La rupture technologique

De Wiki livre Netizenship

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Au cours de ses milliards d'années d'existence, la planète Terre a connu de grands bouleversements. La disparition des dinosaures reste un exemple marquant de ces ruptures dites biologiques. Conséquence d'un événement aussi soudain que décisif, cette disparition a été le prélude à une nouvelle ère : une nouvelle donne du vivant.

Ces bouleversements d'ordre biologique ont un écho dans le domaine technologique ; on parle alors de ruptures technologiques. Elles interviennent souvent à la suite d'une innovation radicale. On assiste à un rééquilibrage des pôles de pouvoir, à un changement paradigmatique. Une véritable rupture s'impose d'elle-même. Ce fut le cas de la roue, de l’imprimerie, de la radio, de la télévision. Parmi les ruptures récentes, on citera le passage de la télévision à l'ordinateur personnel (PC), du téléphone au smartphone, du logiciel qu'on installe sur son ordinateur aux outils 100% en ligne sur le web (aussi appelé « nuage », en anglais : cloud computing).

Le numérique constitue une rupture technologique majeure, sans doute aussi importante que la découverte du feu ou de l’agriculture ! Un postulat que nous osons émettre ici...

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C'est l'usage qui génère la rupture

Le terme de « technologie de rupture » (Disruptive technology en anglais) fut introduit et argumenté par Clayton M. Christensen dans son livre The Innovator's Dilemma, publié en 1997. Dans la suite de son ouvrage, intitulé The Innovator's Solution, Christensen utilise le terme plus générique d’innovation de rupture parce qu’il reconnaît que peu de technologies peuvent être effectivement dites de rupture ou de continuité. C’est au contraire leur usage effectif qui peut avoir un effet de rupture.

« L'innovation de rupture consiste en un changement de concept pour les clients. En général elle apporte des bénéfices radicalement supérieurs à un coût radicalement inférieur. » Ce processus crée de nouvelles habitudes de consommation et d’usage, et de ce fait, bouleverse ou révolutionne un marché existant. Il aboutit à la création d’un nouveau marché radicalement différent et fait de son initiateur la référence à suivre. L’exemple le plus connu est l’Iphone : il a bouleversé le marché du téléphone portable en changeant l’usage qui en est fait. Il est devenu la référence que les concurrents sont obligés d’imiter. « Cette innovation n’est pas obligatoirement technologique. On peut innover de manière disruptive en utilisant des technologies déjà existantes. Pour reprendre l’exemple de l’Iphone, lorsqu’il fut lancé sur le marché, aucune des technologies utilisées n’était nouvelle ». Source : Benoît Sarazin, consultant spécialisé dans l'innovation de rupture.[1]


Que nous réserve le numérique ?[2]

Le scientifique Albert Jacquard aime à rappeler qu'« il faut se résoudre à l'idée que nous sommes assignés à résidence sur la Terre ». Pour le siècle à venir, l'idée de déménager l'humanité sur une autre planète n'est plus réaliste. Nous avons donc tout intérêt à préserver l'environnement de la biosphère. Et aussi celui de la noosphère, pourrait-on ajouter ; car les idées sont plus vivantes si l’environnement est fécond, créatif, fertile, ouvert à la différence.

En verrouillant l'accès à l'information, on crée un environnement défavorable à l'esprit critique, mais également à l'innovation. C'est le cas de Google, qui centralise tous les services, alors que Facebook a permis aux utilisateurs d'ajouter des services à son propre réseau social. C'est là une petite rupture socio-technologique suffisante pour remettre en question la position dominante de Google. Mais il n'est pas dit que ces deux sociétés survivent aux prochaines ruptures technologiques (c’est une question que nous nous posons en 2012...)

Après le web 2.0, on évoque déjà de web 3.0. Ce web 3.0 n'est pas vraiment défini. En fait, l'expression même est sujette à caution. On la retiendra tout de même car elle permet de désigner sous un terme générique ce que sera la prochaine étape de développement du web.

