Sagesse des foules

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(Travail d'édition en cours: merci de faire remarques et soumettre idées dans onglet discussion)

Mots clés :

-intelligence collective : elle se base sur l'échange et l'influence réciproque issus du débat -forums, des communautés virtuelles constructives et transparentes- et ne contribue pas nécessairement à un projet commun.

- sagesse des foules (crowdx) : notion basée sur l'esprit de contribution de nombreux anonymes à un projet commun, sans nécessairement connaître et échanger avec les autres contributeurs


Au commencement était la simplicité : lorsqu'on voulait acheter des denrées alimentaires, il suffisait d'aller directement chez un paysan. Les produits passaient d'une main à l'autre. La chaîne de distribution alimentaire s'est aujourd'hui considérablement ramifiée. Il serait difficile de faire le compte des intermédiaires, acheteurs, grossistes, sous-traitants ou conditionneurs avant que les aliments n'arrivent emballés dans les rayons d'un grand supermarché. De simple, l'écosystème est devenu complexe.


Encart : Le crowdfunding Le nombre potentiellement important de contributeurs présents sur les réseaux numériques peut être utilisé pour financer des projets divers. Même si individuellement les sommes versées sont petites, le nombre de versements permet de rassembler rapidement une somme importante. Cette stratégie a été récemment utilisée pour financer des enquêtes ou des entreprises journalistiques (http://www.jaimelinfo.fr/ - https://www.propublica.org/site/donate/ )

Encart crowdsourcing et action humanitaire : développer cet article http://www.infosud.org/spip.php?article8436

Encart : limites éthiques Phishing, fiabilité

La plus grande encyclopédie du monde, Wikipedia compte aujourd’hui 16 millions d’articles dans plus 270 langues. Avec plus de 300 millions de pages vues par mois, c’est l’un des sites web les plus consultés au monde. Il est aussi fiable que l’Encyclopeadia Britannica. Combien d’employés pour cet indéniable succès ? Une trentaine. Mais 100 000 contributeurs volontaires actifs. Linux, le système d’exploitation développé sur une base coopérative et volontaire coûterait aujourd’hui plus de 10 milliards de dollars s’il devait être développé selon des méthodes traditionnelles. Il est largement utilisé : du contrôle aérien aux systèmes téléphoniques en passant par des centrales nucléaires ou certaines voitures. Comment expliquer ces deux miracles économiques ? Quelles perspectives ouvrent-ils ?

La révolution de la co-création à grande échelle

Ronald Coase, dans son ouvrage Theory of the Firm, explique que les entreprises se forment lorsque les coûts de transaction du marché deviennent plus grands que ceux qui pourraient être générés en interne par une société. Mais, dans les années 90, l’outsourcing a été stimulé par la baisse des coûts de transaction initiés par la globalisation de l’économie. Ces baisses des coûts de transaction seront le moteur de la transformation des entreprises qui commencent alors à fonctionner en réseau. Aujourd’hui, avec le crowdsourcing, leur baisse est proportionnelle à l’accroissement de l’efficacité des solutions techniques proposées. On assiste donc bien à un changement radical de la notion d’entreprise. Par exemple, une quarantaine d’entreprises, dont Procter & Gamble, utilise le site InnoCentive afin de résoudre certains « défis » liés à l’innovation. Elles ont ainsi accès à un nombre important de contributeurs sans même avoir à les employer. Jeff Weedman, le vice président en charge de la recherche pour le groupe explique : « P&G emploie 9000 chercheurs. Cela peut sembler beaucoup. Mais il existe un million et demi de scientifiques et de chercheurs spécialisés dans nos domaines de recherches dans le monde. Que faire ? Se contenter des 9000 ou utiliser le million et demi restant1 ? » Cet accès illimité à l’intelligence collective est l’une des clés du monde en réseau. Grâce à ces nouveaux paradigmes, l’économie parvient à s’affranchir de nombreuses contraintes d’ordre matériel. Weedman enfonce le clou : « ce changement de modèle économique évite de dépenser de plus en plus pour la recherche et le développement avec des retours sur investissement de plus en plus faibles. » Aujourd’hui, plus de 50% des innovations de P&G sont crowdsourcées2. C’est un véritable tremplin pour la créativité et l’innovation. Le caractère immatériel des nouvelles transactions n’est pas nouveau. L'information –par définition immatérielle- est au cœur de nombreux produits. De nombreuses sociétés cotées en Bourse ancrent leur activité dans la production immatérielle. Seth Godin3 précise : « Il y a vingt ans, les 100 premières entreprises du classement Fortune 500 tiraient leur richesse de l’exploitation des sols ou de la transformation de matières premières (…) Aujourd’hui, seules 32 de ces entreprises fabriquent des objets (…) Les 68 restantes travaillent surtout sur des idées. » Il est cependant possible d’établir un lien étroit entre production immatérielle et matérielle.

Quand l’immatériel se matérialise Un article du magazine Wired, intitulé Atoms are the new bits, explique comment les trois gars dans un garage des années 2000 peuvent devenir de véritables usines miniatures –« micro-factories »- et fabriquer des voitures, des drones, ou même un réacteur à fusion nucléaire, qui permettrait de produire de l’énergie propre. L’expertise se singularise et devient accessible. Nous sommes en train de passer d’une économie de l’échange et de la production à une économie de pollinisation et de contribution. De nombreux domaines sont concernés. Les télécommunications, l’éducation ou les biotechnologies mais aussi l’architecture et la l'exploitation minière. Si la plupart de ces initiatives qui utilisent des outils collectifs sont en open-source –chacun a donc la possibilité de reproduire et de modifier une idée- elles peuvent aussi rapporter de l’argent. La rentabilité et le partage ne sont pas antinomiques.


