Introduction aux enjeux du libre : Différence entre versions

De Wiki livre Netizenship
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Depuis le début des années 1990, nous nous trouvons en pleine guerre froide du numérique. Certes, les confrontations sont souvent courtoises dans les salles feutrées des conférences internationales, mais le sujet est très très chaud. Même si cela ne fait pas encore les gros titres, les questions abordées sont loin d'être anecdotiques. C'est bel et bien un choc de civilisation qui se profile à l'horizon! Telle une lame de fond qui s'apprête à bouleverser notre environnement au sens large, pas seulement numérique.  
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Depuis le début des années 1990, nous nous trouvons en pleine guerre froide du numérique. Certes, les confrontations sont souvent courtoises dans les salles feutrées des conférences internationales, mais le sujet est chaud. C'est bel et bien d’une transition majeure à l’échelle de l’humanité dont il s’agit ! Homo numericus, tel un gros poussin de plus en plus à l’étroit dans sa coquille, s’apprête à éclore et à bouleverser notre environnement, pas seulement notre environnement numérique.
  
Du point de vue du simple internaute, il n'est pas évident de percevoir les nouveaux enjeux de société qui découlent de l'émergence d'Internet. Et pourtant, chacun est un acteur, certes modeste, des antagonismes à l'oeuvre. Que je le veuille ou non, lorsque j'ouvre un traitement de texte ou la fenêtre de mon navigateur web, j'opte pour un camp. Le moindre clic est devenu un acte politique... Alors autant en être conscient! C'est ainsi que chacun pourra poser des actes éclairés, faire ses propres choix pour influencer le cours de la société à son humble niveau.
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Situation inédite à l’échelle de l’humanité, quelques PDG, choisis par la main invisible du marché mondialisé, contrôlent des outils qui permettent à des milliards d’humains de communiquer gratuitement entre eux. En 2013 ces outils sont notamment Google, Facebook, Windows et Apple. Nos journées dépendent en partie d’eux. “Eux”, les outils autant que les PDG qui les pilotent. Nous n’avons jamais eu autant de possibilités offertes pour communiquer entre nous, partager des informations et faire des choix. Mais les limites deviennent plus confuses entre gratuité et liberté de choix, entre concurrence et coopération, entre intérêts commerciaux et intérêt général.
  
Même si cela n'est pas encore très perceptible, Internet est le théâtre d'un grand scénario avec action et suspense, dont chacun peut être le héros. Les multinationales de l'information occupent pour l'instant le devant de la scène. Mais il n'est pas dit qu'elles conserveront leur position dominante et leur situation de quasi-monopole sur les autoroutes numériques. Car si vous prenez le temps de regarder ce qui se passe en coulisse, à l'ombre des projecteurs, vous verrez que d'autres acteurs jouent un rôle crucial. Ils sont un puissant moteur d'évolution de notre société. Mais les médias sont pour l'instant trop occupés par le divertissement proposé pour en parler.
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Le cyberespace est un champ de batailles sanglantes, avec action et suspense. Pour l’instant, les multinationales de l'information occupent le devant de la scène. Mais à l'ombre des projecteurs, d'autres acteurs jouent un rôle crucial. Multi-milliardaires plus ou moins philanthropes, informaticiens interconnectés aux quatre coins du globe, artistes libérant leurs oeuvres, cybercitoyens et pirates. Ce jeu où la réalité dépasse largement la fiction, a aussi ses héros. Ils sont un puissant moteur d'innovation de notre société. Ils sont suffisamment nombreux pour avoir déjà pu modifier en profondeur notre manière de voir le monde... sans passer par la télévision.
  
Ces acteurs de l'ombre sont suffisamment nombreux pour avoir déjà pu modifier en profondeur notre manière de voir le monde... sans passer par la télévision. Les enjeux sont colossaux : financiers, politiques, sociaux, et même écologiques... Mais le scénario n'est pas écrit à l'avance. Aussi les chocs et les confrontations sont nombreux entre les divers pôles de pouvoir.
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Les enjeux sont colossaux : financiers, politiques, sociaux, et même écologiques... Si un scenario semble se dessiner en faveur d’une certaine évolution, les dés ne sont pas encore jetés.  
  
