Introduction aux enjeux du libre

De Wiki livre Netizenship

Notions-clés : cyberespace, cybercitoyenneté, pirate, propriété intellectuelle,droit d'auteur, propriétés du numérique, multinationales, société de l'information, exclusivité, libre accès,brevet,licence libre,copyleft,culture libre, open source, choix politique.

Profils-clés : Google, Facebook, Microsoft, Apple, Homo Numericus.


Depuis le début des années 1990, nous nous trouvons en pleine guerre froide du numérique. Même si les confrontations restent courtoises dans les salles feutrées des conférences internationales, le sujet est plutôt chaud. C'est bel et bien d’une transition majeure à l’échelle de l’humanité dont il s’agit ! Homo Numericus, tel un gros poussin de plus en plus à l’étroit dans sa coquille, s’apprête à éclore et à bouleverser notre environnement, et pas seulement celui de nos écrans.

Situation inédite à l’échelle de l’humanité, une poignée de multinationales contrôlent la majorité des systèmes d’information permettant à des milliards d’humains de communiquer gratuitement entre eux. Dans les premières décennies des années 2000, ces systèmes sont notamment ceux de Google, Facebook, Microsoft ou Apple. Nos journées dépendent en partie d’eux. Eux, les systèmes, autant que les multinationales qui les contrôlent.

Intéressant : nous n’avons jamais eu autant de possibilités offertes pour communiquer entre nous, partager des informations et faire des choix. Risqué : les limites deviennent plus confuses entre intérêt public et intérêts privés. Exemple phare : tous ces sites gratuits dans lesquels la liberté de choix est réduite, et dans lesquels nous acceptons que nos données soient revendues et que nos informations privées soient transformées en marchandises.

Oui, le cyberespace est un champ de bataille sanglant, avec action et suspense. Pour l’instant, les multinationales de l'information occupent le devant de la scène. Pourtant, à l'ombre des projecteurs, d'autres acteurs jouent un rôle crucial. Multimilliardaires plus ou moins philanthropes, informaticiens interconnectés aux quatre coins du globe, artistes libérant leurs œuvres et cybercitoyens. Ce jeu, où la réalité dépasse largement la fiction, a aussi ses héros. Ils sont moteurs d'innovations pour notre société. Ils ont déjà modifié en profondeur notre manière de voir le monde... sans passer par la télévision.

Les enjeux des systèmes d’information sont colossaux : financiers, politiques, sociaux et même écologiques... La grande clé de lecture, le cœur de l’enjeu, c’est la manière dont les créateurs utilisent les droits de paternité sur leurs productions. On a entendu parler des principes de droits d'auteurs, de brevet, de licence. Si nul n’est censé ignorer la loi, rares sont ceux qui se sentent à l’aise avec les enjeux des droits d'auteurs, d’accès pour tous, etc. Mais tant que ces sujets nous sont étrangers, il est impossible de comprendre la guerre qui fait rage pour contrôler l’innovation.

Contrôler l’innovation ? Eh oui. L’histoire est remplie d’anecdotes démontrant que les visionnaires avaient souvent une intention initiale très pure. Ils souhaitaient mettre leurs découvertes à disposition de tous, en libre accès, comme c’est le cas avec internet. Ils se sont souvent fait spolier leurs idées, ont parfois fini pauvres et méconnus. Parallèlement, d’autres paradaient après s’être appropriés l’exclusivité de leurs idées.

Aujourd’hui, de nouveaux leviers d’innovation existent. On les surnomme copyleft, culture libre, open source ; autant de concepts qui mettent à l’honneur la notion de « bien commun » à l’ère du numérique. Leurs symboles (ou mascottes) sont le gnou (une antilope d’Afrique) et le pingouin. Ils apportent un nouveau regard sur la manière d’innover et de créer de la valeur. Mais cela implique des remises en question collectives profondes. Un bovidé tropical et un oiseau des mers froides, appuyés par une armée de souris, peuvent-ils bouleverser l'économie mondiale, les rapports sociaux et la politique ? Étrange question, n'est-ce pas ? Et pourtant, ils occupent déjà une bonne partie du cyberespace, soutenus par des tribus de plus en plus nombreuses, pour qui le copyleft est une évidence, un nouveau bazar dans lequel ils peuvent s’épanouir de manière constructive et durablement. Vous allez découvrir ces acteurs d’internet qui apportent d’autres repères, décrivent de nouveaux risques et opportunités et proposent des critères d'analyse atypiques.

La question n'est plus seulement de savoir s'il est bien ou mal de partager un logiciel ou de la musique ; il s'agit désormais de s'interroger sur l'aspect irrépressible de ces pratiques de partage, et leur viabilité tant économique que sociopolitique. Et au fond, n'est-ce pas plutôt le numérique qui, par nature, encourage cette évolution, jusqu'à modifier en profondeur la notion d'appropriation des créations de l'esprit ?

C'est à cette question épineuse que nous tentons de répondre ici.