Les deux grands modèles économiques : Différence entre versions

De Wiki livre Netizenship
(Wikinomie : vers un nouveau modèle pour l'entreprise ?)
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''modèle, économie, loi de Moore, CREQ, wikinomie, économie collaborative, transition, société de l'information.''
 
''modèle, économie, loi de Moore, CREQ, wikinomie, économie collaborative, transition, société de l'information.''
 
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== Wikinomie : vers un nouveau modèle pour l'entreprise ? ==
 
  
Il y a un avant et après Internet.  
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Cette rupture technologique, en permettant une réduction drastique des coûts de distribution de l'information, bouleverse l'ordre économique établi.
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==Wikinomie : vers un nouveau modèle pour entreprendre ?==
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Il y a un avant et après Internet. Cette rupture technologique, en permettant une réduction drastique des coûts de production et de distribution de l'information, bouleverse l'ordre économique établi.
  
 
Avant le numérique, on ne pouvait pas copier et distribuer à un coût marginal, les consommateurs ne pouvaient pas agir et influer sur l'innovation des produits mis à leur disposition. La protection des informations, par la propriété intellectuelle, était facile à maintenir, et même légitime pour protéger un travail ou un investissement coûteux.
 
Avant le numérique, on ne pouvait pas copier et distribuer à un coût marginal, les consommateurs ne pouvaient pas agir et influer sur l'innovation des produits mis à leur disposition. La protection des informations, par la propriété intellectuelle, était facile à maintenir, et même légitime pour protéger un travail ou un investissement coûteux.
  
 
La donne change avec les propriétés du numérique:
 
La donne change avec les propriétés du numérique:
*instantanéité (transfert d'informations quasiment immédiat) ;
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* instantanéité (transfert d'informations quasiment immédiat) ;
*décentralisation (pas d'instance pivot) ;
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* décentralisation (pas d'instance pivot) ;
*asynchronicité (chacun agit à son rythme) ;
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* asynchronicité (chacun agit à son rythme) ;
*multilatéralité (échanges de plusieurs à plusieurs) ;
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* multilatéralité (échanges de plusieurs à plusieurs) ;
*symétrie (tout le monde est au même niveau).
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* symétrie (tout le monde est au même niveau).
Dans ce nouveau paradigme : celui ne partage pas l'information peut s'avérer perdant ! Sa visibilité se dissout dans l'abondance des informations en libre ciculation.
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Dans ce nouveau paradigme : celui ne partage pas l'information peut s'avérer perdant ! Sa visibilité se dissout dans l'abondance des informations en libre circulation.
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''"Dans vingt ans, nous considérerons ce début du XXIe siècle comme un tournant de l'histoire économique et sociale. Nous comprendrons que nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui a des principes, des conceptions du monde et des modèles d'affaires nouveaux, et dont les règles du jeu ont changé"'', Wikinomics, Don Tapscott et Anthony D. Williams <ref>2006, Edition Portfolio, traduit en français chez Pearson 2007</ref>
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Bienvenue dans la ''wikinomie''! Cette « économie de la collaboration entre groupes humains » repose sur une collaboration massive et un usage intensif des technologies numériques libre et open source comme les Wiki.
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Ce nouveau modèle économique s'imposerait peu à peu sur le modèle traditionnel:
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''«Il a souvent été dit que pour innover, se distinguer et tenir son rang, l’entreprise doit mettre en œuvre les bonnes pratiques : disposer d'un capital humain de qualité, protéger bec et ongles sa propriété intellectuelle, privilégier le client, penser globalement mais agir localement et enfin savoir mener à bien ses projets (grâce à la qualité des contrôles et de la direction). Or les mutations en cours rendent ces critères insuffisants et parfois complètement inadaptés»'', écrivent les auteurs de ''Wikinomics'', s'appuyant sur les travaux de recherche de l'équipe de New Paradigme, société d'études spécialisée dans les nouvelles technologies, qui a mené de très nombreuses enquêtes multiclients pour comprendre comment le web change l'entreprise.
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La wikinomie s'appuie sur quatre idées phares : ouverture, travail collaboratif, partage et action à l'échelle de la planète. ''"La nouvelle entreprise co-innove avec tout le monde (en particulier avec ses clients), partage les ressources qu'autrefois elle gardait jalousement, exploite la puissance de la collaboration de masse et ne se comporte pas comme une multinationale mais comme une entité véritablement planétaire"''.
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==La culture privatrice domine dans le showbiz==
  
"Dans vingt ans, nous considérerons ce début du XXIe siècle comme un tournant de l'histoire économique et sociale. Nous comprendrons que nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui a des principes, des conceptions du monde et des modèles d'affaires nouveaux, et dont les règles du jeu ont changé", ''Wikinomics'', Don Tapscott et Anthony D. Williams <ref>2006, Edition Portfolio, traduit en français chez Pearson 2007</ref>.
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Dans l'industrie du show-business, les auteurs cèdent leurs droits à des producteurs et/ou éditeurs, qui les monnayent auprès des distributeurs. Vous avez déjà vu ces chiffres impressionnants : un milliard de recettes pour le dernier film hollywoodien qui vient de sortir, deux cents euros la place pour assister au concert de la superstar qui fait sa réapparition après sa cure de désintox'. Là, interdit de copier, c'est du vol ! La publicité le dit bien au début des DVD : vous n'iriez pas braquer une banque, alors pourquoi copier un DVD ?
  
Bienvenue dans la ''wikinomie''!  Cette « économie de la collaboration entre groupes humains » repose sur une collaboration massive et un usage intensif des technologies numériques libre et open source comme les Wiki.
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Le showbiz concentre intérêts privés d'un petit groupe de producteurs et d'actionnaires. C'est l'ancien modèle, encore dominant, qui sert les intérêts de majors, une poignée de grands groupes dont les bénéfices reposent sur les contrats d’exclusivité. Leur mode de fonctionnement : faire signer aux artistes un contrat en promettant le jackpot pour ceux dont les oeuvres seront les plus commercialisées dans les canaux de distribution souvent possédés par ces mêmes majors.
  
Ce nouveau modèle économique s'imposerait peu à peu sur le modèle traditionnel: <br>
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L'exclusivité, qui prive l'auteur de la possibilité de faire jouer une saine concurrence en utilisant plusieurs moyens de diffusions, c'est l'ancien modèle du commerce du spectacle divertissant, attirant, mais dont les limites artificielles imposées par les producteurs/éditeurs entrent en collision avec les possibilités du numérique.
«Il a souvent été dit que pour innover, se distinguer et tenir son rang, l’entreprise doit mettre en œuvre les bonnes pratiques : disposer d'un capital humain de qualité, protéger bec et ongles sa propriété intellectuelle, privilégier le client, penser globalement mais agir localement et enfin savoir mener à bien ses projets (grâce à la qualité des contrôles et de la direction). Or les mutations en cours rendent ces critères insuffisants et parfois complètement inadaptés», écrivent les auteurs de ''Wikinomics'', s'appuyant sur les travaux de recherche de l'équipe de New Paradigme, société d'études spécialisée dans les nouvelles technologies, qui a mené de très nombreuses enquêtes multiclients pour comprendre comment le web change l'entreprise.
 
