Lessig et la culture libre à l'ONU : Différence entre versions

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Genève, décembre 2001. Nous participons au sommet mondial pour la société de l'information. Il y a Tanguy, venu du Gabon, André du Togo, Marie-Jeanne, cofondatrice d'Ynternet.org, Zoul, technopunk magicien du multimédia et de nombreux collègues de l'internet solidaire rencontrés dans des réseaux, de-ci de-là. Il y a quelques minutes, nous avons fait une longue queue et avons été fouillés par des militaires. C'est juste après le 11 septembre, la dérive sécuritaire vient de démarrer. Dans une salle, plus de 40 chefs d'état côtoient des milliers de délégués des entreprises informatiques, des télécoms, des ONG, des gouvernements, pour débattre de la société de l'information et s'ouvrir enfin à l'idée que l'enjeu de la gestion des savoirs n'est pas technique, mais sociale. Mais je ne suis pas dans cette salle, je suis dans une autre qui est toute proche. Je suis invité à donner une conférence avec des ténors de la culture libre. C'est un grand honneur. Il y a Richard Stallman (RMS), le fondateur du mouvement des logiciels libres, et il y a aussi Lawrence Lessig, juriste, ancien conseiller politique internet d'Al Gore dans le gouvernement Clinton. C'est lui qui le premier a réussi à vulgariser les questions de propriétés intellectuelles et de droits d'auteurs pour sensibiliser le public aux enjeux de société qui en dépendent. Lawrence a beaucoup de présence sur scène. Tout en se référant à Stallman, il développe un discours très imagé pour expliquer les nouveaux enjeux de sociétés. Voici une image extraite du livre « Culture libre » qu'il préparait à l'époque
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Genève, décembre 2001.  
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Nous participons au sommet mondial pour la société de l'information. Il y a Tanguy, venu du Gabon, André, du Togo, Marie-Jeanne, co-fondatrice d'Ynternet.org, Zoul, technopunk magicien du multimédia et de nombreux collègues de l'Internet solidaire rencontrés dans des réseaux, de-ci, de-là. Il y a quelques minutes, nous avons fait une longue queue et nous avons été fouillés par des militaires. Nous sommes juste après le 11 septembre 2001: la dérive sécuritaire vient de démarrer. Dans une salle, plus de 40 chefs d'état côtoient des milliers de délégués des entreprises informatiques, des télécoms, des ONG, des gouvernements, pour débattre de la société de l'information et s'ouvrir enfin à l'idée que l'enjeu de la gestion des savoirs n'est pas technique, mais sociale. Mais je ne suis pas dans cette salle, je suis dans une autre, toute proche. Je suis invité à donner une conférence avec des ténors de la culture libre. C'est un grand honneur. Il y a Richard Stallman (RMS), le fondateur du mouvement des logiciels libres, et aussi Lawrence Lessig, juriste, ancien conseiller politique internet d'Al Gore dans le gouvernement Clinton. C'est lui qui le premier a réussi à vulgariser les questions de propriétés intellectuelles et de droits d'auteurs pour sensibiliser le public aux enjeux de société qui en dépendent. Lawrence a beaucoup de présence sur scène. Tout en se référant à Stallman, il développe un discours très imagé pour expliquer les nouveaux enjeux de sociétés. Voici une histoire extraite du livre « Culture libre » qu'il préparait à l'époque.
  
 
Le 17 décembre 1903, sur une plage venteuse de Caroline du Nord, en un peu moins de cent secondes, les frères Wright démontrèrent qu’un véhicule autopropulsé plus lourd que l’air pouvait voler. Le moment fut électrique et son importance largement comprise. Presque immédiatement, il se produisit une explosion d’intérêt pour cette technologie nouvelle du vol habité, et une nuée d’innovateurs se mirent à l’améliorer.
 
Le 17 décembre 1903, sur une plage venteuse de Caroline du Nord, en un peu moins de cent secondes, les frères Wright démontrèrent qu’un véhicule autopropulsé plus lourd que l’air pouvait voler. Le moment fut électrique et son importance largement comprise. Presque immédiatement, il se produisit une explosion d’intérêt pour cette technologie nouvelle du vol habité, et une nuée d’innovateurs se mirent à l’améliorer.

