aux douanes ou avant même le départ.
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Par ailleurs, même si l'on donne un ordinateur à une personne pour un usage en Occident, par exemple une banque qui fait une donation à une ONG caritative, le problème peut rester le même pour le bénéficiaire qui doit payer des professionnels pour identifier les pannes matérielles, reconfigurer l'outil, assurer une maintenance. Sans parler de l'énergie grise, cette énergie consommée qui est difficile à calculer : transport, grosse consommation électrique de vieux ordinateurs avec des processeurs qui surchauffent, etc.
  
Quand on pense fossé entre info-riches et info-pauvres, on pense tout de suite aux pauvres africains qui n'ont pas d'ordinateur.
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[[Fichier:PC_afrique.jpg |thumb|Luigi Garino CC BY 2.0]]
L'idée de donner une deuxième vie à un ordinateur, en le confiant à une organisation caritative, est une bonne intention. Elle se heurte néanmoins à plusieurs réalités qui la rendent contre-productive.
 
  
Principalement, en Afrique, les ordinateurs finissent très vite dans des décharges, et il n'y a pas d'infrastructures pour le recyclage. Donc on pollue en croyant bien faire. En plus, il y a les intermédiaires, qui se servent au passage, souvent avant même le départ ou aux douanes. Enfin, même si on donne un ordinateur à un occidental pour un usage en occident, par exemple une banque qui fait une donation à une ONG caritative, le problème peut rester complet : les bénéficiaires. Les chômeurs ou migrants doivent payer des professionnels pour identifier les pannes matérielles, reconfigurer l'outil, assurer une maintenance. Sans parler de l'énergie grise, cette énergie consommée qui est difficile à calculer : transport, grosse consommation électrique de vieux ordinateurs avec des processeurs qui surchauffent...
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== Fracture géopolitique ==
 
== Fracture géopolitique ==
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Le seul facteur économique n'explique pas la mauvaise connexion à internet de certains pays ou certaines régions : certaines administrations en restreignent délibérément l'accès pour juguler la liberté de leurs propres citoyens à s'informer et à s'exprimer. C'est le cas de la Chine qui surveille et limite l'accès à internet de ses citoyens<ref>Article [http://fr.wikipedia.org/wiki/Censure_d'Internet_en_R%C3%A9publique_populaire_de_Chine ''« Censure d'internet en République populaire de Chine »''], '''Wikipedia'''. (Consulté le 22.07.14).</ref>. De même, en Corée du Nord, l'accès à internet est soumis à autorisation spéciale, principalement pour des buts gouvernementaux<ref>Article [http://en.wikipedia.org/wiki/Internet_in_North_Korea ''« Internet in North Korea »''], '''Wikipedia'''. (Consulté le 22.07.14).</ref>
  
Le seul facteur économique n'explique pas une mauvaise connexion à Internet pour certains pays ou régions : certaines administrations restreignent délibérément l'accès à Internet pour juguler la liberté de leurs propres citoyens à s'informer et à s'exprimer. Cas de la Chine qui surveille et limite l'accès à Internet de ses citoyens<ref>Internet censorship in the People's Republic of China http://en.wikipedia.org/wiki/Internet_censorship_in_the_People%27s_Republic_of_China</ref>. De même en Corée du Nord, l'accès à Internet est soumis à autorisation spéciale et principalement pour des buts gouvernementaux.<ref>Wikipedia : Internet in North Korea  http://en.wikipedia.org/wiki/Internet_in_North_Korea</ref>
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Même les États-Unis peuvent faire preuve de velléités coercitives à l'encontre de la liberté d'expression, comme en témoigne l'affaire [http://netizen3.org/index.php/Les_lanceurs_d%27alerte Wikileaks]<ref>En 2010, le gouvernement des États-Unis a condamné la publication de documents secrets sur la guerre en Afghanistan, affirmant que cela menaçait la sécurité de soldats américains engagés en Afghanistan. À cet effet, une enquête a été lancée par le Pentagone, afin de retrouver l'origine des informations. Le Pentagone a exigé que WikiLeaks lui remette immédiatement la totalité des 15 000 documents classés « secret défense » qui n'ont pas encore été divulgués et que ceux qui ont déjà été mis en ligne soient détruits. Voir l'article consacré à [http://fr.wikipedia.org/wiki/WikiLeaks ''WikiLeaks''] sur Wikipedia.</ref>.
  
Inversément, la connexion relativement correcte à Internet en Lybie ou en Egypte, a permis les mobilisations populaires dans le monde arabe en 2010 et 2011, où les réseaux sociaux ont permis aux innitiatives de se coordonner, aux pratiques d'insurrection de s'affiner, par écran interposé.
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Inversement, la connexion relativement correcte en Libye ou en Égypte a soutenu les mobilisations populaires dans le monde arabe en 2010 et 2011, où les réseaux sociaux ont permis aux initiatives de se coordonner et aux pratiques d'insurrection de s'affiner, par écran interposé.
 
