L'économie du don

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Révision datée du 23 novembre 2012 à 19:26 par Pryska ducoeurjoly (discussion | contributions) (La valeur du bénévolat)

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"Economie du don", cela ressemble à un oxymore... Comment le don pourrait-il générer un économie, dans la mesure où il est par essence un acte "gratuit"? C'est oublier que la notion de richesse est loin de se limiter aux seuls aspects monétaires!

"Le développement générique de la richesse financière sur la planète, et de ses abus, ont conduit les décideurs à ne prendre en compte que la dimension économique de l’activité humaine et sa monétarisation, ce que l’Inde traditionnelle désigne comme le règne de la caste des commerçants. En ignorant les activités non monétaires, ils ont omis une part essentielle de la richesse produite par les êtres humains, les connaissances. Les activités qui ne se transforment pas en monnaies comptables sont multiples, créatrices, insaisissables et particulièrement révolutionnaires nous disent Heidi et Alvin Toffler". C'est en ces termes que Remi Boyer, chroniqueur sur www.lafauteadiderot.net, résume l'un des aspects développés dans La richesse révolutionnaire [1], un des livres du couple Toffler, fruit de vingt ans de travail et de réflexion.

"Face à cette mutation, à ce saut sociétal, les gouvernements s’avèrent pauvres, intellectuellement et stratégiquement, peu visionnaires, peu créatifs. L’actualité de la crise est une démonstration éclatante de leurs faiblesses. C’est donc du terrain, et notamment du terrain virtuel, grand agitateur d’intelligences et de connaissances, que peuvent apparaître de nouvelles lignes révolutionnaires au milieu des nouvelles tectoniques géopolotiques. Heidi et Alvin Toffler proposent le concept d’économie « prosommatrice » caractérisée par cette activité ni rémunérée ni quantifiée, non altruiste cependant, mais génératrice de tous les changements. La richesse révolutionnaire se traduit aujourd’hui par un magma peu lisible, envahissant, angoissant parfois, dans lequel les solutions pour une autre humanité, qui « briserait le noyau de la pauvreté » ne sont qu’esquissées. Heidi et Alvin Toffler avertissent : « Ce qui a bien marché, ne marchera pas. ». L’humanité qui vient, serait donc une humanité d’inventeurs, de poètes, et notamment de poètes technologiques, ou ne serait pas ?"

La valeur du bénévolat

L'économie du don est documentée sur Wikipédia comme une activité économique générée par le bénévolat.

"Le "Réseau d'échanges réciproques de savoirs" et le "système d'échanges locaux" (SEL) s'inscrivent dans la culture du don et du contre don. Ils ont donc à la fois un rôle de diffuseurs de biens ou de services économiques et agents de développement du lien social.

"Une partie des militants des mouvements décroissants s'inscrivent aussi dans un système d'échange fondé sur le don et non sur la valeur monétaire des biens.

"Durant la crise économique de l'Argentine de 1988 à 2001, les cercles d'échange (système d'échange local) se sont multipliés dans tout le pays pour faire face au chômage et permettre des échanges économiques sans monnaie. Le Red Argentina de Trueque centralisait l'ensemble des cercles du pays, il a fini par créer une monnaie parallèle au peso en 2001.

"Le détenteur d'un savoir ou d'une information ne la perd pas quand il la partage avec autrui (bien non-rival), et le coût de la transmission est bas, voire négligeable. Cela rend ce type de biens particulièrement apte aux dons. De plus, la valeur d'une information est difficile à faire mesurer par autrui sans la lui donner, ce qui la rend peu apte au troc et aux échanges.

"La recherche scientifique fonctionne comme une économie de don. Les scientifiques publient leurs recherches sans attendre explicitement d'autres résultats scientifiques en échange. Néanmoins cela augmente leur réputation ; utiliser les résultats publiés par un autre chercheur sans le citer, ou pire encore se les attribuer soi-même, (le privant ainsi de son bénéfice en termes de réputation) sont des comportements honnis.

"La communauté du logiciel libre fonctionne sur un mode similaire.

"Fonctionnent également de même les échanges, ou plutôt la mise à disposition, de programmes informatiques, de vidéos, ou de morceaux de musique via internet (partage de fichiers en pair à pair) ou directement d'appareil à appareil entre amis, soulevant au passage une polémique sur le mépris à l'égard de la propriété intellectuelle lorsque le matériel échangé n'est pas libre de droits.