Chacun connaît les principes de droits d'auteurs, de brevet, de licence exclusive. Les médias nous ont familiarisé avec les problèmes de téléchargements illégaux et la question de la protection de la création intellectuelle. Ainsi, il y aurait d'un côté les méchants pirates, et de l'autre de gentils artistes, floués par la prolifération de comportements inciviques et anonymes sur le Web.
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La grande clé de lecture, le coeur de l’enjeu, c’est la manière dont les auteurs utilisent leurs droits. On a entendu parler des principes de droits d'auteurs, de brevet, de licence. Si nul n’est censé ignorer la loi, rares sont ceux qui se sentent à l’aise avec ces enjeux de propriété intellectuelle, d’accès pour tous... Mais tant que ces sujets nous sont étrangers, il est impossible de comprendre la guerre qui fait rage pour contrôler l’innovation.
  
On connaît moins, en revanche, le concept de copyleft qui prend la notion de copyright à rebrousse poil... Certains acteurs d'Internet apportent de nouveaux repères, décrivent de nouveaux risques et opportunités, proposent des critères inédits d'analyse. Ils ont créé des mots-clés pour les décrire : culture Libre, Open Source, biens communs numériques... Ces notions, encore assez confidentielles, sont plus lourdes de conséquences qu'il n'y paraît. Elles bouleversent en profondeur l'"ordre établi".
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Contrôler l’innovation ? Eh oui, l’histoire est remplie d’anecdotes démontrant que les visionnaires avaient une intention initiale très pure. Ils souhaitaient mettre leurs découvertes à disposition de tous, en libre accès, comme c’est le cas avec Internet. Ils se sont souvent fait spolier leurs idées, ont parfois finis pauvres. Parallèlement, d’autres paradaient après s’être approprié l’exclusivité de leurs idées.  
  
La question n'est pas seulement de savoir s'il est bien ou mal de pirater un logiciel ou de la musique. Il s'agit aussi, selon nous, de s'interroger sur l'aspect irrépressible de ces pratiques. N'est-ce pas plutôt le numérique qui, par nature, encourage cette évolution, jusqu'à faire voler en éclat la notion de propriété intellectuelle ?
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Aujourd’hui de nouveaux leviers d’innovation existent. On les surnomme copyleft, culture libre, open source, autant de concepts qui mettent à l’honneur la notion de biens communs à l’ère du numérique. Leurs symboles sont le gnou (une antilope d’Afrique) et le pingouin. Ils apportent un nouveau regard sur la manière d’innover, créatrice de valeurs. Mais cela implique des remises en question collectives profondes...
  
C'est à cette question cruciale que nous tentons de répondre ici. Afin que chacun puisse avoir un usage conscient de sa souris!
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Un bovidé tropical et un oiseau des mers froides, appuyés par une armée de souris, peuvent-ils bouleverser l'économie mondiale, les rapports sociaux et la politique? Etrange question n'est-ce pas? Et pourtant, ils occupent déjà une bonne partie du cyberespace, appuyés par des tribus de plus en plus nombreuses, pour qui le Copyleft est une évidence, un nouveau bazar dans lequel ils peuvent s’épanouir durablement. Vous allez découvrir ces acteurs d’Internet qui apportent d’autres repères, décrivent de nouveaux risques et opportunités, proposent des critères inédits d'analyse.
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La question n'est plus seulement de savoir s'il est bien ou mal de pirater un logiciel ou de la musique. Il s'agit désormais de s'interroger sur l'aspect irrépressible de ces pratiques de partage, et leur viabilité tant économique que socio-politique.
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Et au fond, n'est-ce pas plutôt le numérique qui, par nature, encourage cette évolution, jusqu'à modifier en profondeur la notion de propriété intellectuelle ?
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C'est à cette question cruciale que nous tentons de répondre ici.

Version du 16 février 2013 à 18:23

Depuis le début des années 1990, nous nous trouvons en pleine guerre froide du numérique. Certes, les confrontations sont souvent courtoises dans les salles feutrées des conférences internationales, mais le sujet est chaud. C'est bel et bien d’une transition majeure à l’échelle de l’humanité dont il s’agit ! Homo numericus, tel un gros poussin de plus en plus à l’étroit dans sa coquille, s’apprête à éclore et à bouleverser notre environnement, pas seulement notre environnement numérique.