  
La wikinomie s'appuie sur quatre idées phares : ouverture, travail collaboratif, partage et action à l'échelle de la planète. "La nouvelle entreprise co-innove avec tout le monde (en particulier avec ses clients), partage les ressources qu'autrefois elle gardait jalousement, exploite la puissance de la collaboration de masse et ne se comporte pas comme une multinationale mais comme une entité véritablement planétaire".
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Car les propriétés du numérique ont permis l'émergence d'une culture du libre partage basée sur un autre type de contrat, d'autres termes pour régir l'usage des oeuvres. C'est l'approche dite de la culture Libre. Elle est aux antipodes du modèle de cession exclusive des droits, qui prive les auteurs de la possibilité de diversifier les modes de production et de diffusion, d'innover et de confronter à tout moment.
  
== La culture privatrice domine dans le showbiz  ==
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Ces nouveaux termes sont encore peu connus, bien que pratiqués depuis les années 90. On les appelle les licences libres, ou opensource. Elles s'appliquent à toute création, y compris des modes d'emploi dans la gestion d'entreprises. Et commence à emporter une large adhésion, notamment à travers les licences dites "creativecommons" utilisées sur wikipedia et par des millions de créatifs dans tous les domaines.
  
Dans l'industrie du ''show-business'', les auteurs cèdent leurs droits à des producteurs et/ou éditeurs, qui les monnayent auprès des distributeurs. Vous avez déjà vu ces chiffres impressionnants&nbsp;: un milliard de recettes pour le dernier film hollywoodien qui vient de sortir, deux cents euros la place pour assister au concert de la superstar qui fait sa réapparition après sa cure de désintox'. Là, interdit de copier, c'est du vol&nbsp;! La publicité le dit bien au début des DVD&nbsp;: vous n'iriez pas braquer une banque, alors pourquoi copier un DVD&nbsp;?
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Car avec Internet, le modèle privateur s'errode. Notamment parce que les limites entre producteurs et consommateurs s’estompent, chacuns pouvant désormais assurer les deux rôles.
  
Le showbiz concentre intérêts privés d'un petit groupe de producteurs et d'actionnaires. C'est l'ancien modèle, encore dominant, du commerce du spectacle divertissant, attirant, et servant les intérêts de ce que l'on surnomme des ''majors'', une poignée de grands groupes qui se disent victimes de ceux qu'ils traitent de ''pirates'', les copieurs, pour les réprouver. Mais les outils du numérique imposent un autre code, celui de la ''culture Libre'' où les internautes se sentent de plus en plus autorisés à endosser le costume du copieur.
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Les artistes eux-mêmes sont de moins en moins satisfaits. Combien d’artistes se plaignent de maisons d'édition, qui les tiennent en otage, soit en ne leur versant pas les droits, soit en les empêchant de distribuer leurs œuvres? Une fois dans le système, ils ne peuvent même plus choisir de donner des créations (une chanson, un film ou une illustration) dont ils sont pourtant les auteurs afin de soutenir un événement ou une cause.  
  
Avec Internet, le modèle «&nbsp;privateur&nbsp;» s'érode. Les artistes eux-mêmes sont de moins en moins satisfaits&nbsp;; ils réalisent qu'ils sont pris au piège par leurs maisons de production. Combien d'écrivains se plaignent de leurs maisons d'édition, qui les tiennent en otage, soit en ne leur versant pas toujours les droits d'auteur, soit en les empêchant de distribuer leurs œuvres? Une fois dans ''le système'', ils ne peuvent même plus choisir de ''donner'' des créations (une chanson, un film ou une illustration) dont ils sont pourtant les auteurs afin de soutenir un événement ou une cause. Leurs maisons de production (ou d'édition) sont les seules autorisées à diffuser leurs créations, selon les termes qu'elles ont choisis, les contrats comportant généralement des clauses d'exclusivité.
 
  
== Libre versus privateur ==
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==Libre versus privateur==
  
Le schéma suivant décrit les deux tendances. Dans les faits, la frontière qui les sépare est floue, car nous sommes en phase de transition globale. Le modèle du Libre est déjà largement défini et documenté, mais il reste compris uniquement par une minorité. Une fois qu'il est compris, rare sont ceux qui reviennent en arrière.
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Le schéma suivant décrit les deux tendances. Dans les faits, la frontière qui les sépare est floue, car nous sommes en phase de transition globale. Le modèle du Libre est déjà largement défini et documenté, mais il reste compris uniquement par une minorité. Une fois qu'il est compris, rare sont ceux qui reviennent en arrière.
  
 
{| class="wikitable" style="background-color:#DBDEDD"
 
{| class="wikitable" style="background-color:#DBDEDD"
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* ouverture de l'information (abondance).
 
* ouverture de l'information (abondance).
 
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== Les deux familles de licences ==
 
== Les deux familles de licences ==
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| Approche affirmée, les termes et licences les plus reconnus dans cette famille  
 
| Approche affirmée, les termes et licences les plus reconnus dans cette famille  
| GPL, GFDL, ArtLibre, CC BY-SA, autres (Cf. FSF<ref>[http://www.gnu.org/licenses/license-list.fr.html Liste de licences libres]</ref> ou OSI<ref>[http://www.opensource.org/licenses/ Liste de licences reconnues par l'Open Source Initiative (en anglais)]</ref>)
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| GPL, GFDL, ArtLibre, CreativeCommons BY-ShareAlike (alias CC-BY-SA), autres (Cf. FSF<ref>[http://www.gnu.org/licenses/license-list.fr.html Liste de licences libres]</ref> ou OSI<ref>[http://www.opensource.org/licenses/ Liste de licences reconnues par l'Open Source Initiative (en anglais)]</ref>), domaine public
 
| Tous droits réservés, avertissement que les copieurs seront poursuivis, brevets...  
 
| Tous droits réservés, avertissement que les copieurs seront poursuivis, brevets...  
 
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| Approche édulcorée
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| Approche ''réservée''
| Licence Creative Commons avec la clause NC ou ND, '''OpenSource'''
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| Licence Creative Commons avec la clause Non Commerciale, OpenSource (bénéfices uniquement commerciaux, pas de choix éthique formel)
 
| Autorisation de reproduction possible au cas par cas, nous contacter.  
 
| Autorisation de reproduction possible au cas par cas, nous contacter.  
 
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| Mention inconsciente  
 
| Mention inconsciente  
| "Tous usages autorisés" (ceci signifie que non seulement une personne peut reproduire l'oeuvre, mais elle peut aussi la privatiser et interdire à l'auteur initial de l'utiliser)  
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| "Tous usages autorisés" (risque de réappropriation)  
 
| Aucune mention de copyright ni d'auteur pour des photos, images, films...
 
| Aucune mention de copyright ni d'auteur pour des photos, images, films...
 