 
Enfin, c'est aussi une fracture basée sur les rapports de force entre gouvernements d'une part, qui représentent tous les citoyens, et grands groupes de telecom d'autre part, qui représentent leurs actionnaires. L'exemple, peu documenté mais pourtant essentiel, c'est la téléphonie. D'abord, il s'est agit de cabler tous les foyers. Ce qui a contraint à facturer cher les télécommunications pour couvrir les frais mobile. Ensuite est arrivé le GSM, technologie mondialement utilisée pour les téléphones mobiles, qui repose sur la vente de licences d'exploitations de canaux d'ondes, par les gouvernements. Ces canaux sont couteux à installer, et ensuite il faut bien les rentabiliser, en facturant assez cher les communications. Malgré l'omniprésence d'Internet en parallèle à ces moyens couteux, les usagers de ces réseaux ne commencent qu'à peine à comprendre qu'avec une connexion Internet, on peut aussi téléphoner. Cela réduit les marges bénéficiaires des telecom, et par la même cela réduit les fractures.
 
  
 
== Fracture culturelle ==
 
== Fracture culturelle ==
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Par fracture culturelle, on entend le décalage entre ancienne et nouvelle manière de penser, provoqué par l'émergence de nouvelles pratiques.
  
'''Décideurs'''
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Dans tout type d'organisation, les hiérarchies peuvent sentir leur autorité menacée par l'omniprésence des médias numériques. On observe alors des réactions de rejet des ressources disponibles sur internet. Par exemple : dans un grand nombre de cursus académiques, Wikipédia est a priori banni comme source valide de références bibliographiques, ce qui traduit une méfiance vis-à-vis de la [http://netizen3.org/index.php/Sagesse_des_foules sagesse des foules]<ref>Voir aussi l'article [http://netizen3.org/index.php/Sagesse_des_foules ''Sagesse des foules'', chapitre 6].</ref>, un concept expliqué dans l'article du même nom.
Les organes de décision de diverses collectivités craignent qu'Internet ne soit un vecteur de subversion auprès des populations dont ils ont la responsabilité.
 
Ex. en 2012, une municipalités indienne interdit l'usage des smartphones aux femmes<ref>Women Banned from Using Mobile Phones in Indian Villages http://globalvoicesonline.org/2012/12/08/women-banned-from-using-mobile-phones-in-indian-villages/</ref>.
 
 
 
'''Hiérarchie'''
 
Dans tous types d'organisations, les hiérarchies se sentent menacées dans leur autorité par l'omniprésence des médias numériques. On observe alors des réactions de rejet des ressources informatives disponibles sur Internet. Un exemple : dans un grand nombre de cursus académiques, Wikipedia est banni a-priori comme source valide de références bibliographiques, ce qui traduit dans doute une grande méfiance vis-àvis de la sagesse des foules ou une peur du vandalisme de ces outils Wikis ouverts.
 
 
 
De manière similaire, des pratiques déviantes mais marginales débouchent sur des décisions radicales à l'échelle de toute l'organisation. Des cas se produisent régulièrement dans des établissements scolaires, dans des cas de diffamation sur les réseaux sociaux ou des situations de cybertintimidation. Il en résulte un sentiment d'injustice pour ceux qui respectent les règles et se trouvent lésés. Cela débouche parfois sur une recrudescence d'actions de digression de ces règles perçue comme illégitimes<ref>Anne Collier : parle de "go underground". http://www.parentsprotect.co.uk/files/a_parents_guide_to_facebook.pdf</ref>.
 
 
 
 
 
 
 
'''Entreprise'''
 
Le monde de l'entreprise est également sujet à des réactions de rejet, notamment vis-à-vis des plates-formes de réseautage social, perçues comme une perte de productivité plus qu'un potentiel stratégique. Ces blocages sont généralement liés à l'angoisse que suscitent les transitions en cours, où la régulation du monde du travail doit passer d'un contrôle de la présence des collaborateurs à une orientation résultats. Ainsi, les employés sont plus libres des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre leurs objectifs, puisqu'on attend d'eux des résultats à l'aune desquels ils sont évalués.
 
En entreprise, la hiérarchie repose fréquemment sur un statut lié à un cursus académique, un titre ou l'appartenance à certains cercles. La culture Internet bouscule cela en mettant en avance les compétences, étayées par des preuves et des résultats. De telles hiérarchies sont alors beaucoup plus relatives et fluctuantes. Cette manière de penser a encore du mal à être mise en application dans les organismes où les tenants du pouvoir craignent de tomber de leur piédestal.
 
 
 
réduction performance car mal formés (étude Europe du Nord).
 
* CFF fait un permis de réseaux sociaux pour devenir ambassadeurs de l'entreprise. Autres cas : personnes n'ont pas culture internet nécessaire.  
 
