Longue traîne

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...ou comment les petits ruisseaux font les grandes rivières

Contrairement aux librairies traditionnelles dont le chiffre d'affaire repose essentiellement sur la vente de quelques best-sellers, les librairies en ligne tirent la plus grande part de leurs bénéfices non pas de la vente des meilleurs titres, mais de la vente de l'ensemble des livres les moins lus.

La longue traîne ("Long Tail" en anglais) est une théorie qui décrit cette structure particulière du marché sur Internet. Le modèle économique ne repose plus sur une offre limitée d'articles produits à grande échelle, mais sur une offre très variée d'articles produits à peu d'exemplaires.

Ce cas de figure se manifeste particulièrement lorsqu'il s'agit d'audiences comme le révèle l'analyse de la fréquentation des sites Web : les 100 sites Web les plus visités reçoivent autant de visiteurs que les 900 sites suivants. Si on extrapole en considérant non pas seulement les 1 000 premiers sites, mais les 10 000 ou 100 0000 suivants, on se rend compte que la part des sites les plus fréquentés devient de moins en moins significative par rapport à l'audience générale du Web.

Cette nouvelle approche suggère un modèle économique basé non plus sur la quantité, mais sur la diversité.

L'économie de niches

Il s'agit non plus de vendre les produits phares en grande quantité, mais un large éventail d'articles moins demandés, en quantités plus limitées. La longue traîne illustre la transition d'une économie basée sur la rareté vers une économie basée sur l'abondance. Enfin, cette conception modifie en profondeur la structure de l'économie qui ne reposerait plus sur quelques grands producteurs, mais sur une myriade de petits producteurs : on passe ainsi d'une économie de masse à une économie de niches.

Ce phénomène s'explique par le passage de la distribution physique à la distribution assistée par le numérique. D'une part, Internet permet à un vendeur de proposer une gamme quasi infinie de produits. D'autre part, l'information sur les produits circule avec une plus grande fluidité.
Par exemple, dans le cas de la librairie en ligne, les recommandations de lectures peuvent mettre en avant des livres peu achetés ou même tombés dans l'oubli, grâce à des liens établis en fonction des thèmes, des auteurs ou des recommandations d'autres lecteurs, voire des achats combinés constatés par le système informatique. Le phénomène s'accentue dans le monde des produits 100 % numériques, où la reproduction et le stockage d'un bien (par exemple, un fichier musical MP3) ne coûte rien. Ainsi, la vente de quelques unités suffit pour que cela soit rentable pour le distributeur.

Une prédiction plus qu'une réalité

C'est en 2004, dans la revue Wired, que Chris Anderson publia l'article mettant en lumière cette figure particulière. Depuis lors, des études ont remis en cause la validité de sa théorie.

Il semblerait en effet que la diversité de la consommation ne corresponde pas à la richesse de l'offre proposée. Par exemple, en ce qui concerne la vente de musique en ligne, sur 13 millions de titre proposés, près de 10 millions ne sont pas vendus et moins de 10 % des produits représentent 90 % des ventes, soit l'inverse de ce que prédit la théorie de la longue traîne.

Par ailleurs, tous les acteurs économiques ne bénéficient pas de la longue traîne. Par exemple, dans le domaine culturel, les éditeurs et les auteurs seraient les grands perdants au détriment des distributeurs. En effet, ces derniers peuvent vendre avec profit un seul exemplaire, en revanche cette vente ne permet ni à l'auteur ni à l'éditeur d'être suffisamment rémunérés.

Toutefois, si les critiques sont nombreuses, elles s'accordent en général sur un point. La longue traîne n'est pas une loi mécanique comme celle de la gravité, mais un modèle économique en puissance. Cela signifie que les conditions pour que ce modèle se réalise ne sont pas encore réunies et doivent être développées. Parmi ces condition, l'évaluation par les consommateurs eux-mêmes grâce à des systèmes de recommandations, hors des circuits de distribution traditionnels[1]. Les réseaux sociaux tendraient justement à faciliter ce type de référencement.

Enfin, le modèle reste valide lorsqu'il s'agit de la structure de l'audience sur Internet, qui correspond bien à la forme de la longue traîne. C'est d'ailleurs, faut-il le souligner, la transposition d'une analyse portant sur l'audience des blogs dans le domaine commercial qu'est née la théorie de la longue traîne telle que Chris Anderson l'a popularisée.

Et autres théories

Au cœur du Web 2.0, quatre théories se traduisent par des applications à travers les outils développés sur Internet :

  1. la « longue traîne » qui remplace la loi de Pareto sur le Web : « le poids représenté par les produits rares est au moins équivalent à celui des produits phares ». Elle se vérifie avec les titres proposés sur Amazon, ceux téléchargés sur iTunes Music Store, à travers les clips visualisés sur YouTube, les mots saisis dans les recherches des moteurs, etc. ;
  2. la loi de Metcalfe : l'utilité d'un réseau croît de façon proportionnelle au carré de ses membres (même si dans la réalité celle-ci est à nuancer car certains membres sont plus actifs que d'autres) ; La Loi de Metcalfe dit simplement que plus il y a d'utilisateurs dans un réseau, plus ce réseau aura de la valeur.
  3. la loi des médias participatifs ou loi des 1/10/89 pour-cents : 1 % des internautes publient du contenu, 10 % participent (ex. : commentaires, votes, évaluations) et 89 % consultent simplement les informations sans intervenir ;
  4. l'effet du « petit monde » que l'on observe à travers les réseaux sociaux où la distance moyenne (c'est-à-dire le nombre d'intermédiaires entre deux personnes) qui sépare deux individus pris au hasard est de cinq ou six.

Loi de metcalfe selon Fernando S. Aldado.jpg Représentation de l'effet de réseau à travers un simple réseau de téléphone. Par Derrick Coetzee (Wikimedia Commons)


Notes et références

Annexes

Liens externes