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== Conjecture de Moore : booster de la transition  ==
 
  
Dans les magasins d'électronique, pourquoi le coût des ordinateurs baisse-t-il autant et si vite, pendant qu'augmente leur&nbsp; puissance ?
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| '''Libre n'est pas gratuit'''
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Songez à un guide pratique pour démarrer un projet, un film documentaire, un livre de recettes, voire simplement un mode d'emploi pour économiser de l'énergie, tous trouvés sur Internet. Les informations que vous y découvrez, quels que soient le sujet et le support, vous semblent particulièrement dignes d'intérêt. Aussi l'idée vous vient-elle de les copier afin de les distribuer à vos amis. Est-ce légal ?
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Si les supports concernés sont placés sous une licence dite « libre », oui. Vous pouvez d'ailleurs faire un don à l'auteur pour l'encourager à poursuivre son travail. Car libre n'est pas gratuit. L'auteur d'une œuvre sous licence libre peut vendre son œuvre et vendre du service autour de l'œuvre : adaptation, mise à jour, déclinaison...
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'''Libre, c'est la liberté d'accéder à une œuvre de l'utiliser, de la modifier et de la redistribuer.'''
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La modifier ? En ajoutant spontanément, par exemple dans le cas d'un documentaire vidéo, sa traduction dans la langue de votre pays. Cette intervention est techniquement et légalement possible, pour autant que la licence le permette. Sur un plan financier, la culture du don est aussi rémunératrice que la culture de l'usage exclusif. Nous avions pourtant l'habitude de penser qu'il fallait protéger les œuvres des risques de « piratage ». Or nos idées sont inspirées par d'autres, invariablement. On ne crée presque jamais à partir de rien.
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Plus important : vouloir brider la diffusion d'une œuvre rend les utilisateurs esclaves d'un système d’usage exclusif, et donc bridé, qui sert principalement les intérêts d'une minorité de producteurs, éditeurs, propriétaires de brevets. Ces derniers n'ont souvent pas l'habitude et le réflexe de commencer par encourager le partage dès le début de la création; donc ils restent dans l'inertie du modèle de gestion exclusive des oeuvres, précédent l'ère numérique.
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Si l'œuvre documentaire est réalisée à compte d'auteur, ce dernier a tout intérêt à la placer sous licence libre, afin de lui assurer l'audience la plus large possible, via l'Internet. L'économie du don permet d'améliorer sa notoriété, qui génère par la suite un retour sur investissement. Pour autant que ce retour soit mérité car une oeuvre sous licence libre est confrontée à l'évaluation d'une large communauté, ouverte potentiellement à tous les intéressés, sans discrimination).
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'''L’oeuvre devient alors produit d’appel.'''
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Les revenus sont générés via les multiples compléments qui peuvent émaner de cette oeuvre : adaptations, services autour de l’oeuvre, produits dérivés. Plus important encore, c’est en amont de la création que se joue l’essentiel : la capacité de s’associer pour collaborer à plusieurs en se partageant les rôles, et ainsi faire émerger une communauté de créateurs, contributeurs, bénéficiaires.
  
Gordon Moore a trouvé la réponse à cette question dès les années 1960, avant même que nous ne nous la posions. Né le 3 janvier 1929 à San Francisco, il est l'un des cofondateurs d'Intel, premier fabricant mondial des semi-conducteurs et transistors qui équipent les ordinateurs. Moore a réalisé des calculs visant à démontrer que ''la puissance de traitement des données numériques est désormais multipliée par deux tous les douze à vingt-quatre mois'', dans trois domaines&nbsp;: vitesse de traitement, capacité de stockage et puissance. C'est pour cette raison que les disques durs, ordinateurs et téléphones en vente sur le marché baissent de prix et augmentent chaque année en capacité de traitement et de stockage.
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Cette communauté soutient le développement des projets, y compris leur financement par tous les moyens possibles. A titre d’exemple, les leaders du projet Open Source Ecology (développement de machines industrielles sous licence libre) ont mobilisé leur communauté pour co-rédiger sur une page web, à plusieurs centaines de personnes, le plan financier et les courriers aux investisseurs.  
  
Dès les années 1980, excitées par l'affirmation de Moore, les ''start-ups ''pressées de l'économie numérique ont incité les investisseurs à miser avant les autres sur des marchés de niche du numérique&nbsp;: Amazon pour la vente en ligne, Skype pour la téléphonie, Google pour les moteurs de recherche, Facebook pour les réseaux sociaux… À court terme ces ''capital-riskers'' sont certes financièrement perdants, mais par la suite les clients des nouveaux géants du numérique, une fois devenus dépendants du produit concerné, auront les plus grandes difficultés à changer d'environnement. Une preuve simple&nbsp;: combien d'utilisateurs ont-ils réussi à quitter MS-Office (MS-Word, MS-Excel, MS-Powerpoint) pour la suite bureautique libre OpenOffice.org, offrant pourtant à 99&nbsp;% les mêmes fonctions ? Une fois rendus captifs, les clients rendent l'éditeur bénéficiaire, car les coûts de fabrication tombent en dessous des profits potentiels. C'est exactement le cas de Microsoft, Google, Amazon, eBay… Au-delà de l'attirance naturelle pour la nouvelle économie du numérique, la conjecture de Moore a donc déterminé l'argument le plus ''raisonnable ''qui justifie d'investir massivement dans une ''start-up'' Internet.
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De plus, il n'est pas interdit, à ceux qui mettent une oeuvre sous licence libre, de demander aux internautes de verser une contribution pour soutenir son travail. C'est ainsi que la fondation Wikimedia, qui gère Wikipédia, récolte plusieurs dizaines de millions de dollars par an. Et elle n'est pas la seule. De nombreux artistes choisissent ce modèle. Ils cassent ainsi la spirale négative des pirates, engendrée par les licences privatrices/exclusives, et amorcent la spirale positive du partage de la connaissance.
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Ainsi se manifeste le passage d'une économie de la rareté à une économie de l'abondance. Libre à chacun aujourd'hui d'ouvrir un compte Google et de disposer d'un espace mémoire très important, sans autre contrepartie immédiate que celle d'apprendre à utiliser un outil pour lequel il finira par devoir payer – un jour ou l'autre et d'une manière ou d'une autre.
 