 
  
Journaliste qui dit "Je" suis celui qui sait produire de l'info donc le blogueur.  
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Le monde de l'entreprise est également sujet à des réactions de rejet, notamment vis-à-vis des plateformes de réseautage social, perçues comme une perte de productivité plus qu'un potentiel stratégique. Ces blocages sont généralement liés à l'angoisse que suscitent les transitions en cours. En effet, la régulation du monde du travail passe de la culture des heures de présence (primant sur la qualité du service) à la culture du résultat (avec la liberté de gestion des heures de présence).
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Grâce aux outils numériques, le monde du travail est désormais beaucoup plus flexible. Les travailleurs qui réussissent à faire du numérique un allié pour profiter de cette flexibilité sont ainsi plus libres des moyens qu’ils emploient pour atteindre leurs objectifs. La culture internet bouscule les anciennes hiérarchies, basées sur le statut, en mettant en avant les compétences, étayées par des preuves et des résultats<ref>Voir l'article [http://netizen3.org/index.php/Hi%C3%A9rarchie_de_statut,_hi%C3%A9rarchie_de_comp%C3%A9tences ''Hiérarchie de statut et hiérarchie de compétences'', chapitre 5].</ref>. Cette manière de penser a encore du mal à être mise en application par ceux qui tiennent les rênes du pouvoir, menacés dans leur position au sommet de la pyramide.
  
Ex. : Pr JP Trabichet, lorsqu'on lui dde "Dois-je interdire Facebook à mes collaborateurs/étudiants ?" indique "Est-ce que vous interdisez à ces personnes de discuter avec leurs amis ?". Exemple à la fin : Publier tôt, mettre à jour souvent (et indiquer niveau maturité)
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Diverses collectivités craignent parfois qu'internet ne soit un vecteur de subversion auprès des populations dont ils ont la responsabilité. Par exemple, en 2012, une municipalité indienne a interdit l'usage des smartphones aux femmes !<ref> [http://globalvoicesonline.org/2012/12/08/women-banned-from-using-mobile-phones-in-indian-villages/ ''Women Banned from Using Mobile Phones in Indian Villages'']. '''Sarah Lakshmi''', GlobalVoices online, (2012).</ref>
  
 
== Fracture éducative ==
 
== Fracture éducative ==
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Au-delà des moyens techniques, politiques ou économiques qui éloignent certaines populations de la révolution numérique, une éducation inappropriée condamne beaucoup d'internautes à une intégration restreinte à l'écosystème informationnel du réseau.
  
Au delà des moyens techniques, politiques ou économiques qui éloignent certaines populations de la révolution numérique, une éducation inappropriée condamne beaucoup d'internautes à une intégration restreinte à l'écosystème informationnel du réseau.
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Les utilisateurs voient souvent l'utilisation de l'outil informatique comme un obstacle purement technique. Il n'est donc pas rare d'entendre « j'ai fait un cours Word donc je suis à l'aise avec l'informatique ». N’est-ce pas faire preuve d’un manque de vision plus large de l’informatique ? Un réseau d’ordinateurs connectés constituant un réel écosystème, avec non seulement des outils, mais aussi des codes culturels, des normes et des valeurs qui forment un tout en perpétuelle évolution.  
  
Les utilisateurs voient souvent l'utilisation de l'outil informatique comme un obstacle technique, et peu sont ceux qui leur donneront un avis divergent. Il n'est donc pas rare d'entendre "J'ai fait un cours Word donc je suis à l'aise avec l'informatique". Ceci démontre le déficit d'une vision largement répandue d'internet en tant qu'écosystème avec non seulement ses outils, mais surtout ses codes, ses acteurs... qui forment un tout en perpétuelle évolution mais fondé sur des règles qui évoluent à un rythme largement moins soutenu.
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Ainsi, une large frange des internautes, même ceux qui en font un usage quotidien, se cantonne à des usages proches d'un média tel que le téléphone, la poste, la radio ou la télévision : ils ne produisent pas, n'interagissent pas avec des communautés ou utilisent leur messagerie électronique pour échanger des fichiers bien trop volumineux...  
  
Ainsi, même pour des internautes du quotidien, une large frange se cantonne à des usages de consommation proche d'un média tel que le téléphone, la poste, la radio ou la télévision : il ne produisent pas, n'interagissent pas avec des communautés, utilisent la messagerie électronique pour échanger des fichiers volumineux...
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Même parmi les communautés de spécialistes de l'outil informatique, de nombreux individus ont des comportements inadaptés. Par exemple, certains concepteurs web vendent à leurs clients des sites qui limitent, voire empêchent l'analyse du site par les moteurs de recherche, souvent via l'usage de la technologie Flash de l'éditeur Macromedia. Un site entièrement géré par cette technologie n'est pas, à proprement parler, un site web car la notion de pages n'existe plus : on est dans une application. Par exemple, il peut devenir impossible d'indiquer l'emplacement d'une ressource interne au travers d'un simple lien hypertexte. Il faut alors indiquer à ses correspondants le chemin à parcourir dans l'application pour aboutir à ladite ressource : « Rendez-vous sur la page d'accueil, puis cliquer sur tel lien, ensuite sur tel autre, enfin entrez tels mots dans le formulaire et validez ». C'est non seulement fastidieux, mais cela va également à l'encontre des principes fondateurs d'accessibilité des ressources publiées.
 
