Passage des -isme en -ité

De Wiki livre Netizenship

Hominisation, transition, paradigme, adaptation, howto.


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« Il est devenu presque banal de constater l'échec de deux projets de sociétés : celui qui est offert par le capitalisme sauvage et celui qui est offert par le communisme bureaucratique. Mais il est plus difficile de définir la troisième voie vers laquelle nous nous engageons. » Joël de Rosnay, Le macroscope - Vers une vision globale [1].

Processus d'hominisation

Une transition intéressante est aujourd'hui à l'œuvre : la transformation des -ismes en -ité. Elle induit la notion d'un retournement radical de modèle, plus précisément le glissement d'un modèle dominant transmis verticalement à un public passif à un modèle privilégiant des savoir-faire et des pratiques transversaux, raisonnés et responsables. Cette transition s'accompagne nécessairement d'un « Net » changement de comportement.

Selon l'ancien paradigme, les différents choix de modèles de société se nommaient capitalisme, communisme, socialisme . Dans une société globalisée où tout est relié, il n'est plus question de modèle, mais de boîte à outils. Il faut être capable de passer en permanence d'un modèle à l'autre et savoir s'adapter en fonction des contextes.

Les réalités sont de plus en plus nuancées et l'on voit émerger de nouvelles formulations telles « sociabilité », « compatibilité » ou « évolutivité ». Le suffixe -ité évoque la fluctuation qui remplace ou complète, selon les croyances, la notion de tendance. On parle ainsi de « degré » d'adaptabilité, de créativité, de fonctionnalité… et non plus de « tendance » capitaliste ou communiste.

L'adaptation, de fait, est la clé du succès : il s'agit désormais de modifier ses critères d'analyse en fonction de l'évolution culturelle. Certaines méthodes ou recettes connues, comme le système D, font d'ailleurs figure d'embryons du nouveau paradigme. Nous sommes constamment confrontés à d'autres modes de fonctionnement. La diversité des cultures et des approches se mélange dans notre tête, dans nos pratiques quotidiennes, dans notre être tout entier. Nous passons d'un système de pensée unique, qui rejette tous les autres, à une combinaison de systèmes de pensée et de modes d'actions plus riches, plus complets et bien plus variés.

C'est cela, le processus d'hominisation : la maîtrise d'une part toujours plus grande de notre potentiel humain, grâce à la maîtrise de dynamiques qui nous semblent a priori plus complexes. La boîte à outils, en effet, est plus complexe. Les conditions du succès ici ne seront pas les conditions du succès là-bas. Le développement de l'usage de termes dotés du suffixe -ité atteste que les choses sont moins tranchées et manichéennes qu'elles ne le furent (comme dans l'opposition classique des systèmes communiste et capitaliste).

Les technologies numériques sont au cœur de cette évolution car elles donnent accès à tous et en tout temps à l'ensemble des outils permettant de passer d'un mode de fonctionnement à l'autre, d'une grille de lecture à l'autre, d'un indicateur à l'autre. Ainsi, nous développons tous des capacités de sociologue, en analysant les comportements humains, ou des pratiques de journaliste, en sélectionnant des informations, en les échangeant et en les mettant en perspective.

Ce passage révèle celui d'une culture théorique à une culture de mécanismes pratiques. Il est d'autant plus ardu qu'il nous demande non seulement de participer à la création ou à l'adaptation de ces modes de pensée mais aussi de les incarner. On ne peut plus se contenter de dicter comment les choses doivent être faites, il faut aussi les mettre en œuvre, les habiter pour les faire vivre.

Certaines activités permettent d'identifier et de réunir des pratiques qui pourraient sembler contradictoires. C'est le cas de l'entrepreneuriat social, un concept qui encourage aussi bien la dynamique entrepreneuriale que la culture du bien commun. Les pionniers du changement sont les précieux passeurs requis par cette grande transition.

Une transition difficile

Tout le monde est d'accord sur l'urgence de promouvoir des pratiques vraiment durables. Il est plus difficile de définir ces pratiques. La progression semble suivre le principe du « trois pas en avant, deux pas en arrière, puis trois pas en avant à nouveau ». Au niveau scolaire et universitaire, les étudiants sont de plus en plus nombreux à rejeter le système qui leur est imposé. Ils réclament une école beaucoup plus flexible, modulaire, moins dogmatique, qui réduise le contrôle exercé par les enseignants, qui favorise l'entraide entre étudiants. Les mêmes aspirations s'expriment dans le champ politique, de plus en plus d'organisations de la société civile choisissent de s'engager pour peser dans le processus politique, mais sans présenter de candidats aux élections : elles ne se posent pas en mouvements politiques. Elles revendiqueraient plutôt le droit à une citoyenneté active. Cette dynamique citoyenne a certes toujours existé, mais elle est plus visible aujourd'hui que jamais.

Imaginez la suite…
Le royaume des howto

On apprend aujourd'hui de plus en plus par soi-même. « Howto » vient de how to [do] (comment faire). L'internet est le nouveau royaume des Howto. Toute pratique y est documentée. Souvent sous forme résumée, pas toujours suffisante pour aller au bout des choses, mais souvent pensée pour aider les moins expérimentés. Ainsi, dans une volonté de simplification, les modes d'emploi laissent de côté certains détails réservés aux experts.
Chercher un mode d'emploi permet d'entrer dans la culture des « Howto ». Concentrés, dans un premier temps, sur les différentes manières de résoudre un problème informatique, les « Howto » ont vite débordé dans tous les domaines  : recettes de cuisine, conseils santé, auto-construction d'habitat, réparation de machines, mais aussi relations de couple, etc. Un problème, une question ? Tapez « comment » suivi de votre question, affinez la recherche et vous trouverez. Essayez, testez, puis modifiez ou commentez si le mode d'emploi déniché n'est pas assez clair. À travers les « Howto », c'est l'adaptabilité et la participativité qui s'expriment. Encore deux concepts en -ité

Vingt-et-un critères pour comprendre les deux tendances au XXIe siècle

Pour prendre les bonnes décisions, il importe d'abord d'avoir défini de bons critères d'analyse. Il est à cette fin indispensable de connaître les différentes visions du monde (croyances) qui sous-tendent chaque critère.

21 critères pour 2 tendances
Tendance et croyance anthropocentriste, l’homme est au centre de l’univers. Tendance et croyance géocentriste, la Terre est au centre, l’homme en fait partie, il est gardien de la planète
Cloisonnement Ouverture
Statique Dynamique
Conformisme Adaptabilité
Incompatibilité Compatibilité
Démesure Modération
Invariabilité Évolutivité
Autarcie Mutualisation
Institutionnalisation Modélisation
Répression Prévention
Monolithisme Modularité
Ignorance Attention
Non formalisation Formalisation
Homogénéité Diversité
Opacité Transparence
Mécanique Organicité
Non coopération Coopération
Spéculation Valorisation
Centralisation Décentralisation
Éloignement Proximité
Exclusivité Non exclusivité
Dispersion Finalisation


Notes et références

  1. Edition Le Seuil, 1977