  
'''Mais ce n'est qu'une conjecture, et non pas une loi'''
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| '''Crise de remise en question, alias CREQ'''
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Commencer à pratiquer les modèles socio-économiques du Libre, c'est souvent les adopter. Mais pour y parvenir, il faut un gros effort. Au début, non seulement on ne comprend pas bien, mais il n'est pas étonnant que l'on ressente de la répulsion face à ces nouvelles dynamiques. Il faut en effet, à cette occasion, remettre en question la vision qu'on avait de la propriété des idées, du mode de développement d'un produit ou d'un projet et de la manière d'échanger avec ses semblables.
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L'écrivain Bernard Werberr<ref> http://wesra.free.fr/article.php?sid=225 ESRA </ref> décrit ainsi cette profonde crise de remise en question, alias CREQ :
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''« L’homme est en permanence conditionné par les autres. Tant qu’il se croit heureux, il ne remet pas en cause ces conditionnements. Il trouve normal qu’enfant on le force à manger des aliments qu’il déteste, c’est sa famille. Il trouve normal que son chef l’humilie, c’est son travail. Il trouve normal que sa femme lui manque de respect, c’est son épouse (ou vice-versa). Il trouve normal que le gouvernement lui réduise progressivement son pouvoir d’achat, c’est celui pour lequel il a voté.''
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''« Non seulement il ne s’aperçoit pas qu’on l’étouffe, mais encore il revendique son travail, sa famille, son système politique et la plupart de ses prisons comme une forme d’expression de sa personnalité. Beaucoup réclament leur statut d’esclave et sont prêts à se battre bec et ongles pour qu’on ne leur enlève pas leurs chaînes.''
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''« Pour les réveiller il faut des CREQ, « Crises de Remise En Question ». Les CREQ peuvent prendre plusieurs formes : accidents, maladies, rupture familiale ou professionnelle. Elles terrifient le sujet sur le coup, mais au moins elles le déconditionnent quelques instants. Après une CREQ, très vite l’homme part à la recherche d’une autre prison pour remplacer celle qui vient de se briser. Le divorcé veut immédiatement se remarier. Le licencié accepte un travail plus pénible…''
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''« Mais entre l’instant où survient la CREQ et l’instant où le sujet se restabilise dans une autre prison, surviennent quelques moments de lucidité où il entrevoit ce que peut être la vraie liberté. Cela lui fait d’ailleurs très peur. »''
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C'est pour cette raison que la transition d'un modèle privateur à un modèle libre s'effectue par à-coups, par sauts de puce, comme autant de petites secousses, selon le principe ''deux pas en arrière (stress, peur), trois pas en avant (remise en question, ouverture)''.
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==La conjecture de Moore : stimulateur de transition==
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Dans les magasins d'électronique, pourquoi le coût des ordinateurs baisse-t-il autant et si vite, pendant qu'augmente leur  puissance ? Gordon Moore a trouvé la réponse à cette question dès les années 1960, avant même que nous ne nous la posions.
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Né le 3 janvier 1929 à San Francisco, il est l'un des cofondateurs d'Intel, premier fabricant mondial des semi-conducteurs et transistors qui équipent les ordinateurs. Moore a réalisé des calculs visant à démontrer que ''la puissance de traitement des données numériques est désormais multipliée par deux tous les douze à vingt-quatre mois'', dans trois domaines : vitesse de traitement, capacité de stockage et puissance. C'est pour cette raison que les disques durs, ordinateurs et téléphones en vente sur le marché baissent de prix et augmentent chaque année en capacité de traitement et de stockage.
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Dès les années 1980, excitées par l'affirmation de Moore, les ''start-ups'' pressées de l'économie numérique ont incité les investisseurs à miser avant les autres sur des marchés de niche du numérique : Amazon pour la vente en ligne, Skype pour la téléphonie, Google pour les moteurs de recherche, Facebook pour les réseaux sociaux…
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À court terme ces ''capital-riskers'' sont certes financièrement perdants, mais par la suite les clients des nouveaux géants du numérique, une fois devenu dépendants du produit concerné, auront les plus grandes difficultés à changer d'environnement. Une preuve simple : combien d'utilisateurs ont-ils réussi à quitter MS-Office (MS-Word, MS-Excel, MS-Powerpoint) pour la suite bureautique LibreOffice.org ou OpenOffice.org, offrant pourtant à 99 % les mêmes fonctions ? Une fois rendus captifs, les clients rendent l'éditeur bénéficiaire, car les coûts de fabrication tombent en dessous des profits potentiels. C'est exactement le cas de Microsoft, Google, Amazon, eBay…
  
Car cette théorie se heurte à plusieurs limites, qui prédisent un effondrement possible de ce modèle d'investissements massifs dans des technologies initialement trop chères mais permettant de rendre les clients captifs. Ces limites se fondent notamment sur les faits suivants&nbsp;:
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La conjecture de Moore a donc constitué l'argument le plus “raisonnable” qui justifie d'investir massivement dans une start-up Internet.
  
* La micro-électronique devrait arriver au stade de l'atome avant 2020. Ensuite, il ne sera plus possible de faire plus petit. Les alternatives, comme l'informatique quantique, sont trop instables et dysfonctionnelles, malgré des années de tests.
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Ainsi se manifeste le passage d'une économie de la rareté à une économie de l'abondance. Libre à chacun aujourd'hui d'ouvrir un compte Google et de disposer d'un espace mémoire très important, sans autre contrepartie immédiate que celle d'apprendre à utiliser un outil pour lequel il finira par devoir payer – un jour ou l'autre et d'une manière ou d'une autre.
* Les matériaux rares comme le silicium, indispensable pour les microprocesseurs d'Intel qui équipent nos ordinateurs et téléphones, sont disponibles sur Terre en quantité limitée ;
 
* Le recyclage n'est que partiel et la pollution électronique commence à poser de réels problèmes ;
 
* Accessoirement, les besoins en électricité augmentent bien plus vite que les réserves de productions disponibles et de nouvelles pénuries sont possibles.  
 
  
'''Conjecture de Moore, ce qu'il faut retenir'''<br>
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'''Mais ce n'est qu'une conjecture, et non pas une loi'''
La connaissance du fait que ''la puissance de traitement des données numériques est multipliée par deux tous les douze à vingt-quatre mois'' a permis des investissements massifs dans l'économie numérique, ce qui a contribué à populariser l'utilisation d'Internet. Même si ces investissements ont été effectué au profit de quelques entités financières, leur permettant de "coloniser" le marché et de rendre captifs les utilisateurs, le phénomène a considérablement boosté la transition vers la nouvelle société de l'information. Il est de plus en plus probable que le modèle privateur, qui n'est rentable que sur le court terme dans la conjecture de Moore (car celle-ci bute sur désormais sur l'infiniment petit), soit détrôné par le modèle du libre, qui n'a pas besoin d'investissements massifs pour se développer et innover. D'autant plus que le Libre, dont la structure dominante est celle du bazar (voir notre article Des cathédrales aux bazars), semble bien plus adapté aux propriétés du numérique.
 
  
== De la société industrielle à la société de l'information ==
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Car cette théorie se heurte à plusieurs limites, qui prédisent un effondrement possible de ce modèle d'investissements massifs dans des technologies initialement trop chères mais permettant de rendre les clients captifs. Ces limites se fondent notamment sur les faits suivants :
La rupture technologique en cours nous fait passer de l'ère industrielle à la société de l'information. L'innovation high-tech est en quelque sorte le pivot entre les deux modèles. "Ce qu'il y a de différent dans les semi-conducteurs, comme dans beaucoup de produits high-tech, est leur ratio très élevé de matière grise par rapport au muscle. En termes économiques, leurs intrants (la matière première, ndlr) sont davantage intellectuels que matériels. Après tout, les puces ne sont que du sable (silicium) très habilement utilisé", écrit Chris Anderson dans son best-seller, ''Free!'' <ref>''Free ! Entrez dans l'économie du gratuit,'' Pearson Éducation France, 2009</ref>.
 