 
Même parmi les communautés de spécialistes de l'outil informatique, de nombreux individus ont des comportements inadaptés. Par exemple, certains concepteurs web vendent à leurs clients des sites qui limitent, voire empêchent l'analyse du site par les moteurs de recherche, fréquemment via l'usage de la technologie Flash de l'éditeur Macromedia. Un site entièrement géré par cette technologie n'est pas, à proprement parler, un site web car la notion de pages n'existe plus : on est dans une application. Par exemple, il peut devenir impossible d'indiquer l'emplacement d'une ressource interne au travers d'un simple lien hypertexte. Il faut alors indiquer à ses correspondants le chemin à parcourir dans l'application pour aboutir à ladite ressource : rendez-vous sur la page d'accueil, puis cliquer sur tel lien, ensuite sur tel autre, enfin entrez tels mots dans le formulaire et validez. Non seulement, c'est fastidieux, mais cela va à l'encontre des principes fondateurs d'accessibilité des ressource publiées.
 
  
 
== Fracture générationnelle ==
 
== Fracture générationnelle ==
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« Ma chérie, dit un père à sa fille de 12 ans, j'ai acheté un logiciel qui filtre les contenus interdits aux mineurs, pour que tu arrêtes de visiter ces sites qui ne sont pas de ton âge. Tu peux m'aider à l'installer s'il te plaît ? »
  
''Ma chérie, dit le papa à sa fille de 12 ans, j'ai acheté un logiciel qui filtre les contenus interdits aux mineurs, pour que tu arrêtes de visiter ses sites qui ne sont pas de ton âge. Euh... tu peux m'aider à l'installer s'il te plait ?
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Vous avez, vous aussi, vécu le choc entre ceux pour qui internet est naturel, et ceux qui ne se sentent pas à l'aise devant un écran, qui doivent se concentrer pour ne pas faire d'erreurs, qui paniquent dès qu'une fonction change, qui ne connaissent pas les raccourcis, etc.
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Cette histoire ne vous rappelle rien ? Vous avez vous aussi vécu le choc entre ceux pour qui internet c'est naturel, et ceux qui ne se sentent pas à l'aise devant un écran, qui doivent se concenbtrer pour ne pas faire d'erreur, qui panique dès qu'une fonction change, qui ne connaissent pas les raccourcis...
 
  
C'est le principe de fracture entre migrants du numérique, et natifs. Bien au-delà des questions de manipulation technique, il y a un certain choc intergénérationnel dans la manière de voir le monde, nos croyances et nos pratiques. Heureusement que de nombreux initiatives permettent de réduire ces fractures. Par exemple en France, Albertine Meunier organise des atelier internet avec des femmes de plus de 77 ans. C'est l'opération "un thé avec Albertine". Elle filme ces grands-mamans en train de boire le thé et de décrire de manière précise et relax des concepts complexes comme "qu'est-ce qu'un hacker?". Avec ses vidéos sur le web, elle a réussi à motiver un nombre incalculable de séniors de se mettre à l'informatique, et d'apporter ainsi aux jeunes générations leur expérience de vie, pour rester critique face aux médias, affiner leur orthographe, découvrir d'autres cultures...
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C'est le principe de fracture entre migrants du numérique et les digital natives. Bien au-delà des questions de manipulation technique, il y a un certain choc intergénérationnel dans la manière de voir le monde, nos croyances et nos pratiques. Heureusement, de nombreuses initiatives permettent de réduire ces fractures. Par exemple, en France, Albertine Meunier organise des ateliers internet avec des femmes de plus de 77 ans : l'opération un thé avec Albertine. Elle filme ces grands-mamans en train de boire le thé en décrivant de manière précise et relax des concepts ardus comme qu'est-ce qu'un hacker ? Avec ses vidéos sur le web<ref> [http://www.hyperolds.com www.hyperolds.com]</ref>, elle a réussi à motiver un nombre incalculable de seniors de se mettre à l'informatique. Ils apportent ainsi aux jeunes générations leur expérience de vie, pour rester critique face aux médias, affiner leur orthographe, découvrir d'autres cultures, etc.
  
===Encadré : Et la fracture émotionnelle?===
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A toutes ces fractures s'ajoute la fracture émotionnelle : vraiment pas drôle, en effet, de se faire planter par... son ordinateur, ou le réseau. Surtout pendant la rédaction d'un mail de trois kilomètres, sans sauvegarde. La vie numérique, c'est comme l'amour, on fait des erreurs de débutants et puis on apprend! Il n'empêche que cela peut en décourager plus d'un. Entre attraction et répulsion nos coeurs balancent. Avec internet, c'est souvent un peu ''«je t'aime moi non plus»''...
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| '''Et la fracture émotionnelle ?'''
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A toutes ces fractures s'ajoute la fracture émotionnelle : ça fait parfois mal, en effet, de se faire planter par ... son ordinateur, ou le réseau. Surtout pendant la rédaction d'un mail de trois kilomètres qu'on n'a pas sauvegardé. La vie numérique, c'est comme l'amour, on fait des erreurs de débutants, et puis on apprend ! Il n'empêche que cela peut en décourager plus d'un. Entre attraction et répulsion, nos cœurs balancent aussi face à la vie virtuelle. Avec internet, c'est parfois je t'aime moi non plus ...
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== Fracture numérique ==
 
 
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== Notes et références==
 
 
 
 
 
 
==== Petite histoire d'une révolution…  ====
 
Dans de nombreuses régions du monde, les commerçants des métropoles régionales s'entendent sur l'achat des récoltes paysannes. Ils se partagent les régions, créant de la sorte des situations de monopole. Lorsque l'un d'entre eux arrive dans un village avec le camion destiné à charger la récolte locale, il se trouve, face aux paysans, en situation de force&nbsp;: «&nbsp;Vous n'avez pas le choix. C'est moi qui décide du prix, car je suis le seul à venir dans votre village éloigné pour acheter votre récolte.&nbsp;» Ce prix, le sien, finit en général par être accepté.
 