L'éthique médicale postule que le corps humain ne peut être une marchandise comme une autre. En Europe les banques du sang et autres banques d'organes humains fonctionnent grâce au don. Les donateurs ne reçoivent aucune garantie de réciprocité. Les paiements sont suspects, et même souvent interdits par la loi. (mères porteuses) Le développement des recherches bio-médicales notamment sur les cellules souches le clonage peuvent mettre à mal ce postulat du don".

Libre n'est pas gratuit

Songez à un guide pratique pour démarrer un projet, un film documentaire, un livre de recettes, voire simplement un mode d'emploi pour économiser de l'énergie, tous trouvés sur Internet. Les informations que vous y découvrez, quels que soient le sujet et le support, vous semblent particulièrement dignes d'intérêt. Aussi l'idée vous vient-elle de les copier afin de les distribuer à vos amis. Est-ce légal ? Si les supports concernés sont placés sous une licence dite « libre », oui. Vous pouvez d'ailleurs faire un don à l'auteur pour l'encourager à poursuivre son travail. Car libre n'est pas gratuit. L'auteur d'une œuvre sous licence libre peut vendre son œuvre et vendre du service autour de l'œuvre : adaptation, mise à jour, déclinaison...

Libre, c'est la liberté d'accéder à une œuvre de l'utiliser, de la modifier et de la redistribuer.

La modifier ? En ajoutant spontanément, par exemple dans le cas d'un documentaire vidéo, sa traduction dans la langue de votre pays. Cette intervention est techniquement et légalement possible, pour autant que la licence le permette. Sur un plan financier, la culture du don est aussi rémunératrice que la culture de l'usage exclusif. Nous avions pourtant l'habitude de penser qu'il fallait protéger les œuvres des risques de « piratage ». Or nos idées sont inspirées par d'autres, invariablement. On ne crée presque jamais à partir de rien.

Plus important : vouloir brider la diffusion d'une œuvre rend les utilisateurs esclaves d'un système de licences qui sert seulement les intérêts d'une minorité de producteurs. Car si l'œuvre documentaire est réalisée à compte d'auteur, ce dernier a tout intérêt à la placer sous licence libre, afin de lui assurer l'audience la plus large possible, via l'Internet. L'économie du don permet d'améliorer sa notoriété, qui génère par la suite un retour sur investissement. Il n'est pas interdit, à celui qui donne, de demander aux internautes de verser une contribution pour soutenir son travail. C'est ainsi que la fondation Wikimedia, qui gère Wikipédia, récolte plusieurs dizaines de millions de dollars par an. Et elle n'est pas la seule. De nombreux artistes choisissent ce modèle. Ils cassent ainsi la spirale négative des esclaves et des pirates et amorcent la spirale positive du partage de la connaissance.

Un air de déjà vu

Un bref retour en arrière s'impose. Au début du xixe siècle, quelques puissantes familles se partageaient les terres disponibles. Le commerce d'esclaves prospérait. Chacun acceptait cet état de fait, convaincu qu'il n'existait pas de système alternatif. Seule une minorité s'est élevée contre l'esclavage : composée de « pirates » et de citoyens militants, elle a rappelé que l'esclavage n'était pas une fatalité, qu'il était possible de faire autrement, de permettre à tous de bénéficier des mêmes chances. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789[2] avait certes déjà été promulguée, mais son application restait balbutiante.

Aujourd'hui les ségrégations ont changé de terrain. L'époque, comme au temps des colonies, continue de mettre en scène esclaves, pirates et hommes libres. Mais c'est désormais dans le domaine de la connaissance que les pouvoirs se font et se défont. Ceux qui encouragent de façon délibérée ou involontaire la culture d'esclaves et de pirates associent leur intérêt personnel au contrôle des flux d'information. C'est pourquoi ils s'agrippent si farouchement aux rênes des nouveaux outils producteurs de connaissance. Certains ont qualifié de libérale-communiste cette volonté de contrôle et d'exclusivité, exercée par de grandes entreprises et leurs fondateurs tels Microsoft (Bill Gates), Apple (Steve Jobs), Oracle (Larry Ellison), Amazon, Yahoo! et bien entendu Google. C'est là que sont concentrés les pôles de pouvoir de l'ère numérique.

Commerce ou don de données ?

