Un droit d'auteur, deux familles de licences

De Wiki livre Netizenship

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En deux points, pour les plus pressés

Si vous n'avez pas le temps, l'intérêt ou la possibilité de lire tout cet article, voici, en substance, les deux principales notions qui l'inspirent. Si vous ne comprenez pas tout, ou si votre curiosité s'en trouve stimulée, consacrez dix minutes à lire l'intégralité du texte.

  1. En tant que simple utilisateur sans but lucratif ni intention de diffusion à large échelle, vous ne risquez pas grand-chose en copiant des contenus sur Internet, sauf pour les films et les musiques produits par les multinationales de l'industrie du divertissement. Cette assertion est peut-être un peu rapide, mais elle résume la situation qui prévaut globalement. Un conseil : renseignez-vous, vérifiez vos sources, montrez cet article à un juriste, vous pourrez en apprendre davantage.
  2. En tant qu'auteur d'une œuvre, Internet vous offre une opportunité exceptionnelle de contribuer à casser la spirale vicieuse des licences privatrices (qui privent votre public de liberté) : il suffit par exemple de mentionner "licence Art Libre" ou "Creative Commons BY-SA" pour que vos créations puissent être utiles à d'autres. Concrètement, vous avez bien quelques petits trésors à partager une bonne fois pour toutes, non ? Pas la photo de vos parents sur une plage de Tahiti en 1978 ; mais, par exemple, cette belle photo de détail de caillou qui pourrait servir à illustrer tel article, ou ce mode d'emploi que vous aviez rédigé pour utiliser moins d'eau dans les toilettes de l'école, qui pourrait être utile à d'autres établissements. Mentionnez "Copyright votre prénom votre nom année sous Licence Art Libre, détails sur http://artlibre.org" (ex. "Copyright Ernest Jobichon 2011 sous Licence Art Libre, détails sur http://artlibre.org"). Ainsi, vous permettrez que quelqu'un se saisisse d'une copie de votre création, la mette à jour (la traduise, la raccourcisse, la remette en contexte...) et la dépose sur un autre site, sans oublier de vous mentionner comme l'auteur original. Ainsi votre oeuvre fera-t-elle son bout de chemin, sans bride artificielle, en vous respectant et en se rendant aussi utile que possible. De plus, si vous prenez les minutes nécessaires pour chercher sur le Web où et comment partager vos trésors, vous trouverez de nombreux autres créatifs (amateurs ou professionnels) qui, comme vous, auront partagé leurs trésors : cela ne pourra que vous inspirer et ce sera à vous, cette fois, d'utiliser leurs créations.

Privateur ou libre

Copier une image trouvée sur le Web est parfois autorisé par la loi, mais plus souvent illégal. Les contenus (textes, musiques, vidéos) sont protégés par le droit d'auteur ; c'est donc l'auteur (ou son éditeur si le premier a cédé ses droits au second) qui peut choisir de vous autoriser ou non à copier sa création. Selon la loi, si vous violez les droits d'auteurs ayant choisi d'interdire la copie, vous encourez une condamnation pour copie illégale. Dans la pratique, ce type de peine n'est pas facilement applicable. En effet, dans un moteur de recherche d'images, il suffit par exemple de taper le mot-clé Mickey Mouse pour avoir accès à des millions d'images de la célèbre souris, toujours protégée légalement. Malgré cette protection légale, il est très aisé de copier ces images ; le plus sensible est l'usage qui en sera fait par le copieur.

Si vous utilisez une œuvre, comme une photo de Che Guevara, pour la reproduire sur un poster que vous vendez dans la rue, vous commencez à risquer davantage qu'en la gardant pour vous dans un contexte privé, parce qu'il y a ici commerce de la photo (et les personnes détentrices de droits peuvent alors vous reprocher un manque-à-gagner). Si vous utilisez cette même œuvre dans le cadre d'une campagne de publicité internationale pour promouvoir un objet que votre entreprise vend à des millions d'exemplaires, vous risquez beaucoup plus encore. L'auteur de l'œuvre peut vous demander des dédommagements et, si vous refusez, pourra probablement obtenir réparation par voie légale. Il en va de même des films, des recettes de cuisine, de la musique, des logiciels... de tout ce qui, en somme, relève du droit d'auteur.