 
 
Mais avec l'arrivée des téléphones mobiles et d'Internet, les paysans équipés ont désormais la possibilité de répondre&nbsp;: «&nbsp;Nous sommes navrés, cher négociant, mais nous venons de nous renseigner sur le Web ou par téléphone. Il en ressort que si nous allions vendre notre récolte en ville par nous-mêmes, nous en obtiendrons un prix supérieur. Alors si vous n'acceptez pas notre prix de vente, nous louerons un camion et irons vendre notre récolte en ville. Vous ne tenez plus le couteau par le manche. C'est maintenant nous qui décidons.&nbsp;»
 
 
 
==== Et de ses laissés pour compte  ====
 
L'isolement géographique est un autre facteur de fracture numérique&nbsp;: l'accès à un lieu connecté est plus aisé en ville, directement dans un cybercafé ou avec l'aide d'utilisateurs déjà équipés. En milieu urbain, même sans ordinateur, il est possible de recueillir l'information, tant elle circule&nbsp;: conversations, commerces diffusant radio ou télévision… L'information est partout dans l'air. ''A contrario'', dans un petit village de montagne, qui plus est peu peuplé où personne n'a accès à Internet, les chances de recueillir l'information de manière indirecte sont inexistantes&nbsp;: pas de cybercafés, ni de lieux de rencontre ou de cours d'informatique. Les liens avec l'extérieur sont trop limités pour que l'information pénètre le village. Sans Internet, ni téléphone, l'information reste en ville… sans même que les villageois se rendent compte de leur préjudice.
 
 
 
Par ailleurs, dans toutes les sociétés, sans distinction de classe sociale ou de localisation, les personnes les plus âgées sont plus sujettes à l'exclusion numérique. La plupart d'entre elles ne parviennent pas à intégrer à leur quotidien cette nouvelle dimension de la société, ce qui aggrave encore le fossé entre les générations. Plusieurs programmes ont été mis en place pour aider les «&nbsp;anciens&nbsp;», qui ne sont pas nés avec le numérique, à intégrer les nouveaux schémas de pensées nécessaires à la compréhension et à l'utilisation du numérique au quotidien.
 
 
 
La fracture numérique ne sort pas de nulle part&nbsp;: elle est une amplification des fractures sociales. Être exclu du numérique (ne pas avoir accès à Internet, ne pas posséder de téléphone portable, etc.) entraîne des conséquences, sociales et politiques dont nul n'avait idée au lancement d'Internet.
 
 
 
==== Inclure plutôt qu'exclure ====
 
 
 
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Pour lutter contre la fracture numérique, il existe plusieurs approches, baptisées réduction des fossés numérique, accès pour tous, inclusion socio-digitale, insertion socio-numérique, eInclusion. Comme un enfant qui passe par divers stades de maturité, ces initiatives connaissent divers niveau ou degré de conscience. Dans un premier temps, on donne des ordinateurs, on fait des photos avce des enfants pauvres qui sourient devant un écran. Progressivement, on inclu aussiles personnes en situation de handicaps, les seniors, les laissés pour compte. Puis la question devient plus globale. On réflechi à la question du partage, On ose aborder la question qui peut fâcher : faire des donations, comme par exemple Microsoft qui donne des licences Windows pour équiper les écoles ou Google qui offre ses services gratuits aux écoles, n'est-ce pas une manière de donner du poisson plutot que d'apprendre  pêcher, voir me donner une première dose de drogue gratuitement ? Car c'est un fait : pour apprendre aux nouvelles générations à développer des pratiques de communication conscientes, adaptées aux besoins, avec des critiques constructives, il faut leur permettre de connaitre les plans de fabrication et de développer une expertise localementpour adapter les outils aux besoins de chaque groupe. Plutot que de donner des machines, pourquoi ne pas leur apprendre à les fabriquer, les recycler ? Plutot que de donner des logiciels, pourquoi ne pas leur apprendre à les développer ? C'est là le coeur du débat : donner des produits de seconde main laissant les bénéficiaires dans une situation de consommateurs, ou faire l'effort de créer un marché local dynamique en les formant au commerce équitable dans leur marché informatique local ?
 
 
 
Dans les faits, il n'y a pas grand monde qui ne soit tout noir ou tout blanc. Les bonnes volontés sont souvent fragilisées par la complexité des enjeux, et les donations, souvent contreproductive à court terme, génératrice d'exclusion, permettent aux bénéficiaires de faire leur expériences, de casser leurs premières machines comme nous l'avons fait, car cette technologie est bien délicate. Il est toujours possible d'apprendre à se déprogrammer de l'idée de manger du poisson, et d'essayer d'apprendre à pêcher. L'adversité est notre alliée. Les fractures sont des symboles de crises, qui portent les germes de nouvelles opportunités. Encore faut-il un environnement global quelque peu favorable. Mais c'est là une autre histoire...
 