  
Or, à la différence des biens de consommation matériels, les idées peuvent circuler gratuitement, sans perte pour ceux qui la partage. "Celui qui reçoit une idée de moi reçoit de l’instruction lui-même sans amoindrir la mienne, de même que celui qui allume sa chandelle à la mienne reçoit la lumière sans me plonger dans la noir", disait déjà Thomas Jefferson, le père du système des brevets.
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* La micro-électronique devrait arriver au stade de l'atome avant 2020. Ensuite, il ne sera plus possible de faire plus petit. Les alternatives, comme l'informatique quantique, sont trop instables et dysfonctionnelles, malgré des années de tests.
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* Les matériaux rares comme le silicium, indispensable pour les microprocesseurs d'Intel qui équipent nos ordinateurs et téléphones, sont disponibles sur Terre en quantité limitée ;
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* Le recyclage n'est que partiel et la pollution électronique commence à poser de réels problèmes ;
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* Accessoirement, les besoins en électricité augmentent bien plus vite que les réserves de productions disponibles et de nouvelles pénuries sont possibles.
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| '''Conjecture de Moore, ce qu'il faut retenir'''
  
"Ainsi, explique l'auteur de ''Free!'', les idées sont-elles la matière première abondante par excellence, elles se propagent à un coût marginal nul. Une fois créées, elles ne demandent qu'à se répandre loin et largement, enrichissant tout ce qu'elles touchent (...) Mais dans la vie économique (actuelle, ndlr), les entreprises gagnent de l'argent en raréfiant artificiellement les idées, grâce au droit de la propriété intellectuelle. Les brevets, droits d'auteur et secrets commerciaux visent par nature à bloquer l'écoulement naturel des idées ans l'ensemble de la population, assez longtemps pour réaliser un profit (...). Mais vient un jour où les brevets expirent et les secrets transpirent : on ne peut enchaîner les idées perpétuellement". Et encore moins depuis que nous avons mis le pied dans l'économie numérique et la société de l'information.
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La connaissance du fait que la puissance de traitement des données numériques est multipliée par deux tous les douze à vingt-quatre mois a permis des investissements massifs dans l'économie numérique, ce qui a contribué à populariser l'utilisation d'Internet. Même si ces investissements ont été effectué au profit de quelques entités financières, leur permettant de "coloniser" le marché et de rendre captifs les utilisateurs, le phénomène a considérablement boosté la transition vers la nouvelle société de l'information.
  
Pour Chris Anderson, voici la leçon du Web et de l'économie numérique, qui est basée sur l'information : "quand le prix de quelque chose baisse de moitié chaque année, le zéro est inévitable" ! "Plus les produits sont faits d'idées au lieu de matière, plus vite ils peuvent devenir bon marché. C'est la racine de l'abondance qui mène à la gratuité dans le monde numérique".
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Il est de plus en plus probable que le modèle économique privateur basé sur l'exclusivité, qui n'est rentable que sur le court terme dans la conjecture de Moore (car celle-ci bute sur désormais sur l'infiniment petit), soit détrôné par le modèle du libre, qui n'a pas besoin d'investissements massifs pour se développer et innover. D'autant plus que le Libre, dont la structure dominante est celle du bazar (voir notre article Des cathédrales aux bazars), semble bien plus adapté aux propriétés du numérique.
  
== Crise de remise en question, alias CREQ  ==
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C'est un important signal d'espoir pour tous les petits acteurs d'une économie à visage humain, qui ne spécule pas, et qui s'inspire de wikipedia et des logiciels libre pour développer des réseaux de petits acteurs socio-économiques plus éthiques et solidaires que les conglomérats du commerce mondial.
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Commencer à pratiquer les modèles socio-économiques du Libre, c'est souvent les adopter. Mais pour y parvenir, il faut un gros effort. Au début, non seulement on ne comprend pas bien, mais il n'est pas étonnant que l'on ressente de la répulsion face à ces nouvelles dynamiques. Il faut en effet, à cette occasion, remettre en question la vision qu'on avait de la propriété des idées, du mode de développement d'un produit ou d'un projet et de la manière d'échanger avec ses semblables.
 
  
L'écrivain Bernard Werber<ref> http://wesra.free.fr/article.php?sid=225 ESRA </ref> décrit ainsi cette profonde crise de remise en question, alias CREQ&nbsp;:
 
  
«&nbsp;L’homme est en permanence conditionné par les autres. Tant qu’il se croit heureux, il ne remet pas en cause ces conditionnements. Il trouve normal qu’enfant on le force à manger des aliments qu’il déteste, c’est sa famille. Il trouve normal que son chef l’humilie, c’est son travail. Il trouve normal que sa femme lui manque de respect, c’est son épouse (ou vice-versa). Il trouve normal que le gouvernement lui réduise progressivement son pouvoir d’achat, c’est celui pour lequel il a voté.
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==De la société industrielle à la société de l'information==
  
«&nbsp;Non seulement il ne s’aperçoit pas qu’on l’étouffe, mais encore il revendique son travail, sa famille, son système politique et la plupart de ses prisons comme une forme d’expression de sa personnalité. Beaucoup réclament leur statut d’esclave et sont prêts à se battre bec et ongles pour qu’on ne leur enlève pas leurs chaînes.
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La rupture technologique en cours nous fait passer de l'ère industrielle à la société de l'information. L'innovation high-tech est en quelque sorte le pivot entre les deux modèles. "Ce qu'il y a de différent dans les semi-conducteurs, comme dans beaucoup de produits high-tech, est leur ratio très élevé de matière grise par rapport au muscle. En termes économiques, leurs intrants (la matière première, ndlr) sont davantage intellectuels que matériels. Après tout, les puces ne sont que du sable (silicium) très habilement utilisé", écrit Chris Anderson dans son best-seller, Free! <ref>Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Pearson Éducation France, 2009</ref>
  
«&nbsp;Pour les réveiller il faut des CREQ, «&nbsp;Crises de Remise En Question&nbsp;». Les CREQ peuvent prendre plusieurs formes&nbsp;: accidents, maladies, rupture familiale ou professionnelle. Elles terrifient le sujet sur le coup, mais au moins elles le déconditionnent quelques instants. Après une CREQ, très vite l’homme part à la recherche d’une autre prison pour remplacer celle qui vient de se briser. Le divorcé veut immédiatement se remarier. Le licencié accepte un travail plus pénible…
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Or, à la différence des biens de consommation matériels, les idées peuvent circuler gratuitement, sans perte pour ceux qui la partage. "Celui qui reçoit une idée de moi reçoit de l’instruction lui-même sans amoindrir la mienne, de même que celui qui allume sa chandelle à la mienne reçoit la lumière sans me plonger dans la noir", disait déjà Thomas Jefferson, le père du système des brevets.
  
«&nbsp;Mais entre l’instant où survient la CREQ et l’instant où le sujet se restabilise dans une autre prison, surviennent quelques moments de lucidité il entrevoit ce que peut être la vraie liberté. Cela lui fait d’ailleurs très peur.&nbsp;»
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''"Ainsi, explique l'auteur de Free!, les idées sont-elles la matière première abondante par excellence, elles se propagent à un coût marginal nul. Une fois créées, elles ne demandent qu'à se répandre loin et largement, enrichissant tout ce qu'elles touchent (...) Mais dans la vie économique (actuelle, ndlr), les entreprises gagnent de l'argent en raréfiant artificiellement les idées, grâce au droit de la propriété intellectuelle. Les brevets, droits d'auteur et secrets commerciaux visent par nature à bloquer l'écoulement naturel des idées ans l'ensemble de la population, assez longtemps pour réaliser un profit (...). Mais vient un jour les brevets expirent et les secrets transpirent : on ne peut enchaîner les idées perpétuellement".''
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Et encore moins depuis que nous avons mis le pied dans l'économie numérique et la société de l'information.
  