Situation inédite à l’échelle de l’humanité, quelques PDG, choisis par la main invisible du marché mondialisé, contrôlent des outils qui permettent à des milliards d’humains de communiquer gratuitement entre eux. En 2013 ces outils sont notamment Google, Facebook, Windows et Apple. Nos journées dépendent en partie d’eux. “Eux”, les outils autant que les PDG qui les pilotent. Nous n’avons jamais eu autant de possibilités offertes pour communiquer entre nous, partager des informations et faire des choix. Mais les limites deviennent plus confuses entre gratuité et liberté de choix, entre concurrence et coopération, entre intérêts commerciaux et intérêt général.

Le cyberespace est un champ de batailles sanglantes, avec action et suspense. Pour l’instant, les multinationales de l'information occupent le devant de la scène. Mais à l'ombre des projecteurs, d'autres acteurs jouent un rôle crucial. Multi-milliardaires plus ou moins philanthropes, informaticiens interconnectés aux quatre coins du globe, artistes libérant leurs oeuvres, cybercitoyens et pirates. Ce jeu où la réalité dépasse largement la fiction, a aussi ses héros. Ils sont un puissant moteur d'innovation de notre société. Ils sont suffisamment nombreux pour avoir déjà pu modifier en profondeur notre manière de voir le monde... sans passer par la télévision.

Les enjeux sont colossaux : financiers, politiques, sociaux, et même écologiques... Si un scenario semble se dessiner en faveur d’une certaine évolution, les dés ne sont pas encore jetés.

La grande clé de lecture, le coeur de l’enjeu, c’est la manière dont les auteurs utilisent leurs droits. On a entendu parler des principes de droits d'auteurs, de brevet, de licence. Si nul n’est censé ignorer la loi, rares sont ceux qui se sentent à l’aise avec ces enjeux de propriété intellectuelle, d’accès pour tous... Mais tant que ces sujets nous sont étrangers, il est impossible de comprendre la guerre qui fait rage pour contrôler l’innovation.

Contrôler l’innovation ? Eh oui, l’histoire est remplie d’anecdotes démontrant que les visionnaires avaient une intention initiale très pure. Ils souhaitaient mettre leurs découvertes à disposition de tous, en libre accès, comme c’est le cas avec Internet. Ils se sont souvent fait spolier leurs idées, ont parfois finis pauvres. Parallèlement, d’autres paradaient après s’être approprié l’exclusivité de leurs idées.

Aujourd’hui de nouveaux leviers d’innovation existent. On les surnomme copyleft, culture libre, open source, autant de concepts qui mettent à l’honneur la notion de biens communs à l’ère du numérique. Leurs symboles sont le gnou (une antilope d’Afrique) et le pingouin. Ils apportent un nouveau regard sur la manière d’innover, créatrice de valeurs. Mais cela implique des remises en question collectives profondes...

Un bovidé tropical et un oiseau des mers froides, appuyés par une armée de souris, peuvent-ils bouleverser l'économie mondiale, les rapports sociaux et la politique? Etrange question n'est-ce pas? Et pourtant, ils occupent déjà une bonne partie du cyberespace, appuyés par des tribus de plus en plus nombreuses, pour qui le Copyleft est une évidence, un nouveau bazar dans lequel ils peuvent s’épanouir durablement. Vous allez découvrir ces acteurs d’Internet qui apportent d’autres repères, décrivent de nouveaux risques et opportunités, proposent des critères inédits d'analyse.

La question n'est plus seulement de savoir s'il est bien ou mal de pirater un logiciel ou de la musique. Il s'agit désormais de s'interroger sur l'aspect irrépressible de ces pratiques de partage, et leur viabilité tant économique que socio-politique.

Et au fond, n'est-ce pas plutôt le numérique qui, par nature, encourage cette évolution, jusqu'à modifier en profondeur la notion de propriété intellectuelle ?

C'est à cette question cruciale que nous tentons de répondre ici.