Natifs et migrants numériques

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« Non, tu n'as pas été téléchargé : je t'ai mis au monde ! »
Le savoir au bout des doigts…
Un digital migrant en difficulté
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Un quiz pour l'apéritif

Question : Je m'impatiente très vite. J'ai tendance à fuir les bancs d'école. Je ne prends du plaisir à apprendre qu'à travers le jeu et la consommation. Je suis à l'aise pour accomplir plusieurs tâches à la fois. J'ai de bonnes intuitions. Je suis flexible. Le compliment qui me touche le plus, c'est lorsqu'on me dit que je suis un être spécial et unique. Qui suis-je ?

Réponse

A) Un rebelle moderne

B) Un génie informatique

C) Un digital natif

Selon plusieurs études[1], la bonne réponse serait « digital natif » – en anglais digital native.

À la différence des « digital migrants », qui doivent progressivement se « reprogrammer pour adopter de nouvelles pratiques bizarres et ne pas se retrouver exclus », les natifs numériques, ont intégré dès l'enfance à leur quotidien les outils numériques tels que l'ordinateur et le téléphone portable. Pour les natifs, le monde numérique est naturel. Ainsi les enfants d'aujourd'hui savent de plus en plus souvent photographier avec un smartphone avant même de savoir lire. L'écrivain et chercheur Joël de Rosnay les décrit comme des sortes de mutants, à qui on ne fait que trop rarement confiance. On les dit superficiels, incapables de se concentrer, n'appréciant que l'ultrarapide. Mais ces défauts peuvent se retourner en qualité et favoriser la spontanéité, l'interactivité, la gratification spontanée, la solidarité, le partage, la gestion naturelle de la complexité, la vision stratégique…

Encadré : Néologisme

Nous vivons le passage spectaculaire de l' Homo Sapiens à l' Homo Numéricus. C'est d'ailleurs l'expression du chercheur français Pierre Mounier, auteur précurseur du livre Les maîtres du réseau et du blog Homo Numéricus, sous-titré « Comprendre la révolution numérique ».


Le chemin vers la qualité

Une phrase du film The Matrix est restée célèbre : « Certaines choses changent, et d'autres ne changent pas. » Même si les digital natifs disposent de nouvelles compétences par rapport aux générations qui les ont précédées, l'époque et l'environnement contemporains ne doivent dispenser personne de l'effort tendant à la connaissance de soi : c'est là une base incontournable si l'on espère connaître l'univers. La culture numérique, qui est née elle aussi au cœur de la société de consommation et continue d'y baigner, comporte de nombreux effets pervers qu'il est essentiel de savoir identifier et éviter. C'est ainsi que certains de ses « usagers » se laissent dominer par l'outil et échouent par conséquent à mettre en place, à l'égard du numérique, une démarche durable, saine et méritocratique.

Le défi principal consiste à résister à la dictature de l'immédiat – à l'impatience – et à la tentation de rejeter loin de soi toute responsabilité, par manque de suivi et de finalisation de ses « faits et gestes numériques ». Or apprendre à respecter ses engagements, à préserver et à magnifier les biens communs, sont des démarches indispensables, qui le demeureront tant que nous resterons nous-mêmes en devenir, membres d'une espèce en voie d'hominisation.

Dans un effort de dialogue et d'enrichissement mutuel, chacun d'entre nous, qu'il soit digital migrant ou natif, est donc à même de proposer des grilles de lecture pertinentes, complémentaires par leurs différences, et non exclusives. L'important reste la transmission, la connaissance des clés de la culture du numérique et des enjeux qu'elle pose.

Les propriétés sociotechniques du numérique s'apprécient par raffinements successifs. Leur compréhension ne s'affine que progressivement. Insuffisante, elle peut, sur certaines périodes, donner lieu à des déviances ou à des excès dans l'usage des outils numériques. En la matière la vigilance est donc requise : l'excès est toujours nocif — le mieux est l'ennemi du bien. Et « science sans conscience n'est que ruine de l'âme ».

Encadré : The power of NOW

Une étude réalisée par la BBC a chiffré à neuf secondes la tolérance moyenne de l'utilisateur à l’attente sur l'Internet. Le temps moyen passé sur un site est, lui, de cinquante-six secondes. 65 % des digital natives considèrent l'Internet comme leur première source d’information. Entre 2008 et 2009[2], le temps consacré par les internautes aux réseaux sociaux a augmenté de 200 %. Et 74 % des 11-15 ans utilisent désormais le Net pour communiquer entre eux.

Encadré : L'école de demain

En France, selon une étude réalisée par Le Monde de l'éducation ainsi qu'une étude BVA pour France Info[3] [4], seuls 30 % d'étudiants se disent satisfaits du système éducatif, contre 60 % il y a moins de 20 ans. Il est vrai que l'utilisation de l'Internet et des outils numériques se développe fort peu à l'école. Dès lors les digital natives supposent, intuitivement, qu'ils apprendront davantage hors du cadre scolaire. La culture participative n'en émerge pas moins, petit à petit, en milieu scolaire, et de nombreuses initiatives d'enseignants vont dans le sens des nouveaux paradigmes de la culture numérique : utiliser Wikipédia à l'école, encourager les élèves à partager leurs savoirs sous la supervision du professeur…


Traits positifs et négatifs

Positifs :

  • Travailler en multitâche, cool, en jouant ;
  • Approche intuitive, apprend en faisant ;
  • Culture hypertexte, très flexible.

Négatifs :

  • Importance de la consommation et des loisirs ;
  • Dictature de l'immédiat, frustration rapide ;
  • Demande de reconnaissance individuelle.

Source : Le Monde de l'éducation, avril 2008. Dr Olivier le Deuff.


Encadré : Gamers

Ils symbolisent très bien les digital natives. Gamers, c'est le nom que se donnent les amateurs de jeux électroniques. Or à leur propos circulent de nombreux stéréotypes, émanant le plus souvent de commentateurs dépourvus de la moindre expérience en la matière : ils réduisent les gamers à des caricatures de princes sauveurs de princesses ou de tueurs nihilistes évoluant en permanence au sein d'univers ultraviolents.

Ce qu'ignorent ces observateurs inquiets, c'est qu'avec la culture Internet, les jeux ont considérablement évolué. La plupart d'entre eux traitent de sujets sérieux : l'édification d'une ville, la gestion d'une ferme, l'animation d'un collectif, la levée de fonds à objet social… Si le risque de dépendance au jeu existe, il ne faut pas pour autant négliger ses aspects positifs. Aujourd'hui, ceux qui sont nés avec les jeux sur écran sont trentenaires. Ils ont mûri et les jeux avec eux. Si l'esprit ludique permet, au final, de mieux s'engager dans des projets concrets, le passage par l'étape du jeu virtuel prend tout son sens.

Source : Maîtres ou esclaves du numérique, Benoît Sillard.


Notes et références

  1. http://www.digitalnative.org/#home ; http://www.marcprensky.com/
  2. Social Networking and Blog Sites Capture More Internet Time and Advertising, 24 septembre 2009 : http://blog.nielsen.com/nielsenwire/online_mobile/social-networking-and-blog-sites-capture-more-internet-time-and-advertisinga/
  3. L’élève numérique : comment pensent et apprennent les Digital Natives ? mai 2008.
  4. http://www.liberation.fr/societe/01012347505-l-education-priorite-n-1-des-francais-devant-l-emploi

Annexes

Liens externes