Libération du PC par IBM

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Notions-clés : PC, modèle économique, ouverture, standardisation, commodity business, exclusivité, service.

Profils-clés : IBM, Apple, Microsoft, Google.


Une histoire vraie : au début des années 80, alors que IBM est leader du marché de l'ordinateur en général, sa direction décide de publier le plan (les spécifications techniques) permettant de construire un ordinateur complètement compatible avec ses propres ordinateurs personnels (alias personal computer, PC). Ceci permet à de nombreuses entreprises, notamment à Taïwan, en Corée ou en Chine de fabriquer des composants pour des PC IBM-compatibles : microprocesseur, disque dur, carte mère, carte graphique ou carte son peuvent donc interagir de manière identique au PC original d'IBM.

Le matériel PC devient interchangeable. On parle alors de commodity business1 en anglais. Ce terme désigne un marché où les produits sont standardisés et où la différenciation est difficile. C'est donc principalement sur le prix que se joue la concurrence.

Même s’il en découlait qu’IBM crée sa propre concurrence, cette initiative a aussi permis l’émergence d’un écosystème diversifié. Ce marché élargi s'est avéré bien plus vaste que si le PC avait été bridé par des restrictions légales (secrets, licences restrictives, etc.). Une concurrence saine est possible. Elle sert alors l'économie de marché et les intérêts du consommateur final, en suivant la loi de l'offre et de la demande.

IBM était autrefois très centré sur la conception et la commercialisation de matériels informatiques. Les services et les logiciels représentent désormais un peu plus de 80 % du chiffre d'affaires. Cette mutation en profondeur a sans doute permis à la société de perdurer, sans se disloquer, au-delà des évolutions technologiques.

Microsoft et Apple contre le partage et la compatibilité

L'entreprise Microsoft, co-fondée par Bill Gates, était au départ le principal fournisseur de logiciel système d'exploitation des PC compatibles IBM. Sa fortune s'est bâtie sur la vente des systèmes MS-DOS, renommés ensuite Windows dès 1995, car Microsoft avait un contrat d'exclusivité avec IBM pour équiper tous ses PC et ceux des autres fabricants qui produisaient des PC IBM-compatibles.

Ainsi dans les années 1980, lorsqu'IBM "libère" le mode d'emploi pour fabriquer des matériels PC (disque dur, écrans, lecteur de disque, etc.), initiant la révolution informatique grand public et bon marché grâce à la compatibilité entre pièces matérielles, Microsoft fait le contraire, elle privatise les logiciels. Avec Apple notamment, elle partage la philosophie commerciale suivante : il faut aller à l'encontre de l'éthique des informaticiens, pour lesquels partager les modes d'emploi est un prérequis à une société durable.

Malgré tous les dommages à la société qu'une incompatibilité et une privatisation peuvent engendrer, ces entreprises ont choisi de vendre des licences à chaque utilisateur de matériel informatique. Il aurait pu faire comme IBM et opter pour la vente de service (conseil, formation, adaptation, etc.) autour de matériels et logiciels compatibles entre eux.

Avec leur stratégie de privatisation de l'informatique, Microsoft et Apple ont freiné les capacités de communication entre les utilisateurs des différents matériels informatiques. Ils ont ainsi créé une fausse guerre de clocher entre les fans de Mac et les fans de PC, alors que la vraie guerre se déroule entre partisans d'une privatisation et partisans du partage des outils informatiques.

Le logiciel comme un service

La standardisation du matériel informatique, rendue possible par IBM, a déplacé la focalisation de la concurrence à un niveau supérieur, le niveau logiciel. Le matériel reste un domaine de concurrence, mais largement moindre : les prix se sont effondrés entre 1995 et 2010, l'obsolescence du matériel est moins rapide qu'au milieu des années 1990.

Et c'est là que Microsoft a tiré son épingle du jeu, en prenant une position de leader dans un monde fonctionnant sur le mode le gagnant rafle toute la mise[1]. Avec son système d'exploitation et ses logiciels de bureautique, Microsoft a verrouillé le marché de l'ordinateur personnel.

Cependant, une autre révolution est en train de se dérouler : le système d'exploitation est en train de devenir également un commodity business, car de plus en plus de logiciels ne tournent plus sur la machine de l'utilisateur, mais sur un serveur internet : l'ordinateur client ne sert que de terminal de commande sans rôle critique.

L'ère de la suprématie du logiciel est en passe d'être supplantée par celle des services : on parle par exemple de SAAS, Software As A Service (le logiciel comme un service), pour désigner le fait qu'on ne possède plus le logiciel, mais qu'on y accède : on loue un droit d'accès qui nous permet de bénéficier de ressources (stockage d'information, temps de traitement des requêtes...). Dans ce domaine, Google semble avoir en 2013 une longueur d'avance sur la compétition, par exemple avec Google Docs. Mais on peut logiquement s'attendre à une riposte du monde du Libre qui va chercher à éviter un monopole qu'il estime sclérosant pour le commerce, la qualité des services et les libertés individuelles[2].

Notes et références

  1. En anglais : Winner-take-all. C'est-à-dire qu'il n'y a pas souvent une multitude de gagnants dans le monde du logiciel, mais généralement un leader et un ou deux challengers. Les autres restent marginaux ou sont sur des marchés étroits, spécifiques (on parle de niches).
  2. Une initiative libre vise exactement à combler ce vide : UNG Docs (UNG's Not Google Docs, UNG n'est pas Google Docs)