C'est pour cette raison que la transition d'un modèle privateur à un modèle libre s'effectue par à-coups, par sauts de puce, comme autant de petites secousses, selon le principe ''deux pas en arrière (stress, peur), trois pas en avant (remise en question, ouverture). ''
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Pour Chris Anderson, voici la leçon du Web et de l'économie numérique, qui est basée sur l'information : ''"quand le prix de quelque chose baisse de moitié chaque année, le zéro est inévitable" ! "Plus les produits sont faits d'idées au lieu de matière, plus vite ils peuvent devenir bon marché. C'est la racine de l'abondance qui mène à la gratuité dans le monde numérique".''
  
  

Version du 17 décembre 2012 à 22:09

modèle, économie, loi de Moore, CREQ, wikinomie, économie collaborative, transition, société de l'information.



Wikinomie : vers un nouveau modèle pour entreprendre ?

Il y a un avant et après Internet. Cette rupture technologique, en permettant une réduction drastique des coûts de production et de distribution de l'information, bouleverse l'ordre économique établi.

Avant le numérique, on ne pouvait pas copier et distribuer à un coût marginal, les consommateurs ne pouvaient pas agir et influer sur l'innovation des produits mis à leur disposition. La protection des informations, par la propriété intellectuelle, était facile à maintenir, et même légitime pour protéger un travail ou un investissement coûteux.

La donne change avec les propriétés du numérique:

  • instantanéité (transfert d'informations quasiment immédiat) ;
  • décentralisation (pas d'instance pivot) ;
  • asynchronicité (chacun agit à son rythme) ;
  • multilatéralité (échanges de plusieurs à plusieurs) ;
  • symétrie (tout le monde est au même niveau).

Dans ce nouveau paradigme : celui ne partage pas l'information peut s'avérer perdant ! Sa visibilité se dissout dans l'abondance des informations en libre circulation.

"Dans vingt ans, nous considérerons ce début du XXIe siècle comme un tournant de l'histoire économique et sociale. Nous comprendrons que nous sommes entrés dans une nouvelle ère qui a des principes, des conceptions du monde et des modèles d'affaires nouveaux, et dont les règles du jeu ont changé", Wikinomics, Don Tapscott et Anthony D. Williams [1]

Bienvenue dans la wikinomie! Cette « économie de la collaboration entre groupes humains » repose sur une collaboration massive et un usage intensif des technologies numériques libre et open source comme les Wiki.

Ce nouveau modèle économique s'imposerait peu à peu sur le modèle traditionnel:

«Il a souvent été dit que pour innover, se distinguer et tenir son rang, l’entreprise doit mettre en œuvre les bonnes pratiques : disposer d'un capital humain de qualité, protéger bec et ongles sa propriété intellectuelle, privilégier le client, penser globalement mais agir localement et enfin savoir mener à bien ses projets (grâce à la qualité des contrôles et de la direction). Or les mutations en cours rendent ces critères insuffisants et parfois complètement inadaptés», écrivent les auteurs de Wikinomics, s'appuyant sur les travaux de recherche de l'équipe de New Paradigme, société d'études spécialisée dans les nouvelles technologies, qui a mené de très nombreuses enquêtes multiclients pour comprendre comment le web change l'entreprise.

La wikinomie s'appuie sur quatre idées phares : ouverture, travail collaboratif, partage et action à l'échelle de la planète. "La nouvelle entreprise co-innove avec tout le monde (en particulier avec ses clients), partage les ressources qu'autrefois elle gardait jalousement, exploite la puissance de la collaboration de masse et ne se comporte pas comme une multinationale mais comme une entité véritablement planétaire".


La culture privatrice domine dans le showbiz

Dans l'industrie du show-business, les auteurs cèdent leurs droits à des producteurs et/ou éditeurs, qui les monnayent auprès des distributeurs. Vous avez déjà vu ces chiffres impressionnants : un milliard de recettes pour le dernier film hollywoodien qui vient de sortir, deux cents euros la place pour assister au concert de la superstar qui fait sa réapparition après sa cure de désintox'. Là, interdit de copier, c'est du vol ! La publicité le dit bien au début des DVD : vous n'iriez pas braquer une banque, alors pourquoi copier un DVD ?

Le showbiz concentre intérêts privés d'un petit groupe de producteurs et d'actionnaires. C'est l'ancien modèle, encore dominant, qui sert les intérêts de majors, une poignée de grands groupes dont les bénéfices reposent sur les contrats d’exclusivité. Leur mode de fonctionnement : faire signer aux artistes un contrat en promettant le jackpot pour ceux dont les oeuvres seront les plus commercialisées dans les canaux de distribution souvent possédés par ces mêmes majors.

L'exclusivité, qui prive l'auteur de la possibilité de faire jouer une saine concurrence en utilisant plusieurs moyens de diffusions, c'est l'ancien modèle du commerce du spectacle divertissant, attirant, mais dont les limites artificielles imposées par les producteurs/éditeurs entrent en collision avec les possibilités du numérique.

Car les propriétés du numérique ont permis l'émergence d'une culture du libre partage basée sur un autre type de contrat, d'autres termes pour régir l'usage des oeuvres. C'est l'approche dite de la culture Libre. Elle est aux antipodes du modèle de cession exclusive des droits, qui prive les auteurs de la possibilité de diversifier les modes de production et de diffusion, d'innover et de confronter à tout moment.

Ces nouveaux termes sont encore peu connus, bien que pratiqués depuis les années 90. On les appelle les licences libres, ou opensource. Elles s'appliquent à toute création, y compris des modes d'emploi dans la gestion d'entreprises. Et commence à emporter une large adhésion, notamment à travers les licences dites "creativecommons" utilisées sur wikipedia et par des millions de créatifs dans tous les domaines.

Car avec Internet, le modèle privateur s'errode. Notamment parce que les limites entre producteurs et consommateurs s’estompent, chacuns pouvant désormais assurer les deux rôles.

Les artistes eux-mêmes sont de moins en moins satisfaits. Combien d’artistes se plaignent de maisons d'édition, qui les tiennent en otage, soit en ne leur versant pas les droits, soit en les empêchant de distribuer leurs œuvres? Une fois dans le système, ils ne peuvent même plus choisir de donner des créations (une chanson, un film ou une illustration) dont ils sont pourtant les auteurs afin de soutenir un événement ou une cause.


Libre versus privateur

Le schéma suivant décrit les deux tendances. Dans les faits, la frontière qui les sépare est floue, car nous sommes en phase de transition globale. Le modèle du Libre est déjà largement défini et documenté, mais il reste compris uniquement par une minorité. Une fois qu'il est compris, rare sont ceux qui reviennent en arrière.

Etape de vie d'une information Modèle de gestion à tendance privatrice Modèle de gestion à tendance libre
Ce qui conditionne le tout: la conception et le développement de l’œuvre Dopage, spéculation, grands espoirs, secret de fabrication, compétition. Développement organique, petit à petit, modeste (« dans son garage »), ouvert, coopératif.
Une fois mon œuvre créée, quel mode de gestion et quelle licence seront les plus efficaces ? Contrôle basé sur l’exclusivité, création d’une pénurie artificielle, cession des droits des auteurs à des promoteurs/éditeurs. Confiance basée sur quatre libertés fondamentales, reconnaissance des auteurs à chaque étape de contribution, toutes les évolutions sont possibles.
Quel mode de diffusion de l’œuvre ? Concurrence, bénéfice à court terme, vente du droit d’usage d’un produit Coopération et compétition constructive (alias coopétition), vente du service autour d’un produit (conseil, formation, adaptations sur-mesure, veille)
Quel impact social, culturel et économique global dans la société de l'information? Dynamique de :
  • hiérarchie de statut ;
  • discrimination ;
  • rétention d'informations (pénurie artificielle).
Dynamique de :
  • hiérarchie de compétences ;
  • non-discrimination ;
  • ouverture de l'information (abondance).