Les géants du numérique tendent à étouffer leurs concurrents, à favoriser la surveillance de leurs utilisateurs et donc à œuvrer pour que le partage de l'information reste interdit. Demandez à Google, qui fournit ses services « gratuitement », de vous procurer la liste de toutes les données recueillies à votre sujet[3] : vos habitudes de consommation, vos mots-clés de recherches… On vous répondra en invoquant le secret professionnel. C'est le principe des fiches secrètes qui ne servent que les intérêts de l'entreprise concernée. Dans un seul but : les revendre à d'autres entreprises dans le cadre de campagnes publicitaires ciblées, pour vous inciter à consommer toujours plus.

Ces techniques « commerciales » ont largement contribué à l'extraordinaire puissance des fondateurs de ces nouvelles oligarchies. Ce sont eux qui dirigent aujourd'hui l'économie et influencent certaines orientations politiques. Les mêmes multimilliardaires lancent aussi parfois des fondations caritatives dont le fonctionnement – dans le cas de celle de Bill & Melinda Gates, par exemple – révèle de surprenantes contradictions . Selon une étude du Los Angeles Times, « 41 % des actifs (de la Fondation Gates, hors titres d'État américains ou étrangers) concernent des entreprises dont l'action contrarie ses objectifs philanthropiques ou ses préoccupations sociales »[4].

Mais dans cet univers numérique d'apparence impitoyable, certaines communautés résistent à la tendance dominante . Elles font ainsi écho à l'action émancipatrice des pionniers qui luttèrent contre l'esclavage et l'exploitation de la majorité par une minorité. Elles militent en faveur d'un monde numérisé globalisé et citoyen, sans pirate, ni esclave. Elles s'appuient sur le principe d'équité des chances cher aux fondateurs du Net et du Web, au sein d'un cyberespace indépendant.

Ces communautés dynamiques s'appuient essentiellement sur la neutralité des réseaux et le succès objectif des mouvements dédiés à la culture libre tels que GNU, la GPL (General Public License), Debian, Firefox, LibreOffice ou Wikipédia, pour ne citer qu'eux. Elles défendent l'idée d'un savoir partagé par tous et la génération de revenus grâce à la vente de services, non de telle ou telle exclusivité. Face aux tendances privatrices, elles proposent des alternatives fiables dans tous les secteurs : encyclopédies, vente de livres (Amazon versus Publie.net), vente de produits, hébergement de profils (Facebook versus Diaspora), moteurs de recherche (Google versus Scroogle), etc. Elles disent non aux drogues qui rendent dépendant.

La tendance privatrice et libérale-communiste s'explique par le caractère inédit de la situation dans laquelle se trouve l'Humanité . Les pratiques commerciales à court terme commencent à être documentées. Cela aidera à prendre conscience de l'ampleur des inégalités ainsi générées et à mieux défendre, par la suite, l'équité et la justice sociale de la société de l'information. La minorité active qui dénonce aujourd'hui la spirale négative des esclaves et pirates se réclame du bien commun pour encourager l'émergence de pratiques durables, honnêtes, loyales. À long terme, elle ne peut qu'obtenir gain de cause. La position des libéraux-communistes qui se partagent actuellement le gâteau et jugent normales la privatisation et l'accumulation des richesses est-elle durable? Le génie qui leur a permis d'occuper une position dominante réside désormais essentiellement dans leur capacité à convaincre les investisseurs de leur donner les moyens de continuer à imposer leur pouvoir, là où ils l'exercent.

Chaque année, ils perdent un peu plus de terrain au profit d'une culture participative fondée sur une meilleure répartition des responsabilités et des bénéfices. La culture du partage et du don, cette spirale positive, émerge lentement, difficilement, mais en profondeur. Libératrice, elle permettra à tous les internautes d'apprendre à pêcher. Elle aide déjà à conquérir son autonomie, plutôt qu'à rester dépendant des multinationales de l'entertainment et de l'informatique. Elle octroie la liberté de choix.

Compléments

Le Saviez-vous ?

Leader du secteur informatique des années 40 à nos jours, IBM a su prendre le virage du libre dès la décennie 90 et s'en fait aujourd'hui l'un des meilleurs promoteurs : ses revenus ne sont plus basés sur la vente d'un monopole mais bien sur un temps d'accompagnement permettant que des entreprises de toute taille adoptent des systèmes informatiques cohérents, répondant à leurs besoins. La multinationale s'est ainsi réorientée vers le conseil, de préférence à la vente de matériel. A ce titre, IBM reste une entreprise pionnière dans la gouvernance informatique. Elle a notamment investi des centaines de millions de dollars dans la promotion du système d'exploitation Linux.

Notes et références

Annexes