Hiérarchie de statut, hiérarchie de compétences

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Révision datée du 3 octobre 2011 à 23:25 par Cyrilrelecture (discussion | contributions) (L'émergence de la nouvelle hiérarchie)

hiérarchie, strate, caste, stratification sociale, identités professionnelles.


La course aux diplômes ?

Pouvez-vous citer pour chacune des personnalités suivantes, le plus haut diplôme qu'elles ont obtenu : Richard Stallman, alias RMS, et Linus Torvalds, fondateur de Linux ? Nous non plus !

Linux est pourtant un nom célèbre, et les logiciels libres sont largement reconnus. Leurs fondateurs sont écoutés, cités, admirés, même sans CV. Mais vous, en revanche, avez probablement dû montrer patte blanche et fournir un CV lorsque vous avez postulé pour trouver du travail. Eux, ils ont lancé des projets parmi les plus ambitieux de l'informatique. Pour RMS, c'est le projet GNU et la licence phare des logiciels libre, nommée General Public License (GPL). Pour Torvalds, c'est le cœur du système d'exploitation Linux. Des exemples similaires, touchant des personnes généralement moins célèbres, abondent sur Internet.

Dans ce contexte l'origine ethnique, la couleur de peau, l'origine sociale, le niveau de revenus, ou tout facteur que l'on regroupera sous le terme de statut, importent peu.

Les travers du statut

Chefs, sous-chefs, assistant du chef, ascenseur social, autant d'expressions qui valorisent le statut. Quels sont les travers dans lesquels on tombe quasi-inévitablement dans une hiérarchie de statut ?

En premier lieu, c'est ainsi que l'on conforte des élites en les séparant du reste des citoyens. On maintient artificiellement des individus ou des groupes en place alors qu'il n'est pas forcément légitime qu'ils le restent. On forme des clubs, des castes qui fonctionnent ensuite en vase clos, se renvoyant la balle les uns aux autres. Le cercle ainsi formé peut se révéler vicieux car éviter le sang neuf permet souvent de déguiser une incompétence derrière des apparences de sérieux et de fiabilité.

Il est également courant de voir se former une barrière à l'entrée de certaines responsabilités. Il suffit de maintenir à l'écart ceux et celles qui auraient pu avoir voix au chapitre mais ne rentrent pas dans les cases, faute d'un statut approprié : trop jeune, trop vieux, pas de la haute, pas sorti de la bonne école, pas assez diplômé, trop diplômé, un passé obscur, des expériences trop atypiques...

L'émergence de la nouvelle hiérarchie

Dans des projets décentralisés et volontaires comme GNU, Linux, Wikipedia, Mozilla Firefox, Debian ou CreativeCommons, ce qui compte généralement, c'est la légitimité des participants. Cette légitimité s'évalue par la qualité et la quantité des contributions. Pas besoin d'être le plus intelligent du monde pour être légitime. Certains font effectivement des contributions de très haute qualité. D'autres sont simplement présents avec régularité, savent mettre en valeur les contributions de leurs pairs, faciliter la coopération, nettoyer et ranger les informations ; ils sont eux aussi des pierres essentiel à l'édifice commun.

En prenant la décision formelle de mettre en place une hiérarchie basée sur la légitimité, on enclenche un cercle vertueux : celui de la formation tout au long de la vie, de l'évaluation par les pairs, de la vision réflexive, sans tomber dans le nombrilisme. Il faut sans arrêt se remettre en question, demander aux autres (ses pairs) de nous évaluer, déterminer comment nous améliorer et mettre en œuvre des actions pour progresser.

Cette dynamique permettra également de mettre davantage en valeur les compétences, plutôt que les connaissances : une connaissance est statique alors que la légitimité qui s'appuie sur les compétences est très dynamique : ce que je sais faire à un moment donné doit ensuite être réactualisé pour rester au goût du jour. C'est d'autant plus important dans les domaines, et ils sont toujours plus nombreux, qui évoluent en permanence ; ceux où un spécialiste d'hier pourrait ne plus être la personne adéquate dans l'expertise que requiert la situation présente.

Au-delà de l'informatique, les professions émergentes

Le principe économique émergent de la société de l'information se résume en une ligne : au lieu de vendre l'exclusivité d'un produit, on vend le temps d'adaptation d'un produit (ou la formation pour savoir le faire ensuite). La réputation vient de moins en moins de l'image superficielle véhiculée par la publicité, et de plus en plus de la preuve que l'on peut donner de clients satisfaits. La dynamique de revenus au mérite ne s'applique pas qu'au monde logiciel. Au même titre que les licences libres ont démarré dans le logiciel et s'appliquent maintenant à la science, l'encyclopédie, l'art, la pédagogie, etc., le modèle économique du libre peut progressivement s'appliquer dans tous ces domaines. De nouvelles manières de recruter et donner du travail se développent. Notamment les réseaux de consultants et formateurs en gestion de la complexité, facilitateurs, transitionneurs, community managers, social marketeurs, vulgarisateurs.

Ils travaillent souvent à distance, au résultat, en reliant les personnes pour leur permettre de mieux coopérer entre elles. Et ceux qui réussissent le mieux sont ceux qui maitrisent bien la culture numérique. Internet est un excellent terrain pour mettre en œuvre une hiérarchie de compétences car les relations électroniques nous privent de repères sociaux qui influencent souvent notre opinion des autres (grand/petit, jeune/vieux, femme/homme, bien habillé/débraillé, assuré/hésitant, bègue/éloquent...). C'est ainsi que des petits jeunes, parfois autodidactes, occupent des responsabilités importantes dans des projets informatiques sur Internet, alors qu'ils n'auraient jamais eu leur chance pour un poste équivalent, avec leur CV ou lors d'un entretien d'embauche. Dans une organisation fonctionnant sur une hiérarchie de compétences, ce qui compte est la manière dont les individus contribuent au projet : par leurs compétences et leurs apports réguliers. On parle aussi de méritocratie, système de reconnaissance du mérite de chacun.

En guise de conclusion, nous pourrions lancer le pari suivant : pour le prochain projet dans lequel nous nous engagerons, nous essaierons d'infléchir les critères d'évaluation des participants (ou candidats) en tenant compte davantage des compétences actuelles et reconnues qu'ils manifesteront, tout en laissant de côté les critères convenus et souvent dépassés relatifs au statut. Allez, on le tente ?

Note et références


Annexes

Liens externes