Les deux familles de licences

Caractéristiques de la licence Dans la famille plutôt "libre" Dans la famille plutôt "privative"
Approche affirmée, les termes et licences les plus reconnus dans cette famille GPL, GFDL, ArtLibre, CreativeCommons BY-ShareAlike (alias CC-BY-SA), autres (Cf. FSF[2] ou OSI[3]), domaine public Tous droits réservés, avertissement que les copieurs seront poursuivis, brevets...
Approche réservée Licence Creative Commons avec la clause Non Commerciale, OpenSource (bénéfices uniquement commerciaux, pas de choix éthique formel) Autorisation de reproduction possible au cas par cas, nous contacter.
Mention inconsciente "Tous usages autorisés" (risque de réappropriation) Aucune mention de copyright ni d'auteur pour des photos, images, films...


Libre n'est pas gratuit

Songez à un guide pratique pour démarrer un projet, un film documentaire, un livre de recettes, voire simplement un mode d'emploi pour économiser de l'énergie, tous trouvés sur Internet. Les informations que vous y découvrez, quels que soient le sujet et le support, vous semblent particulièrement dignes d'intérêt. Aussi l'idée vous vient-elle de les copier afin de les distribuer à vos amis. Est-ce légal ?

Si les supports concernés sont placés sous une licence dite « libre », oui. Vous pouvez d'ailleurs faire un don à l'auteur pour l'encourager à poursuivre son travail. Car libre n'est pas gratuit. L'auteur d'une œuvre sous licence libre peut vendre son œuvre et vendre du service autour de l'œuvre : adaptation, mise à jour, déclinaison...

Libre, c'est la liberté d'accéder à une œuvre de l'utiliser, de la modifier et de la redistribuer.

La modifier ? En ajoutant spontanément, par exemple dans le cas d'un documentaire vidéo, sa traduction dans la langue de votre pays. Cette intervention est techniquement et légalement possible, pour autant que la licence le permette. Sur un plan financier, la culture du don est aussi rémunératrice que la culture de l'usage exclusif. Nous avions pourtant l'habitude de penser qu'il fallait protéger les œuvres des risques de « piratage ». Or nos idées sont inspirées par d'autres, invariablement. On ne crée presque jamais à partir de rien.

Plus important : vouloir brider la diffusion d'une œuvre rend les utilisateurs esclaves d'un système d’usage exclusif, et donc bridé, qui sert principalement les intérêts d'une minorité de producteurs, éditeurs, propriétaires de brevets. Ces derniers n'ont souvent pas l'habitude et le réflexe de commencer par encourager le partage dès le début de la création; donc ils restent dans l'inertie du modèle de gestion exclusive des oeuvres, précédent l'ère numérique.

Si l'œuvre documentaire est réalisée à compte d'auteur, ce dernier a tout intérêt à la placer sous licence libre, afin de lui assurer l'audience la plus large possible, via l'Internet. L'économie du don permet d'améliorer sa notoriété, qui génère par la suite un retour sur investissement. Pour autant que ce retour soit mérité car une oeuvre sous licence libre est confrontée à l'évaluation d'une large communauté, ouverte potentiellement à tous les intéressés, sans discrimination).

L’oeuvre devient alors produit d’appel.

Les revenus sont générés via les multiples compléments qui peuvent émaner de cette oeuvre : adaptations, services autour de l’oeuvre, produits dérivés. Plus important encore, c’est en amont de la création que se joue l’essentiel : la capacité de s’associer pour collaborer à plusieurs en se partageant les rôles, et ainsi faire émerger une communauté de créateurs, contributeurs, bénéficiaires.

Cette communauté soutient le développement des projets, y compris leur financement par tous les moyens possibles. A titre d’exemple, les leaders du projet Open Source Ecology (développement de machines industrielles sous licence libre) ont mobilisé leur communauté pour co-rédiger sur une page web, à plusieurs centaines de personnes, le plan financier et les courriers aux investisseurs.

De plus, il n'est pas interdit, à ceux qui mettent une oeuvre sous licence libre, de demander aux internautes de verser une contribution pour soutenir son travail. C'est ainsi que la fondation Wikimedia, qui gère Wikipédia, récolte plusieurs dizaines de millions de dollars par an. Et elle n'est pas la seule. De nombreux artistes choisissent ce modèle. Ils cassent ainsi la spirale négative des pirates, engendrée par les licences privatrices/exclusives, et amorcent la spirale positive du partage de la connaissance.


Crise de remise en question, alias CREQ

Commencer à pratiquer les modèles socio-économiques du Libre, c'est souvent les adopter. Mais pour y parvenir, il faut un gros effort. Au début, non seulement on ne comprend pas bien, mais il n'est pas étonnant que l'on ressente de la répulsion face à ces nouvelles dynamiques. Il faut en effet, à cette occasion, remettre en question la vision qu'on avait de la propriété des idées, du mode de développement d'un produit ou d'un projet et de la manière d'échanger avec ses semblables.

L'écrivain Bernard Werberr[4] décrit ainsi cette profonde crise de remise en question, alias CREQ :

« L’homme est en permanence conditionné par les autres. Tant qu’il se croit heureux, il ne remet pas en cause ces conditionnements. Il trouve normal qu’enfant on le force à manger des aliments qu’il déteste, c’est sa famille. Il trouve normal que son chef l’humilie, c’est son travail. Il trouve normal que sa femme lui manque de respect, c’est son épouse (ou vice-versa). Il trouve normal que le gouvernement lui réduise progressivement son pouvoir d’achat, c’est celui pour lequel il a voté.

« Non seulement il ne s’aperçoit pas qu’on l’étouffe, mais encore il revendique son travail, sa famille, son système politique et la plupart de ses prisons comme une forme d’expression de sa personnalité. Beaucoup réclament leur statut d’esclave et sont prêts à se battre bec et ongles pour qu’on ne leur enlève pas leurs chaînes.

« Pour les réveiller il faut des CREQ, « Crises de Remise En Question ». Les CREQ peuvent prendre plusieurs formes : accidents, maladies, rupture familiale ou professionnelle. Elles terrifient le sujet sur le coup, mais au moins elles le déconditionnent quelques instants. Après une CREQ, très vite l’homme part à la recherche d’une autre prison pour remplacer celle qui vient de se briser. Le divorcé veut immédiatement se remarier. Le licencié accepte un travail plus pénible…

« Mais entre l’instant où survient la CREQ et l’instant où le sujet se restabilise dans une autre prison, surviennent quelques moments de lucidité où il entrevoit ce que peut être la vraie liberté. Cela lui fait d’ailleurs très peur. »

C'est pour cette raison que la transition d'un modèle privateur à un modèle libre s'effectue par à-coups, par sauts de puce, comme autant de petites secousses, selon le principe deux pas en arrière (stress, peur), trois pas en avant (remise en question, ouverture).


