Quand écologie et informatique font bon ménage

Avez-vous déjà appelé une hotline, par exemple pour acheter un billet de transport, pour l'avion, le bus ou le train? Ou pour un problème informatique ou de téléphone portable? Ou encore pour une question médicale ou d'assurance? Souvenez-vous: on vous a demandé votre numéro de client et on vous a peut-être donné un numéro dit « numéro de ticket ». Ce numéro était lié à la requête spécifique que vous faisiez. C'est le principe de traitement des requêtes par système informatique qui est intéressant. Pourquoi? Parce qu'il permet d'assurer que chaque personne est unique et que chaque requête est spécifique. Concrètement, lorsque vous formulez un besoin, quel qu'il soit, une personne au téléphone où en proximité va mettre par écrit votre besoin et le transférer à la bonne personne pour traitement. Vous avez un numéro de ticket, vous pouvez donc savoir où en est le traitement de votre requête. La requête peut être en cours de traitement, en état de validation ou fermée. L'état de validation, ça veut dire que c'est à vous de dire que vous êtes satisfait et que la requête est fermée, ou en état de bouclement parce que vous avez déjà exprimé votre satisfaction et que le problème est réglé, ou alors le besoin est satisfait. De l'autre côté lorsque vous allez dans un supermarché, vous achetez un produit et il vous vient un code barre. La caissière scanne ce code barre avec un lecteur laser et le prix s'affiche. Ce système permet aussi au vendeur de savoir le nombre de produits disponibles, de gérer ses stocks, de gérer aussi les heures de livraison, etc. Tous ces systèmes permettent de faciliter la communication entre les clients, les fournisseurs et les prestataires de services. L'intérêt de ces systèmes est que c'est plus facile. Et on ne peut pas tricher. On ne peut pas dire: « Mais je vous avais dit que j'avais un problème avec mon ordinateur, j'ai parlé avec telle autre personne, je vous assure, elle a pris note de mon dossier. » « Ah oui? Quel dossier? Quel numéro de ticket? » « Ah mais je n'ai pas de numéro de ticket! » Et donc sans numéro de ticket, sans suivi, c'est toujours plus difficile d'avoir l'assurance que les choses sont bien faites. Il suffit que quelqu'un tombe malade et l'information est perdue. Il suffit qu'il y ait un malentendu et c'est difficile, on perd du temps. Alors qu'avec le système des tickets, même si ce n'est pas parfait, ça met beaucoup d'huile dans les rouage. Hors, c'est ça qui est intéressant pour un centre d'Ecologie communautaire. Au-delà de la finalité de protéger la nature et de développer ses capacités humaines, il y a tous les problèmes de communication qui sont autant de parasites, de freins, de stress pour atteindre un objectif de pratique vraiment durable. C'est là que l'informatique peut intervenir. Non pas pour remplacer l'humain, mais pour faciliter la communication, l'échange.

Souvent, il est compréhensible d'associer l'image d'une omniprésence informatique à l'image de Big Brother, comme si nous étions surveillés en permanence par les machines. Mais dans l'Ecopol c'est le contraire. L'informatique et les machines en général sont au service de l'homme, elles ne sont pas intrusives et sont utilisées avec conscience de manière modeste, modérée et malgré tout de manière profonde car elles facilitent grandement la communication entre les personnes. Le défi est de l'utiliser de manière appropriée. Le mouvement qui a le mieux réussi dans ce domaine est le mouvement du logiciel libre. Ce n'est pas un mouvement technologique, c'est un mouvement qui a fait un choix de société de donner à chacun la possibilité d'utiliser des outils informatiques qui fonctionnent honnêtement sans vis cachés. Ceci permet une gestion durable et éthique de l'information. Sur la base du mouvement logiciel libre ont été développés de nombreux comportement de société comme le fait de permettre à chacun de voter ou de recevoir des alertes par e-mail ou sms en fonction des thèmes et des besoins qu'ils ont exprimés. Par exemple, pour l'écoville, de recevoir des alertes quand des règles évoluent dans des domaines qui les concernent ou d'être averti si des possibilités de travail, de voyage ou de rencontre sont possibles. De nombreux gouvernements et entreprises ont eux-aussi adopté la culture des logiciels libres. Au-delà du fait que les coûts sont moindres, c'est un choix de société. Cela permet de mettre en valeur les contributions de chacun et d'assurer un partage du savoir auprès de tous. En effet, si tout le monde accède au savoir il y a plus d'équité des chances, ce qui permet à chacun de se développer, que ce soit dans l'Ecopol ou ailleurs.

Le fait de fusionner le respect de la nature des Ecolieux et les modes de gestion communautaire du logiciel libre a beaucoup d'avantages, notamment celui d'unir innovations technologiques et innovations sociales. Il en est comme exemple les gens qui veulent organiser des cours ou informer sur de nouvelles pratiques sociales comme un nouveau mode d'usage de l'eau ou un nouveau mode de gestion des conflits. Ces gens pourront facilement diffuser ces innovations et communiquer auprès de tous ceux qui sont intéressés et auront donc mis dans leurs préférences qu'ils souhaitent recevoir une alerte lorsque des opportunités se présentent.

Deuxièmement, l'avantage de la trace. On appelle aussi ça la traçabilité. C'est le fait d'éviter que les erreurs se répètent, et inversement, d'éviter que ceux qui contribuent ne soit pas reconnus. Grâce à la trace, on peut voir réellement qui accède à quoi. Très concrètement, si quelqu'un vient dans l'Ecopol et dit qu'il a un bateau privé et propose à cinq personnes de faire une croisière, ce ne doit pas être les cinq personnes qui étaient par hasard au resto en même temps que lui qui doivent bénéficier en priorité de cette merveilleuse opportunité. Ce doit être ceux qui ont donné la preuve par les traces qui sont dans la base de donnés qu'ils ont été le plus souvent des volontaires, en dehors des heures de travail où ils généraient des revenus. Par exemple, qu'ils contribuaient à l'entretien et au nettoyage des espaces communs, à l'animations d'activités culturelles, à s'occuper des enfants en bas âge pendant les réunions de groupe, bref, qu'ils se dédiaient à mettre de l'huile dans les rouages et doivent pouvoir en contrepartie être reconnus comme ceux qui méritent d'accéder en priorité aux opportunités telles qu'une mini-croisière en bateau.