Version du 25 août 2010 à 16:59

Reste à faire

En complément : mettre Lessig dans les ténors de la culture libre

Titres et intros alternatives

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Citations diverses (en option)

"Mais tout comme un marché libre est perverti quand la propriété devient féodale, de même une culture libre peut être dévoyée par un extrémisme des règles de propriété qui la définissent. C’est ce que je crains pour notre culture aujourd’hui." Lawrence Lessig

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Genève, décembre 2001. Nous participons au sommet mondial pour la société de l'information. Il y a Tanguy, venu du Gabon, André, du Togo, Marie-Jeanne, co-fondatrice d'Ynternet.org, Zoul, technopunk magicien du multimédia et de nombreux collègues de l'Internet solidaire rencontrés dans des réseaux, de-ci, de-là. Il y a quelques minutes, nous avons fait une longue queue et nous avons été fouillés par des militaires. Nous sommes juste après le 11 septembre 2001: la dérive sécuritaire vient de démarrer. Dans une salle, plus de 40 chefs d'état côtoient des milliers de délégués des entreprises informatiques, des télécoms, des ONG, des gouvernements, pour débattre de la société de l'information et s'ouvrir enfin à l'idée que l'enjeu de la gestion des savoirs n'est pas technique, mais sociale. Mais je ne suis pas dans cette salle, je suis dans une autre, toute proche. Je suis invité à donner une conférence avec des ténors de la culture libre. C'est un grand honneur. Il y a Richard Stallman (RMS), le fondateur du mouvement des logiciels libres, et aussi Lawrence Lessig, juriste, ancien conseiller politique internet d'Al Gore dans le gouvernement Clinton. C'est lui qui le premier a réussi à vulgariser les questions de propriétés intellectuelles et de droits d'auteurs pour sensibiliser le public aux enjeux de société qui en dépendent. Lawrence a beaucoup de présence sur scène. Tout en se référant à Stallman, il développe un discours très imagé pour expliquer les nouveaux enjeux de sociétés. Voici une histoire extraite du livre « Culture libre » qu'il préparait à l'époque.

Le 17 décembre 1903, sur une plage venteuse de Caroline du Nord, en un peu moins de cent secondes, les frères Wright démontrèrent qu’un véhicule autopropulsé plus lourd que l’air pouvait voler. Le moment fut électrique et son importance largement comprise. Presque immédiatement, il se produisit une explosion d’intérêt pour cette technologie nouvelle du vol habité, et une nuée d’innovateurs se mirent à l’améliorer.

A l’époque où les frères Wright inventaient l’avion, la loi américaine stipulait que le propriétaire d’un terrain était non seulement propriétaire de la surface de son terrain, mais de tout le sous-sol, jusqu’au centre de la terre, et de tout l’espace au dessus, "jusqu’à l’infini." Les érudits s’étaient demandé depuis de nombreuses années comment interpréter au mieux l’idée que des droits de propriété terrestres puissent monter jusqu’aux cieux. Cela signifiait-il que vous possédiez les étoiles ? Pouviez vous poursuivre les oies en justice, pour violations de propriété volontaires et répétées ?

Puis vinrent les avions, et pour la première fois, ce principe de la loi américaine — profondément ancré dans notre tradition, et reconnu par les plus importants juristes de notre passé — prenait de l’importance. Si ma terre s’étend jusqu’aux cieux, qu’advient-il quand un avion d’United Airlines survole mon champ ? Ai-je le droit de lui interdire ma propriété ? Ai-je le droit de mettre en place un accord d’autorisation exclusive au profit de Delta Airlines ? Pouvons nous organiser des enchères pour déterminer la valeur de ces droits ?

En 1945, ces questions donnèrent lieu à un procès fédéral. Quand des fermiers de Caroline du Nord, Thomas Lee et Tinie Causby commencèrent à perdre des poulets à cause d’avions militaires volant à basse altitude (apparemment les poulets terrorisés se jetaient contre les murs du poulailler et en mourraient), ils portèrent plainte au motif que le gouvernement violait leur propriété. Bien entendu, les avions n’avaient jamais touché la surface du terrain des Causby. Mais si, comme l’avaient déclaré en leur temps Blackstone, Kent et Coke, leur terrain s’étendait "vers le haut jusqu’à l’infini," alors le gouvernement commettait une violation de propriété, et les Causby voulaient que cela cesse.