Alors, comment faire pour être un citoyen honnête alors qu'Internet nous tend des perches pour que l'on copie tout et n'importe quoi sans se poser de question ?

Tout d'abord, cherchez la mention Copyright ou le sigle © associés à l'œuvre (image, film, texte, musique, logiciel). Ils indiquent la personne ou l'entreprise chargées de déterminer les usages autorisés et interdits de cette création. Si vous ne les trouvez pas, vous n'avez pas le droit légal de copier, ni même d'utiliser cette œuvre ; par exemple, pour une image, de l'imprimer. Il vous reste alors à choisir entre respecter à la lettre une règle certes peu logique à l'ère du numérique, et prendre le risque, léger, de l'utiliser sans but d'enrichissement, sachant que la probabilité d'avoir des ennuis reste très faible. Attention toutefois : les industries du cinéma et de la musique sont de plus en plus actives sur ce terrain. Elles poursuivent parfois de simples copieurs de films ou d'albums, car les enjeux financiers sont importants. Ceux qui se font pincer écopent généralement de peines sévères, pour l'exemple.

Si vous trouvez la mention du copyright, il est très probable qu'elle ne stipule que "copyright 2010", "copyright + nom de l'auteur" ou "Copyright + année + auteur + tous droits réservés" ("all rights reserved" en anglais). Cela équivaut à une absence de mention, car les termes d'usage de l'œuvre ne sont pas mentionnés non plus. L'auteur a tous les droits, vous n'avez aucun droit de copier, ni de faire quoi que ce soit, hormis celui de consulter l'œuvre car elle a été placée sur le Net à cette fin. Si vous en voulez davantage (la réutiliser, la rediffuser, la modifier...), alors il faudra obtenir l'autorisation formelle des ayants droit : ceux qui ont le droit de vous permettre la copie, la redistribution ou la modification de l'oeuvre. Il s'agit parfois de l'auteur lui-même, parfois d'un tiers (comme une maison d'édition) auquel l'auteur a cédé certains de ses droits (de reproduction et de diffusion principalement) dans le cadre d'un contrat. Il est donc indispensable de demander une autorisation aux ayants-droit avant toute réutilisation de l’œuvre, ce qui est assez compliqué lorsque c'est une grosse structure qui gère ces droits. Il faudra trouver les coordonnées exactes, expliquer le motif pour lequel vous désirez utiliser l'œuvre, même s'il ne s'agit que d'un petit encart rigolo que vous vouliez disposer au coin d'un tract pour une soirée de soutien aux victimes du tremblement de terre en Haïti ou de l'accident nucléaire au Japon. C'est en tout cas la procédure que suivent les personnes qui ont vraiment vraiment envie d'utiliser l'image de Che Guevara pour vendre leurs objets sans risquer d'importants frais de dédommagement. Les autres, ceux qui ignorent le copyright ou jouent les ignorants, deviennent de fait hors la loi ; à moins, dans le cas des films et de la musique, qu'ils n'achètent de l'oeuvre convoitée une copie légale. Le plus fréquemment, ils font un peu des deux : J'en achète quelques-uns, j'en copie d'autres. Dans ce genre de cas, la limite devient vite floue : difficile de savoir qui a copié quoi, qui a acheté quoi...

Comment mettre une information sous licence libre?

Les productions artisanales, qu'elles émanent d'amateurs ou de petites entreprises, sont souvent accessibles sans mention de licence. Cela signifie qu'elles sont légalement non libres, comme cette belle recette de chausson aux pommes trouvée sur un site Web de cuisiniers gourmets, sans mention de licence, donc. Selon la loi, impossible de la copier pour l'envoyer à sa cousine, même s'il n'y a pas grand risque à courir. Ainsi en va-t-il de telle charte éthique trouvée sur le site Web d'une école, si bien rédigée qu'on voudrait la copier pour la diffuser auprès de tous les élèves et parents. La loi est ainsi faite : s'il n'y a pas de mention explicite en vertu de laquelle l'œuvre est proposée sous licence libre, celui qui copie, fût-ce la charte éthique de l'école pour l'adapter à son collège, là-bas, dans la brousse africaine, commet un acte illégal. Il prend le risque d'être poursuivi par l'auteur de l'oeuvre et puni par la Loi - selon laquelle tout auteur d'une création de l'esprit peut choisir les conditions d'usage de sa production par le public. En l'absence de mention particulière, ces conditions sont à négocier au coup par coup.