La conjecture de Moore : stimulateur de transition

Dans les magasins d'électronique, pourquoi le coût des ordinateurs baisse-t-il autant et si vite, pendant qu'augmente leur puissance ? Gordon Moore a trouvé la réponse à cette question dès les années 1960, avant même que nous ne nous la posions.

Né le 3 janvier 1929 à San Francisco, il est l'un des cofondateurs d'Intel, premier fabricant mondial des semi-conducteurs et transistors qui équipent les ordinateurs. Moore a réalisé des calculs visant à démontrer que la puissance de traitement des données numériques est désormais multipliée par deux tous les douze à vingt-quatre mois, dans trois domaines : vitesse de traitement, capacité de stockage et puissance. C'est pour cette raison que les disques durs, ordinateurs et téléphones en vente sur le marché baissent de prix et augmentent chaque année en capacité de traitement et de stockage.

Dès les années 1980, excitées par l'affirmation de Moore, les start-ups pressées de l'économie numérique ont incité les investisseurs à miser avant les autres sur des marchés de niche du numérique : Amazon pour la vente en ligne, Skype pour la téléphonie, Google pour les moteurs de recherche, Facebook pour les réseaux sociaux…

À court terme ces capital-riskers sont certes financièrement perdants, mais par la suite les clients des nouveaux géants du numérique, une fois devenu dépendants du produit concerné, auront les plus grandes difficultés à changer d'environnement. Une preuve simple : combien d'utilisateurs ont-ils réussi à quitter MS-Office (MS-Word, MS-Excel, MS-Powerpoint) pour la suite bureautique LibreOffice.org ou OpenOffice.org, offrant pourtant à 99 % les mêmes fonctions ? Une fois rendus captifs, les clients rendent l'éditeur bénéficiaire, car les coûts de fabrication tombent en dessous des profits potentiels. C'est exactement le cas de Microsoft, Google, Amazon, eBay…

La conjecture de Moore a donc constitué l'argument le plus “raisonnable” qui justifie d'investir massivement dans une start-up Internet.

Ainsi se manifeste le passage d'une économie de la rareté à une économie de l'abondance. Libre à chacun aujourd'hui d'ouvrir un compte Google et de disposer d'un espace mémoire très important, sans autre contrepartie immédiate que celle d'apprendre à utiliser un outil pour lequel il finira par devoir payer – un jour ou l'autre et d'une manière ou d'une autre.

Mais ce n'est qu'une conjecture, et non pas une loi

Car cette théorie se heurte à plusieurs limites, qui prédisent un effondrement possible de ce modèle d'investissements massifs dans des technologies initialement trop chères mais permettant de rendre les clients captifs. Ces limites se fondent notamment sur les faits suivants :

  • La micro-électronique devrait arriver au stade de l'atome avant 2020. Ensuite, il ne sera plus possible de faire plus petit. Les alternatives, comme l'informatique quantique, sont trop instables et dysfonctionnelles, malgré des années de tests.
  • Les matériaux rares comme le silicium, indispensable pour les microprocesseurs d'Intel qui équipent nos ordinateurs et téléphones, sont disponibles sur Terre en quantité limitée ;
  • Le recyclage n'est que partiel et la pollution électronique commence à poser de réels problèmes ;
  • Accessoirement, les besoins en électricité augmentent bien plus vite que les réserves de productions disponibles et de nouvelles pénuries sont possibles.
Conjecture de Moore, ce qu'il faut retenir

La connaissance du fait que la puissance de traitement des données numériques est multipliée par deux tous les douze à vingt-quatre mois a permis des investissements massifs dans l'économie numérique, ce qui a contribué à populariser l'utilisation d'Internet. Même si ces investissements ont été effectué au profit de quelques entités financières, leur permettant de "coloniser" le marché et de rendre captifs les utilisateurs, le phénomène a considérablement boosté la transition vers la nouvelle société de l'information.

Il est de plus en plus probable que le modèle économique privateur basé sur l'exclusivité, qui n'est rentable que sur le court terme dans la conjecture de Moore (car celle-ci bute sur désormais sur l'infiniment petit), soit détrôné par le modèle du libre, qui n'a pas besoin d'investissements massifs pour se développer et innover. D'autant plus que le Libre, dont la structure dominante est celle du bazar (voir notre article Des cathédrales aux bazars), semble bien plus adapté aux propriétés du numérique.

C'est un important signal d'espoir pour tous les petits acteurs d'une économie à visage humain, qui ne spécule pas, et qui s'inspire de wikipedia et des logiciels libre pour développer des réseaux de petits acteurs socio-économiques plus éthiques et solidaires que les conglomérats du commerce mondial.


De la société industrielle à la société de l'information

La rupture technologique en cours nous fait passer de l'ère industrielle à la société de l'information. L'innovation high-tech est en quelque sorte le pivot entre les deux modèles. "Ce qu'il y a de différent dans les semi-conducteurs, comme dans beaucoup de produits high-tech, est leur ratio très élevé de matière grise par rapport au muscle. En termes économiques, leurs intrants (la matière première, ndlr) sont davantage intellectuels que matériels. Après tout, les puces ne sont que du sable (silicium) très habilement utilisé", écrit Chris Anderson dans son best-seller, Free! [5]

Or, à la différence des biens de consommation matériels, les idées peuvent circuler gratuitement, sans perte pour ceux qui la partage. "Celui qui reçoit une idée de moi reçoit de l’instruction lui-même sans amoindrir la mienne, de même que celui qui allume sa chandelle à la mienne reçoit la lumière sans me plonger dans la noir", disait déjà Thomas Jefferson, le père du système des brevets.

"Ainsi, explique l'auteur de Free!, les idées sont-elles la matière première abondante par excellence, elles se propagent à un coût marginal nul. Une fois créées, elles ne demandent qu'à se répandre loin et largement, enrichissant tout ce qu'elles touchent (...) Mais dans la vie économique (actuelle, ndlr), les entreprises gagnent de l'argent en raréfiant artificiellement les idées, grâce au droit de la propriété intellectuelle. Les brevets, droits d'auteur et secrets commerciaux visent par nature à bloquer l'écoulement naturel des idées ans l'ensemble de la population, assez longtemps pour réaliser un profit (...). Mais vient un jour où les brevets expirent et les secrets transpirent : on ne peut enchaîner les idées perpétuellement". Et encore moins depuis que nous avons mis le pied dans l'économie numérique et la société de l'information.

Pour Chris Anderson, voici la leçon du Web et de l'économie numérique, qui est basée sur l'information : "quand le prix de quelque chose baisse de moitié chaque année, le zéro est inévitable" ! "Plus les produits sont faits d'idées au lieu de matière, plus vite ils peuvent devenir bon marché. C'est la racine de l'abondance qui mène à la gratuité dans le monde numérique".


Notes et références

  1. 2006, Edition Portfolio, traduit en français chez Pearson 2007
  2. Liste de licences libres
  3. Liste de licences reconnues par l'Open Source Initiative (en anglais)
  4. http://wesra.free.fr/article.php?sid=225 ESRA
  5. Free ! Entrez dans l'économie du gratuit, Pearson Éducation France, 2009