La Cour suprême accepta d’entendre le cas des Causby. Le Congrès avait déclaré les voies aériennes publiques. Mais si le droit de propriété s’étendait réellement jusqu’aux espaces célestes, alors la déclaration du Congrès pouvait très bien être anticonstitutionnelle, car elle constituait une expropriation sans dédommagement. La Cour reconnut que "selon l’ancienne doctrine les droits de propriété foncière s’étendent jusqu’à la périphérie de l’univers." Mais le Juge Douglas n’avait pas la patience d’écouter l’ancienne doctrine. En un simple paragraphe addressé à la Cour, il annula des centaines d’années de droit foncier :

« [La] doctrine n’a pas sa place dans le monde moderne. L’espace aérien est public, comme l’a déclaré le Congrès. Si ce n’était pas vrai, n’importe quel opérateur de vol transcontinentaux serait exposé à des plaintes sans nombre, pour violation de propriété. Le sens commun se révolte à cette idée. Donner raison à des revendications privées de l’espace aérien entraînerait une paralysie des lignes aériennes, compromettrait profondément leur développement et leur contrôle dans l’intérêt public, et reviendrait à privatiser un bien qui a vocation à être public. »

"Le sens commun se révolte à cette idée."

C’est comme ça que la loi fonctionne en général. Pas souvent de façon aussi abrupte et impatiente, mais en définitive, c’est comme ça qu’elle fonctionne. C’était le style de Douglas de ne pas tergiverser. D’autres juges auraient noirci des pages et des pages pour arriver à la même conclusion, que Douglas fit tenir en une seule ligne : "le sens commun se révolte à cette idée". Mais qu’elle tienne en quelques mots ou en plusieurs pages, le génie particulier d’un système de droit commun comme le nôtre est que la loi s’adapte aux technologies de son époque. Et en s’adaptant, elle change. Des idées qui un jour semblent solides comme le roc sont friables le lendemain.

Ou du moins, c’est ainsi que les choses se passent quand il n’y personne de puissant pour s’opposer au changement. Les Causby n’étaient que des fermiers. Et bien qu’il y eut sans doute de nombreuses personnes mécontentes comme eux de la croissance du trafic aérien (on espère quand même que peu de poulets se jetaient contre les murs), tous les Causby du monde auraient eu beaucoup de mal à s’unir et à arrêter l’idée, et la technique, que les frères Wright avaient fait naître. Les frères Wright avaient ajouté l’avion au pot commun technologique ; le concept se répandit comme un virus dans un poulailler ; les fermiers comme Causby se trouvèrent brutalement confrontés à "ce qui semblait raisonnable" étant donné la technologie inventée par les Wright. Ils pouvaient à loisir, debout dans leurs fermes, poulets morts à la main, menaçer du poing ces nouvelles technologies. Ils pouvaient alerter leurs élus, ou même aller en justice. Mais en fin de compte, la force de l’évidence — le pouvoir du "bon sens" — allait l’emporter. Il n’était pas possible de permettre que leur intérêt "privé" nuise à un intérêt public évident.


En conclusion, nous étions une centaine et dans la salle d'à côté ils étaient quelques milliers entourés de chefs de gouvernement. Plus de dix ans plus tard, Richard Stallman et Lawrence Lessig sont toujours des références mondiales. Ils attirent des centaines de personnes durant leurs conférences. Quant aux politiciens et aux gouvernements qui se sont succédés depuis lors, ils n'ont presque plus fait parler d'eux sur le thème de la société de l'information. Mais dites donc! Le temps ne commencerait-il pas à donner raison à ceux qui abordent le sujet sous l'angle des enjeux de société?


Et voici ce que Lawrence Lessig retire de cette anecdote:

"Internet a libéré une possibilité extraordinaire, de participer à la création et à l’élaboration d’une certaine culture, qui rayonne bien au delà des frontières locales. Cette possibilité a changé les conditions de création et d’élaboration de la culture en général, et ce changement menace les industries établies du contenu. Ainsi, Internet est aux fabriquants et distributeurs de contenu du vingtième siècle ce que la radio FM fut à la radio AM, ou ce que le camion fut au chemin de fer du dix-neuvième siècle : le début de la fin, ou du moins une transformation substantielle."

"Je crois qu’il était juste que le sens commun se révolte contre l’extrémisme des Causby. Je crois qu’il serait juste que le sens commun se révolte contre les revendications extrêmes faites aujourd’hui au nom de la "propriété intellectuelle".


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Sources (en option)

http://www.framasoft.net/article3117.html

http://www.onf.ca/film/RiP_remix_manifesto


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