En revanche, qui voudra fluidifier les échanges d'informations prendra soin de décrire ces conditions d'usage, et de les inscrire précisément dans un document nommé "licence". Chacun pourra ainsi choisir les termes spécifiques adaptés à sa propre licence. Il s'agit néanmoins d'une entreprise fastidieuse, car ces termes doivent être vérifiés par des juristes spécialisés, qui s'assureront qu'ils respectent les conventions en la matière ; si ce n'est pas le cas, une licence "fait-maison" pourrait être reconnue comme nulle, c'est-à-dire que seule la loi serait applicable, et non une des dispositions spécifiques de la licence. En outre, peu de créateurs utiliseraient une telle licence, peu répandue. Il prendrait beaucoup de temps d'étudier précisément les termes de chaque licence au cas où quelqu'un voudrait réutiliser une création qu'elle protège. On imagine le casse-tête si quelqu'un souhaitait intégrer à une création des contenus provenant de cinquante créateurs ayant chacun fait défini leur propre licence...

Heureusement, voici une bonne nouvelle : il existe une famille de licences, appelées licences libres, qui peuvent être utilisées pour toutes les créations relevant du droit d'auteur. Même si certains les nomment licences ouvertes ou open source, on peut les appeler licences libres si l'on veut inclure la dimension du choix de société qu'elles sous-tendent. On évite ainsi de dépolitiser un débat éminemment politique. De fait, quiconque découvre une œuvre sous licence libre peut la copier, la modifier et la redistribuer à tout un chacun, et surtout le faire légalement. Les créateurs à l'origine de ces oeuvres ont prévu cette perspective. Par exemple, sur Wikipédia, textes, images et code logiciel du wiki sont TOUS sous licence libre.

Concrètement, si vous voyez une œuvre portant l'une des mentions suivantes, vous pouvez alors librement (c'est à dire que vous êtes libre de le faire, ou non) utiliser, copier, redistribuer, modifier (une copie de) l'œuvre en question :

  • "Copyleft (+ année) + nom de l'auteur "
  • "Copyright (+ année) + nom auteur + sous licence Art Libre"
  • "Copyright (+ année) cette œuvre est libre"


Il existe également les créations sous licence "Creative Commons", qui donnent le droit d'utiliser, de copier et de redistribuer une œuvre. Les licences "Creative Commons" connaissent différentes déclinaisons telles qu'autoriser ou interdire l'utilisation de la création dans un cadre commercial (option "non commercial"), ainsi qu'autoriser ou interdire la modification d'une copie de la création (option "pas de modification"). Toutes les déclinaisons ont en commun l'attribut "Paternité" qui oblige à citer la source de la création originale. Par exemple, sur Wikipédia, la mention exacte est : Droit d'auteur : "les textes sont disponibles sous licence "Creative Commons - Paternité - Partage à l’identique" ; d’autres conditions peuvent s’appliquer. Voyez les conditions d’utilisation pour plus de détails, ainsi que les crédits graphiques. En cas de réutilisation des textes de cette page, voyez comment citer les auteurs et mentionner la licence."

Libre, gratuit, ouvert et privateur

Pour bien comprendre qui contrôle quoi dans l'information, il faut savoir faire la différence entre libre, ouvert, gratuit et privateur.

Libre : sous une licence qui permet à chacun de lire, utiliser, modifier et redistribuer l'information, s'applique dans le domaine du logiciel et au-delà (art, documentation pédagogique, …). C'est le seul qui garantisse une véritable équité des chances.

Ouvert : l'expression le plus souvent utilisée est Open Source. Dans la majorité des cas, cela revient au même que Libre, quant aux permissions et restrictions. Par contre, le terme ouvert (ou open source) est souvent employé à tort pour désigner des créations qui ne sont ni libres, ni open source. Les auteurs considèrent que leur création est dotée d'assez de permissions pour être qualifiée de libre ou ouverte, mais sans avoir rigoureusement vérifié que leur vision correspondait aux définitions précises de libre ou open source.