Un nouveau modèle économique Transformation de la propriété intellectuelle qui devient droit de distribution dans l’économie des biens collectifs, mise à disposition gratuite de logiciels et de prototypes, travail collaboratif non rémunéré. Les nouveaux paradigmes ont de quoi ébranler les tenants d’un modèle économique classique. Il n’est donc pas surprenant que les gouvernements cherchent à verrouiller et à réglementer les réseaux selon les anciens paradigmes de la propriété intellectuelle, ignorant ainsi leur potentiel d’innovation. Pourtant, les produits issus de l’open source, en effaçant la pénurie artificielle créée par les entreprises verrouillant le marché de l’innovation, sont moins chers et souvent plus fiables. Cette fiabilité repose de nouveau sur le nombre de contributeurs. En effet, plus les concepteurs/utilisateurs d’un produit sont nombreux, plus ses failles sont détectées et réparées rapidement. En amont, ce nouveau modèle économique repose sur la participation volontaire de personnes non rémunérées. Qu’est-ce qui les motive ? Chris Anderson rappelle que l’ennemi des créateurs est l’obscurité. En s’insérant dans un projet collaboratif, certaines personnes pourront être reconnues à leur juste valeur. Elles en éprouveront une grande satisfaction. Cette forme de travail collaboratif répond aux besoins se trouvant en haut de la pyramide de Maslow : créativité, résolution de problèmes, estime de soi. Une personne ayant prouvé sa valeur aux yeux de ses pairs n’aura aucun mal ensuite à vendre ses services. Ce n’est ni une adoration béate des nouveaux paradigmes ni une méfiance excessive qui permettront de les utiliser à leur juste valeur. Le monde numérique représente une ouverture de possibles sans précédent. Une force de changement. La crise économique et financière que nous traversons pourrait agir comme un catalyseur pour instaurer ces nouveaux modèles. Yann Moulier Boutang, dans son ouvrage intitulé L’abeille et l’économiste, explore la métaphore de l’abeille et son action de pollinisation, c’est-à-dire, en termes économiques, la diffusion gratuite d’idées et de solutions. La pollinisation n’est pas chiffrable, voire difficilement quantifiable : "Ne cherchons pas à mettre un prix sur tout ce qui est hors de prix" dit le sage apiculteur. Pourtant, sans pollinisation, pas de production. La démocratisation du savoir permet l’industrialisation de l’information. Au sein de ces nouveaux paradigmes, une autre question essentielle doit donc être explorée: qui est productif qui ne l’est pas ?

Répondre à de nouveaux défis Au sein de nos économies mondialisées, on note un déséquilibre accru entre les bénéficiaires et les laissés-pour-compte, entre les pays qui bénéficient de l’innovation et ceux à qui elle échappe. Or, les pays qui restent sur la touche du grand jeu économique représentent 4 milliards de personnes4. C’est le poids considérable de la Base de la pyramide (BOP). Ces pays qui se situent en bas de l’échelle de développement ont des besoins gigantesques. L’économie traditionnelle a montré son incapacité à les combler. Ces pays se trouvent en revanche dans une situation de dépendance économique accrue. Leur dette est colossale. D’autres solutions existent pourtant. Là où des ONG, voire des gouvernements ont échoué, du fait de leur modèle économique, une approche globale et collaborative pourrait fonctionner. La notion de réseau est essentielle, d’autant plus lorsque des enjeux socio-économiques sont de la partie. «L’éradication de la pauvreté passe par la création de richesse »  affirme le journaliste Andrew Mwenda. Grâce à la mise en réseau, des initiatives d’entreprenariat social parviennent à réaliser les mêmes économies d’échelles que les grandes entreprises. Par exemple, en partageant des apports technologiques ou en co-produisant des biens et des services. Mais aussi en y diffusant et en y popularisant de nouveaux standards de production, lesquels, une fois le grande public conquis, seront acceptés par les institutions. Elles permettent ainsi de créer les conditions propices au développement endogène de ces pays, afin qu’ils soient en mesure de « libérer leur énergie et leur créativité » conclut Muhammad Yunus. Les enjeux sont immenses : ils ont pour nom changement climatique, accès à l’eau potable, pauvreté, accès à l’éducation et aux soins. Ils requièrent une action concertée et transdisciplinaire. Grâce aux réseaux, aux deux milliards d’utilisateurs d’Internet –dont un milliard dans les pays émergents- l’imagination et le savoir-faire des foules sont maintenant à disposition. Il faut les utiliser sans tarder. Plus besoin de réinventer la roue.


Références bibliographiques :

Chris Anderson, Free: The Future of a Radical Price Don Tapscott, Grown Up Digital: How the Net Generation is Changing Your World Don Tapscott, Wikinomics, How Mass Collaboration Changes Everything

James James Surowiecki , Wisdom of Crowds 
Yochai Benkler The Wealth of Networks: How Social Production Transforms Markets and Freedom 

Yann Moulier Boutang, L’abeille et l’économiste