 
 
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== Sources et notes ==
 
 
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Fracture_num%C3%A9rique#Probl.C3.A9matiques
 
 
Rapport sur la fracture numérique en Suisse, par la CEAT (MM Vodoz, Steiner, etc) : http://www2.unil.ch/cwp/rap_int_pnr51.pdf
 
 
http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/internet-monde/fracture-numerique.shtml
 
 
[http://www.useit.com/alertbox/digital-divide.html 3 stages of digital divide]
 
 
=== Sources iconographiques ===
 

Version actuelle datée du 19 juillet 2017 à 14:14

Notions-clés : fracture numérique, inégalités,fracture économique info-riches, info-pauvres, réseau social, digital native, digital migrant, accès libre, exclusion, sagesse des foules, alphabétisation numérique.

Profils-clés : Wikileaks, Albertine Meunier, Nations-Unies.


Internet est-il une nouvelle source d’inégalités ?

À leurs débuts, l'ordinateur et internet étaient perçus comme des gadgets réservés à une minorité de personnes dont c'était le métier (les informaticiens) et à quelques drôles d'individus qui préféraient bidouiller pendant leur temps libre plutôt que de prendre un bon bol d'air (les hobbyistes). L'informatique et le réseau internet ont, depuis les années 1990, démontré leur caractère essentiel à la vie sociale et économique de chacun d'entre nous, partout dans le monde. La circulation de l'information, souvent gratuite, favorise l'équité des chances et rapproche les personnes. La technologie numérique aide à réduire les différences sociales entre ses utilisateurs. Mais, ô paradoxe, internet a également contribué à creuser l'écart entre utilisateurs et non-utilisateurs du net, amplifiant ainsi certaines inégalités qui préexistaient.

Notons cependant que la société numérique n'a pas encore établi son utilité sociale. Internet doit encore faire ses preuves comme outil de justice sociale. Il ne supplantera sans doute jamais les relations interpersonnelles en face à face, même s'il peut jouer un rôle de facilitation dans bien des circonstances.

On a baptisé fracture numérique l'inégalité d'accès aux nouvelles technologies de l'information. La notion même de fracture numérique est calquée sur celle de fracture sociale. Ceux qui sont du bon côté peuvent en principe disposer d’un accès à internet pour défendre leurs droits et leurs idées, pour s'informer, pour communiquer et même pour augmenter leur pouvoir d'achat (comparateurs de prix, sites de ventes privées à tarifs préférentiels, bons plans, etc.). Les autres connaissent un désavantage supplémentaire à ceux qu'ils subissaient déjà : ils se retrouvent exclus d'une nouvelle dimension de la société, qui leur échappe chaque jour un peu plus.

Dans l'esprit de nombreux individus, la fracture numérique se résume à un accès au réseau inégal entre des régions du monde : entre le Nord, qui est hyperconnecté, et le Sud, qui est encore en dehors du circuit, ou entre les zones urbaines et les zones rurales. Cependant, cette fracture peut prendre plusieurs formes, qui dépassent largement les clivages géoéconomiques. La fracture est surtout sociale : elle crée des sociétés à plusieurs vitesses et une forme d'exclusion se crée ou se renforce.

Cet article recense cinq formes de fractures : économique, géopolitique, culturelle, éducative et générationnelle.


Fracture économique[modifier]

La fracture la plus évidente est économique. On la retrouve à une échelle globale qui montre des disparités gigantesques de connexion entre les pays : au tournant du millénaire, il y avait autant de lignes téléphoniques sur l'île de Manhattan que sur tout le continent africain.[1]

Les victimes de la fracture numérique sont nombreuses, notamment :

  • Les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens d'acheter des appareils informatiques ou d'en louer ;
  • Les plus éloignés des centres villes, qui n'ont accès ni au réseau, ni aux cybercafés, et dont personne dans leur entourage ne peut encourager l'usage d'internet ;
  • Les plus âgés, qui n'ont pas encore réussi à s'adapter à ce nouveau fonctionnement social.

Selon le Rapport sur le développement humain 2014 des Nations-Unies[2], les 2,7 milliards d'humains qui sont tout en bas de l’échelle sociale vivent avec moins de 2,5 dollars par jour. A l’opposé, les 85 personnes les plus riches du monde possèdent à elles seules l’équivalent de la richesse des 3,5 milliards d’êtres humains les plus pauvres.

Le manque de moyens empêche une grande partie de la population mondiale d'accéder aux équipements numériques. Les plus pauvres, déjà handicapés par leur faible niveau de vie et le pouvoir qu'acquièrent dès lors sur eux les plus riches, sont les premières victimes de cette nouvelle iniquité : ils sont confrontés à une rareté de l'information. Vu que les nouvelles technologies permettent d'augmenter la qualité et la quantité des communications, les bien connectés sont plus autonomes, plus performants, plus intégrés socialement et professionnellement. Ce meilleur accès aux informations touche non seulement leurs actions quotidiennes mais aussi des situations exceptionnelles. Prenons l'exemple d'un train qui déraille dans une région bien connectée : très rapidement, des transports alternatifs vont être mis en place. Dans une région mal connectée, l'attente va se prolonger, les solutions s'organiseront plus lentement, car l'information circule mal.