Gratuit : dans le monde de l'information, gratuit est une formule qui trahit souvent la manipulation ; qui dit gratuit ne dit pas libre mais pense fréquemment « première dose de drogue gratuite ». Certains services sont gratuits mais utilisent la dépendance pour introduire progressivement des aspects payants, d'autres exploitent les informations fournies par les utilisateurs du service gratuit pour les revendre à des tiers, d'autres enfin rendent leurs clients captifs pour leur vendre des produits. Quoi qu'il en soit, aucun ne concentre son modèle sur un service honnête où la véritable génération de revenus est clairement identifiable par l'utilisateur lorsqu'il bénéficie des services concernés. La gratuité dissimule donc souvent une forme d'arnaque. Il existe néanmoins des exceptions, notamment les services d'intérêt public, financés par un service public. S'ils peuvent revendiquer leur gratuité, c'est qu'ils sont financés par l'Etat ou par des institutions publiques. L'essentiel, face au mot « gratuit », c'est d'identifier les sources. Parce que souvent, si c'est gratuit, alors le produit, c'est vous ![1]

Privateur : la majorité des services gratuits sont privateurs, mais pas tous. Il s'agit souvent d'entreprises, comme Microsoft, Adobe ou Google, qui fournissent des services gratuits pour mieux rendre leurs clients dépendants de leurs produits privateurs et ensuite les contraindre, individuellement ou au niveau des entreprises qui utilisent ce service, à payer des sommes importantes pour accéder aux prestations dans un contexte de dépendance et de monopole.

Libre, c'est comme libre de droits ?

L'amalgame est fréquent entre les notions de création sous licence libre et de création libre de droits. Les licences libres ont été décrites dans cet article. Par contre, libre de droits fait référence au domaine public, c'est à dire les créations qui ne sont pas (ou qui ne sont plus) couvertes par le droit d'auteur. Au bout d'un certain temps, variable selon les pays et les types de création, généralement plusieurs dizaines d'années, les créations de l'esprit sortent du champ d'application du droit d'auteur classique ; elles sont alors utilisables (copiables, modifiables, réutilisables) sans autorisation explicite, parfois même sans citation de l'auteur original. C'est le domaine public ou la sphère des créations libres de droits. La grande différence avec les licences libres, c'est que celles-ci sont un choix délibéré des auteurs et que leur paternité reste acquise, c'est à dire qu'il faudra conserver les mentions de copyright (ou de droit d'auteur) associées à la création, ce qui n'est pas indispensable pour des créations libres de droits.

Les deux familles de licences

Caractéristiques de la licence Dans la famille plutôt "libre" Dans la famille plutôt "privative"
Approche affirmée, les termes et licences les plus reconnus dans cette famille GPL, GFDL, ArtLibre, CC BY-SA, autres (Cf. FSF[2] ou OSI[3]) Tous droits réservés, avertissement que les copieurs seront poursuivis, brevets...
Approche édulcorée Licence Creative Commons avec la clause NC ou ND, OpenSource Autorisation de reproduction possible au cas par cas, nous contacter.
Mention inconsciente "Tous usages autorisés" (ceci signifie que non seulement une personne peut reproduire l'oeuvre, mais elle peut aussi la privatiser et interdire à l'auteur initial de l'utiliser) Aucune mention de copyright ni d'auteur pour des photos, images, films...

La métaphore de la cuisine

Adapté d'un article paru dans la revue No Pasaran, n°77, hiver 2009-2010

Comment bien expliquer la différence entre les deux familles de licences ? Prenons la métaphore de la cuisine. Quand on achète un plat congelé qui demande juste d'être réchauffé, il n'y a guère autre chose à faire que le manger. On ne sait pas vraiment ce qu'il y a dedans, ni comment il a été fait. Contrairement au petit plat qu'on goûte chez des amis ou en famille, et dont chacun est prêt à donner la recette, on ne peut pas le refaire chez soi, l'arranger à son propre goût et en faire à nouveau profiter son entourage. L'informatique fonctionne un peu comme la cuisine. Il y a d'un côté le plat tout fait : cette catégorie comprend notamment les logiciels "privateurs" qu'on installe sur son ordinateur, compréhensibles par la machine mais impossibles à décrypter par l'humain, et également les DVD qu'il est interdit de copier et encore moins de modifier. De l'autre côté, on a la recette de cuisine qu'il est possible de lire, d'utiliser, de modifier et de redistribuer ; on l'appelle "code source libre" dans le cas des logiciels et "art libre" dans celui des oeuvres d'art. La liberté d'accéder à ce code source, bien que ne concernant que les informaticiens, fait une grosse différence. La culture libre repose ainsi sur quatre libertés :

  1. Liberté d'utiliser l'information, pour ce que l'on veut
  2. Liberté d'étudier l'information pour comprendre sa formation et son fonctionnement
  3. Liberté de la modifier pour l'adapter à ses propres besoins
  4. Liberté de distribuer l'information en l'état ou modifiée, y compris d'en faire commerce.