Le troisième avantage est que l'informatique permet de voir qui fait quoi réellement et ainsi de partager les charges de manière plus équitable. L'équité totale n'est jamais possible mais l'informatique permet de réduire les injustices. Par exemple quand l'un dit qu'il a le sentiment que telle situation se produit ou que telle chose est injuste, il est plus facile d'aller voir dans la réalité qui a vraiment accès à quoi. Plus largement, l'informatique permet de réduire les écarts entre la théorie de l'écologie et la pratique de l'écologie, à tous les niveaux; traitement des déchets, relations sociales, partage des savoirs etc.

Un autre avantage essentiel est de réduire la dépendance à un groupe de pionnier. En effet, dès les début les informations de base telles que pourquoi tracer une route ici, pourquoi choisir telle source d'énergie renouvelable plutôt que telle autre source d'énergie renouvelable, pourquoi mettre comme règle qu'il faut X mois pour que quelqu'un ait le statut de résident plutôt que Y mois, etc., ont toutes été documentées. Tout cela ayant été discuté avec des traces informatiques que ce soit avec des enregistrement vidéo, avec des enregistrements audio ou des texte écrits, cela permet de retourner à la source et d'éviter de refaire le débat ou plus grave, de perdre l'information. Ainsi, les pionniers initiaux ne sont pas indispensable pour assurer la durabilité du lieux et s'ils choisissent de le quitter ou si simplement après quelques dizaines d'années ils arrivent en fin de vie, il y a l'assurance que les nouveau arrivants puissent trouver les arguments dans la base de donnée qui justifient pourquoi et comment les choix ont été fait pour que tel et tel critère qualité aient été adoptés. Et ce, quel que soit le domaine: l'énergie, l'éducation ou l'alimentation. Les responsables peuvent ainsi faire évoluer les choses en douceur sans prendre de grandes décisions risquées et en ayant toujours l'assurance d'avoir l'appui bienveillant des contributeurs précédents qui ont laissé des traces.

Un autre avantage est de développer des services de formation continue. Il est toujours facile pour quelqu'un de dire avoir telle compétence, par exemple savoir comment accueillir un nouvel arrivant et lui montrer le mode de fonctionnement en dix points. Mais si il n'y a pas une plateforme web évolutive et mise à jour de manière participative, il sera beaucoup plus difficile pour cette personne de faire réellement un bon travail d'intégration d'un nouvel arrivant. Grâce à cette plateforme où seraient clairement expliquées les modalités d'intégration des nouveaux résidents et où il y aurait une liste de vérification indiquant que le nouvel arrivant a été reçu et qu'il a reçu la liste de démarrage, ou encore qu'il a reçu des explications sur le traitement de l'eau et sur l'usage des shampoings et savons qui doivent être uniquement des savons et shampoings naturels sans produits toxiques etc., etc., son travail sera grandement facilité. Voilà pourquoi quel que soit l'activité il est important que la notion d'école technique et de centre de formation ne soit pas basée sur les savoirs spécifiques de certains formateurs, mais bien sur les savoirs largement disponibles sur une plateforme web comme un wiki.

Enfin, un autre avantage est que cela permet de traduire en plusieurs langues les règles, les modes de fonctionnement, les outils de gestion, les listes de vérification, les critères qualité et les activités d'événements. Il y a donc une possibilité de gérer les versions et de traduire une meilleure implication de tous les acteurs internationaux qui viennent ponctuellement ou durablement partager les activités d'Ecopol.

En conclusion, ce n'est pas Internet qui est intéressant c'est l'existence même du numérique. Comme l'eau et l'air, le numérique a des propriétés qui sont le fait que les informations et donc les relations humaines que le numérique facilitent peuvent être:

• décentralisées: pas d'instance pivot
• multilatérales: de plusieurs à plusieurs
• asynchrones: chacun à son rythme
• instantanées: transfert d'informations quasiment immédiat
• symétriques: tout le monde est au même niveau

Ces cinq propriétés sont probablement la pièce maîtresse nécessaire pour les écolieux. Effectivement, les écolieux sont nombreux mais ne sont pas connus du grand public car leur fonctionnement est artisanal. Grâce à l'information des écolieux, ils pourront être utilisé par un très grand nombre dans un usage industriel. Non pas au sens de pollution mais bien au sens d'usage par un très grand nombre avec des modes de fonctionnement précis qui font qu'on ne peut pas en abuser. Donc grâce aux outils informatiques ces modes de fonctionnement peuvent devenir une source d'information et d'espoir face aux défis du XXIème siècle.

L'ensemble des échanges de biens et de services est géré par un système informatique (plate-forme web) accessible de manière décentralisée. Chacun peut présenter des requêtes et traiter les requêtes en attente, en fonction des micro-compétences déjà validées, sur 2 niveaux : expérience (savoir faire dans les situations courantes) et expertise (savoir faire dans des situations complexes). Un service de téléphonie interne gratuit et largement disponible permet de faire appel à des médiateurs Internet pour aider à formuler et introduire toute requête. Ainsi les habitants n'ont pas à accéder personnellement à un écran d'ordinateur plus que 2 à 6 heures par semaine pour gérer leurs activités.