Mais une telle disparité existe aussi au niveau local : même une région très bien équipée peut compter des citoyens privés d'accès au réseau pour des raisons économiques. Même à Genève, qui est l'une des capitales du commerce mondial et le siège d'agences des Nations-Unies, vivent des info-pauvres sans ordinateur. Ils ont accès à moins d'informations, moins d'opportunités de travail et ont plus de difficultés à trouver leur place dans la société.

Faut-il envoyer des ordinateurs en Afrique ?
Donner un ordinateur, un vieil ordinateur, est-ce toujours utile ? Quand on pense fossé entre info-riches et info-pauvres, on pense tout de suite aux pauvres Africains qui n'ont pas d'ordinateur. L'idée de donner une deuxième vie à un ordinateur, en le confiant à une organisation caritative, est une bonne intention. Elle se heurte néanmoins à plusieurs réalités qui la rendent contre-productive. En Afrique principalement, les ordinateurs finissent très vite dans des décharges, or il n'y a pas d'infrastructures pour le recyclage. Donc on pollue en croyant bien faire. De plus, il y a des intermédiaires qui se servent au passage, bien souvent aux douanes ou avant même le départ. Par ailleurs, même si l'on donne un ordinateur à une personne pour un usage en Occident, par exemple une banque qui fait une donation à une ONG caritative, le problème peut rester le même pour le bénéficiaire qui doit payer des professionnels pour identifier les pannes matérielles, reconfigurer l'outil, assurer une maintenance. Sans parler de l'énergie grise, cette énergie consommée qui est difficile à calculer : transport, grosse consommation électrique de vieux ordinateurs avec des processeurs qui surchauffent, etc.

Luigi Garino CC BY 2.0

Fracture géopolitique[modifier]

Le seul facteur économique n'explique pas la mauvaise connexion à internet de certains pays ou certaines régions : certaines administrations en restreignent délibérément l'accès pour juguler la liberté de leurs propres citoyens à s'informer et à s'exprimer. C'est le cas de la Chine qui surveille et limite l'accès à internet de ses citoyens[3]. De même, en Corée du Nord, l'accès à internet est soumis à autorisation spéciale, principalement pour des buts gouvernementaux[4]

Même les États-Unis peuvent faire preuve de velléités coercitives à l'encontre de la liberté d'expression, comme en témoigne l'affaire Wikileaks[5].

Inversement, la connexion relativement correcte en Libye ou en Égypte a soutenu les mobilisations populaires dans le monde arabe en 2010 et 2011, où les réseaux sociaux ont permis aux initiatives de se coordonner et aux pratiques d'insurrection de s'affiner, par écran interposé.

Fracture culturelle[modifier]

Par fracture culturelle, on entend le décalage entre ancienne et nouvelle manière de penser, provoqué par l'émergence de nouvelles pratiques.

Dans tout type d'organisation, les hiérarchies peuvent sentir leur autorité menacée par l'omniprésence des médias numériques. On observe alors des réactions de rejet des ressources disponibles sur internet. Par exemple : dans un grand nombre de cursus académiques, Wikipédia est a priori banni comme source valide de références bibliographiques, ce qui traduit une méfiance vis-à-vis de la sagesse des foules[6], un concept expliqué dans l'article du même nom.

Le monde de l'entreprise est également sujet à des réactions de rejet, notamment vis-à-vis des plateformes de réseautage social, perçues comme une perte de productivité plus qu'un potentiel stratégique. Ces blocages sont généralement liés à l'angoisse que suscitent les transitions en cours. En effet, la régulation du monde du travail passe de la culture des heures de présence (primant sur la qualité du service) à la culture du résultat (avec la liberté de gestion des heures de présence). Grâce aux outils numériques, le monde du travail est désormais beaucoup plus flexible. Les travailleurs qui réussissent à faire du numérique un allié pour profiter de cette flexibilité sont ainsi plus libres des moyens qu’ils emploient pour atteindre leurs objectifs. La culture internet bouscule les anciennes hiérarchies, basées sur le statut, en mettant en avant les compétences, étayées par des preuves et des résultats[7]. Cette manière de penser a encore du mal à être mise en application par ceux qui tiennent les rênes du pouvoir, menacés dans leur position au sommet de la pyramide.

Diverses collectivités craignent parfois qu'internet ne soit un vecteur de subversion auprès des populations dont ils ont la responsabilité. Par exemple, en 2012, une municipalité indienne a interdit l'usage des smartphones aux femmes ![8]

Fracture éducative[modifier]

Au-delà des moyens techniques, politiques ou économiques qui éloignent certaines populations de la révolution numérique, une éducation inappropriée condamne beaucoup d'internautes à une intégration restreinte à l'écosystème informationnel du réseau.