Ces principes permettent que personne ne puisse prendre le contrôle d'une information fonctionnelle (mode d'emploi, logiciel, marche à suivre...) et soumettre ses utilisateurs et les développeurs à sa volonté.

À partir de ces quatre libertés, un mouvement plus spécifique nommé copyleft a été imaginé en 1984 par deux chercheurs en informatique américains : Richard Stallman et Don Hopkins. Aux garanties de liberté, il ajoute un principe de partage et de développement inspiré du monde scientifique. Il impose, lors de la diffusion du logiciel, d'une part de citer les auteurs qui ont contribué à l'oeuvre, d'autre part de le rediffuser nécessairement sous les mêmes conditions. Cela permet, dans le cas où l'oeuvre fait l'objet d'une évolution, d'en faire profiter tout le monde. Cette « capitalisation » du travail est alors un bien collectif qui ne peut pas être confisqué. Véritable retournement des principes du droit d'auteur, son initiateur imagina même le slogan : « Copyleft, all rights reversed ». Ce principe a du sens parce que notre société est entièrement informatisée. Les oeuvres numériques, particulièrement les oeuvres fonctionnelles, sont donc reproductibles sans perte de qualité, pour un prix négligeable, et distribuables tout aussi facilement. Alors que la culture de l'information propriétaire (ou privatrice) poursuit une stratégie visant à vendre des licences comme si l'on avait affaire à un bien rare, la culture de l'information libre propose un mode de partage et de diffusion adapté à sa nature numérique où l'on ne paye que la première copie : son propre temps de travail si l'on est bénévole, ou le temps réel de travail nécessaire à créer, installer, paramétrer et maintenir une oeuvre, notamment logicielle, et son mode d'emploi. C'est pour cette raison que bon nombre de logiciels libres sont disponibles gratuitement sur le Web, et que seul le temps de travail est vendu par des experts qui nous guident pour choisir, installer, adapter, etc.

Bien que Richard Stallman ait été à l'origine du projet GNU, qui visait à concevoir un système d'exploitation entièrement libre et s'est concrétisé avec l'avènement du célèbre noyau Linux, le logiciel libre et par extension la culture libre ne se résument pas à cette seule avancée. Même s'il est possible d'abandonner complètement le logiciel propriétaire en choisissant un système d'exploitation libre tel quee GNU/Linux, il est aussi possible d'utiliser des logiciels libres tournant sous Windows ou Mac OS, comme Firefox (navigateur web) ou LibreOffice (suite bureautique). On trouve des oeuvres libres pour tous les usages. Un bon réflexe, lorsqu'on a besoin d'un logiciel libre, est de consulter le site Framasoft qui en propose une large palette, principalement à destination d'environnements non-Linux. Ces logiciels présentent l'avantage d'avoir été testés et de présenter un bon niveau fonctionnel. Ils conviennent généralement à des utilisateurs de base, ce qui prouve que le logiciel libre n'est pas réservé aux spécialistes. Le paysage est comparable dans le cas des images : les millions d'images disponibles sur Wikicommmons sont toutes sous licence libre. C'est également le cas de nombreux films, de plans d'architectes, de revues juridiques...


Conclusion

Nous sommes tous en train de passer du statut de simples utilisateurs-consommateurs de créations à celui de producteurs. Répétons-le à tous les producteurs (actuels ou en devenir) : sans mention explicite, seule la consultation est autorisée. On peut le déplorer, et voir là un frein à la fluidité des échanges d'idées, de modes d'emploi et de faits.