« Les deux thèses dominantes sont de considérer le web 3.0 comme l'Internet des objets qui émerge depuis 2008; l'autre thèse dominante est d'en faire le web sémantique. » (Wikipédia)

L'Internet des objets représente l'extension d'Internet à des choses et à des lieux dans le monde physique. Alors qu'Internet ne se prolonge habituellement pas au-delà du monde électronique, l'Internet des objets (IdO) a pour but de l'étendre au monde réel en associant des étiquettes munies de codes, de puces RFID ou d'URLs aux objets ou aux lieux. Ces étiquettes pourront être lues par des dispositifs mobiles sans fil, ce qui devrait favoriser l’émergence de la réalité augmentée.

Ce concept de réalité augmentée fait référence à l'émergence d'environnements où les informations sur tout ce qui nous entoure augmentent notre perception de la réalité. Exemple : je marche dans une rue commerçante. Pour chaque magasin ou restaurant que je fréquente, je peux faire un commentaire à l'attention de mes amis et voir ce que mes amis en disent ; je contribue ainsi à faire ou défaire la réputation d'un commerce. Autre exemple : j'assiste à un grand concert, je peux savoir quels sont mes amis présents dans la salle.

Le Web sémantique, ou toile sémantique, est un mouvement collaboratif mené par le World Wide Web Consortium (W3C) qui favorise la compatibilité et l'interopérabilité entre les systèmes de gestion des données. Le Web sémantique vise à aider l'émergence de nouvelles connaissances en s'appuyant sur les connaissances déjà présentes sur Internet. Pour y parvenir, le Web sémantique met en œuvre le Web des données qui consiste à lier et structurer l'information sur Internet pour accéder simplement à la connaissance qu'elle contient déjà.

Comment s'adapter à cette forte évolutivité ?

La fréquence et l'ampleur des innovations dans le monde du numérique est telle que cela transforme l'humanité de manière encore plus radicale et plus rapide qu'auparavant. On peut même parler d'accélération technologique, ce qui la rend encore plus difficile à anticiper. C'est d'ailleurs une des spécificités marquantes du saut technologique de l'analogique au numérique, avec une succession d'innovations qui engendrent des évolutions d'usages à un rythme effréné et sur un plan planétaire.

Disposerons-nous de technologies qui permettront, comme l'envisage Bernard Werber dans son livre L'ultime secret, de retranscrire nos pensées – la pensécriture – ou d'une intelligence artificielle qui nous permettra de nous décharger de la conduite d'une voiture, qui traduira simultanément les conversations ? Il convient de rester attentif aux intérêts qui serviront alors les leaders de ces technologies de rupture. Les technologies peuvent jouer un rôle positif pour le développement humain, elles peuvent servir le bien commun. Cela dépend des produits que nous soutenons à chaque rupture technologique.

Il n'est d'ailleurs pas interdit d'imaginer la création d'un indicateur du degré de libération des technologies. Il servirait à vérifier si elles sont ou non au service des biens communs de l’humanité. Certains y travaillent déjà de manière informelle, en débattant des nouveautés technologiques sous l'angle citoyen dans des communautés telles que Linuxfr.org ou Slashdot.org.

A défaut de pouvoir prédire l'évolution du numérique, il est plus judicieux d'apprendre à connaître les propriétés intrinsèques des outils apportés par cette révolution technologique. Trouver le fil rouge pour mieux nous adapter, c'est ce que nous vous proposons dans l'article consacré aux cinq propriétés du numérique : « Eau, air, terre, feu, numérique : sacrées propriétés ».

Les entreprises face aux changements

Selon une étude menée par l'institut de recherche Economist Intelligence Unit en 2012[3], les dirigeants d'entreprises prévoient des transformations radicales engendrées par la technologie dans leur secteur d'activité.

Pour ces dirigeants, d'ici à 2020, les entreprises vont connaître trois grandes évolutions. La première a trait aux clients, qui vont jouer un rôle de plus en plus important dans l’élaboration de nouvelles idées de produits ou de services. La deuxième concerne la structure même des entreprises : celles-ci vont passer à des structures décentralisées et privilégier les environnements de travail virtuels. Enfin, ils prévoient que la plupart des secteurs dans lesquels ils sont présents connaîtront de profonds changements d'ici à 2020, et auront peu en commun avec ce qu'ils sont aujourd'hui.

Notes et références

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