Les utilisateurs voient souvent l'utilisation de l'outil informatique comme un obstacle purement technique. Il n'est donc pas rare d'entendre « j'ai fait un cours Word donc je suis à l'aise avec l'informatique ». N’est-ce pas faire preuve d’un manque de vision plus large de l’informatique ? Un réseau d’ordinateurs connectés constituant un réel écosystème, avec non seulement des outils, mais aussi des codes culturels, des normes et des valeurs qui forment un tout en perpétuelle évolution.

Ainsi, une large frange des internautes, même ceux qui en font un usage quotidien, se cantonne à des usages proches d'un média tel que le téléphone, la poste, la radio ou la télévision : ils ne produisent pas, n'interagissent pas avec des communautés ou utilisent leur messagerie électronique pour échanger des fichiers bien trop volumineux...

Même parmi les communautés de spécialistes de l'outil informatique, de nombreux individus ont des comportements inadaptés. Par exemple, certains concepteurs web vendent à leurs clients des sites qui limitent, voire empêchent l'analyse du site par les moteurs de recherche, souvent via l'usage de la technologie Flash de l'éditeur Macromedia. Un site entièrement géré par cette technologie n'est pas, à proprement parler, un site web car la notion de pages n'existe plus : on est dans une application. Par exemple, il peut devenir impossible d'indiquer l'emplacement d'une ressource interne au travers d'un simple lien hypertexte. Il faut alors indiquer à ses correspondants le chemin à parcourir dans l'application pour aboutir à ladite ressource : « Rendez-vous sur la page d'accueil, puis cliquer sur tel lien, ensuite sur tel autre, enfin entrez tels mots dans le formulaire et validez ». C'est non seulement fastidieux, mais cela va également à l'encontre des principes fondateurs d'accessibilité des ressources publiées.

Fracture générationnelle[modifier]

« Ma chérie, dit un père à sa fille de 12 ans, j'ai acheté un logiciel qui filtre les contenus interdits aux mineurs, pour que tu arrêtes de visiter ces sites qui ne sont pas de ton âge. Tu peux m'aider à l'installer s'il te plaît ? »

Vous avez, vous aussi, vécu le choc entre ceux pour qui internet est naturel, et ceux qui ne se sentent pas à l'aise devant un écran, qui doivent se concentrer pour ne pas faire d'erreurs, qui paniquent dès qu'une fonction change, qui ne connaissent pas les raccourcis, etc.

C'est le principe de fracture entre migrants du numérique et les digital natives. Bien au-delà des questions de manipulation technique, il y a un certain choc intergénérationnel dans la manière de voir le monde, nos croyances et nos pratiques. Heureusement, de nombreuses initiatives permettent de réduire ces fractures. Par exemple, en France, Albertine Meunier organise des ateliers internet avec des femmes de plus de 77 ans : l'opération un thé avec Albertine. Elle filme ces grands-mamans en train de boire le thé en décrivant de manière précise et relax des concepts ardus comme qu'est-ce qu'un hacker ? Avec ses vidéos sur le web[9], elle a réussi à motiver un nombre incalculable de seniors de se mettre à l'informatique. Ils apportent ainsi aux jeunes générations leur expérience de vie, pour rester critique face aux médias, affiner leur orthographe, découvrir d'autres cultures, etc.

Et la fracture émotionnelle ?

A toutes ces fractures s'ajoute la fracture émotionnelle : ça fait parfois mal, en effet, de se faire planter par ... son ordinateur, ou le réseau. Surtout pendant la rédaction d'un mail de trois kilomètres qu'on n'a pas sauvegardé. La vie numérique, c'est comme l'amour, on fait des erreurs de débutants, et puis on apprend ! Il n'empêche que cela peut en décourager plus d'un. Entre attraction et répulsion, nos cœurs balancent aussi face à la vie virtuelle. Avec internet, c'est parfois je t'aime moi non plus ...

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Notes et références[modifier]

  1. Leland Initiative: Africa Global Information Infrastructure Gateway Project, Jeff Bland, (1996).
  2. Rapport sur le développement humain 2014, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), (2014).
  3. Article « Censure d'internet en République populaire de Chine », Wikipedia. (Consulté le 22.07.14).
  4. Article « Internet in North Korea », Wikipedia. (Consulté le 22.07.14).
  5. En 2010, le gouvernement des États-Unis a condamné la publication de documents secrets sur la guerre en Afghanistan, affirmant que cela menaçait la sécurité de soldats américains engagés en Afghanistan. À cet effet, une enquête a été lancée par le Pentagone, afin de retrouver l'origine des informations. Le Pentagone a exigé que WikiLeaks lui remette immédiatement la totalité des 15 000 documents classés « secret défense » qui n'ont pas encore été divulgués et que ceux qui ont déjà été mis en ligne soient détruits. Voir l'article consacré à WikiLeaks sur Wikipedia.
  6. Voir aussi l'article Sagesse des foules, chapitre 6.
  7. Voir l'article Hiérarchie de statut et hiérarchie de compétences, chapitre 5.
  8. Women Banned from Using Mobile Phones in Indian Villages. Sarah Lakshmi, GlobalVoices online, (2012).
  9. www.hyperolds.com