Nous vous conseillons donc de :

  1. garder sous droit d'auteur simple (usage exclusif) les créations que vous ne souhaitez pas diffuser ou ne diffuser que dans un cadre restreint comme des photos de familles, par exemple. Pour cela, rien à faire de spécial, si ce n'est penser à indiquer que vous êtes détenteur des droits relatifs à ces créations (avec vos coordonnées pour être contacté-e au cas où...) ;
  2. pour les créations qui auraient un intérêt public - même modeste -, mentionner explicitement une licence libre. Les deux licences libres les plus connues, utilisées et recommandées par les ténors du sujet, sont
  • la licence "Art Libre", décrite ici : http://artlibre.org (c'est celle de cet ouvrage). Malgré son nom, elle est aussi applicable à bien des domaines non artistiques ;
  • la licence "Creative Commons BY-SA" : les termes sont exprimés différemment mais disent à peu près la même chose que la licence Art Libre. C'est la licence utilisée sur Wikipédia.


Vous commencez à comprendre ? Alors voici une bonne et une mauvaise nouvelle.

La bonne nouvelle, c'est que les licences libres commencent à être de plus en plus adoptées. Le temps joue donc en faveur d'une nouvelle approche du droit d'auteur, adaptée aux réalités d'Internet. La vie numérique va s'en trouver simplifiée, et la créativité encouragée, pour autant que chacun reste vigilant face aux menaces de lois liberticides.

La mauvaise nouvelle, c'est qu'il reste des subtilités à comprendre avant d'avoir fait le tour du sujet. Cela demande encore du temps, aussi il faut considérer ce qui précède comme une introduction, une présentation à vocation vulgarisatrice. Il existe par exemple quelques options supplémentaires pour les licences "Creative Commons". En fait, il y a un authentique art des licences. Compte tenu de l'utilisation quotidienne d'Internet, on aura tout intérêt à se familiariser avec les subtilités de ce monde des licences, pour éviter, déjà, de se retrouver dans l'illégalité, à son corps défendant.

On lira donc les articles connexes d'eCulture générale, et les ressources documentaires proposées sur la version Web de cet article.

Compléments

Le saviez-vous?

Et les banques d'images/photos libres de droits ?

Il existe, notamment sur Internet, des banques d'images dites libres de droits. Le terme est utilisé ici à tort car il laisse penser qu'il n'y a plus aucun droit d'auteur sur ces créations, ce qui est faux. Les banques d'images ou photos libres de droits regroupent des créations qu'il suffit d'acheter une seule fois pour en faire des usages multiples. Ce qui n'est en général pas le cas lorsqu'on achète une image pour la publier dans une édition spécifique d'un périodique : impossible alors de la réutiliser pour la placer sur un site Web, ou de la publier dans une édition ultérieure, à moins de refaire une demande d'acquisition de droits et donc, en principe, de repasser à la caisse. Les banques d'images libres de droits autorisent, on l'a dit, les utilisations multiples d'une même image. C'est pour cette raison que ces collections se sont auto-proclamées libres de droits, tout en n'étant ni libres, ni dans le domaine public, ni gratuites.

Garde à vue

Une fille de 14 ans filme sa sœur dans un cinéma avec son téléphone portable ; si l'éditeur du film projeté sur l'écran parvient à prouver qu'une partie de son film apparaît sur l'enregistrement du smartphone, la fillette peut être placée en garde à vue pendant quarante-huit heures. Cela est également vrai pour la bande son.

Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis

Cas concret : le livre que vous êtes en train de consulter est rempli d'images sous licence libre. Si par malheur l'un des auteurs de ces images nous écrivait (à l'adresse info@ynternet.org) et nous expliquait que nous n'avons pas respecté sa licence, ou que nous avons, selon lui, utilisé l'une de ses images sans autorisation, nous lui répondrions : nos sincères excuses, nous vous informons que :

  • cela nous a échappé (nous sommes effectivement une petite dizaine à avoir assemblé les images et les textes) ;
  • nous n'avons pas généré de bénéfices, ce qui est vrai et démontrable - le livre est réalisé sous l'égide de la fondation Ynternet.org, à but non lucratif, cet ouvrage est vendu sans marge bénéficiaire et nos comptes sont disponibles en cas de litige ;
  • nous retirons immédiatement l'image incriminée, à moins que vous nous autorisiez expressément à la distribuer dès maintenant en la plaçant sous licence Art Libre, afin qu'elle ait la même licence que les autres contenus de l'ouvrage ;
  • nous publierons volontiers une note explicative en présentant nos excuses à l'auteur sur notre site Web ;
  • nous proposerons, si nécessaire, un dédommagement à hauteur du préjudice subi (à ce stade, il sera probablement impossible à l'auteur de démontrer ce préjudice, car l'ouvrage entre dans le cadre d'une activité pédagogique à but non lucratif, etc).

Traité de non-prolifération

La notion de traité de non-prolifération s'applique généralement à l'arsenal nucléaire. Mais dans la noosphère, où ne règnent que des informations, le terme est également utilisé. Face à la découverte de la possibilité de créer sa propre licence, on a assisté au tournant du deuxième millénaire à une flambée du nombre des licences : FreeBSD, OpenSource, GPL, etc. Le phénomène a conduit les ténors de la culture libre à s'unir pour lancer une campagne de non-prolifération des licences. [4]

Le truc à retenir

Toutes les créations devraient mentionner une licence, et renvoyer vers ce texte détaillant les modalités d'usage. C'est l'une des décisions qui marqueraient le passage assumé d'un monde où l'information est rare à un autre où l'information sera abondante.

Licences libres : un outil pour déconstruire le copyright

Dès leur apparition au XVIIIe siècle, copyright et droit d'auteur ont été sujets à de vives critiques, qui n'ont cessé de s'intensifier avec le développement des technologies facilitant la copie et le partage d'informations.

Certaines personnes voient les licences libres, dont certaines licences Creative Commons, comme un moyen d'abolir ces notions de propriété intellectuelle en les retournant contre elles-mêmes.

L’objectif recherché est d’encourager de manière simple et licite la circulation des œuvres, l’échange et la créativité. Creative Commons s’adresse ainsi aux auteurs qui préfèrent partager leur travail et enrichir le patrimoine commun (les Commons) de la culture et de l'information accessible librement. L'œuvre peut ainsi évoluer tout au long de sa diffusion.

Les personnes souhaitant autoriser la communication au public de leur œuvre uniquement contre une rémunération devront retenir le système général du droit d’auteur et non les licences libres.

Bethoveen et les brevets logiciels

Imaginons qu’au XVIIIe siècle les gouvernements d’Europe aient décidé d’encourager le développement de la musique symphonique en introduisant un système de brevet sur l'innovation musicale. Toute personne pouvant décrire une nouvelle idée musicale avec des mots aurait obtenu un brevet qui lui aurait valu un monopole sur son idée. Cette personne aurait pu poursuivre quiconque eût décliné cette idée dans un morceau de musique. Ainsi un motif rythmique aurait pu être breveté, ou une séquence d’accords, ou un ensemble d’instruments à utiliser ensemble, ou n’importe quelle idée pourvu qu'elle ait été décrite précisément.

Imaginez, alors, Ludwig van Beethoven en 1800. Il souhaite écrire une symphonie. Pour écrire une symphonie et ne pas être poursuivi, il va devoir se frayer un chemin au travers des milliers de brevets relatifs aux idées musicales. S'il se plaint d'être entravé dans sa créativité, les titulaires de brevets lui répondront : « Monsieur Beethoven, vous êtes juste jaloux parce que nous avons eu ces idées avant vous. Pourquoi devriez-vous voler nos idées ? »

Cette histoire est racontée par Richard Stallman (RMS) [5]. Richard Stallman est un hacker reconnu, c’est-à-dire un virtuose du code - on peut parler dans son cas d’un art de la programmation. Un art qui a eu ses Beethoven et qui souhaite continuer à en avoir demain.

Le 20e siècle a mis un point d'honneur a breveter les idées, et plus encore : méthodes et mécanismes sont brevetés, recettes traditionnelles, simples procédures. Sont concernés, parmi beaucoup d'autres, les domaines logiciel et génétique, les plantes, les médecines naturelles... Aux Etats-Unis le brevetage des logiciels est la règle. En Europe, le principe a été maintes fois repoussé, mais il reste d'actualité.

Breveter des logiciels ? Beethoven ne l'aurait pas entendu de cette oreille !


Sources et notes

Sources iconographiques

Licence art libre.jpg

Licence Art Libre conseillée pour l'art, la science, la pédagogie

Creative commons logo.gif

Creative Commons (BY, BY-SA, BY-NC-SA, BY-ND, BY-NC-ND) les plus connues des licences libres, largement répandues.


GFDL très bien pour les modes d'emploi

Gpl.jpg

GPL la plus répandue des licences libres pour les logiciels

Gnu.jpg

GNU le symbole de la culture libre, par lequel tout a commencé