Manuel d'eCulture générale : Différence entre versions

De Wiki livre Netizenship
Ligne 53 : Ligne 53 :
  
 
Plus tard, j'ai appris que la communication, c'est… de l'information en mouvement. Le saviez-vous ? Bonne lecture.
 
Plus tard, j'ai appris que la communication, c'est… de l'information en mouvement. Le saviez-vous ? Bonne lecture.
 
  
 
[[Image:]]
 
[[Image:]]
 
  
 
'''''Imagination Théo Bondolfi'''''
 
'''''Imagination Théo Bondolfi'''''
 
 
Ci-contre un texte de '''Raphaël Rousseau'''
 
 
''Compagnon de route, Raphaël trouve bien souvent le mot juste, à chaque étape de notre quête des bonnes pratiques numériques. Il a su me mettre sur les bonnes pistes. Je lui en suis infiniment reconnaissant. (Théo Bondolfi)''
 
 
  
 
{| class="wikitable"
 
{| class="wikitable"
Ligne 71 : Ligne 63 :
 
L'eCulture est née des termes « culture » et du préfixe « e » signifiant « électronique ». Elle désigne la culture de la communication électronique, à savoir principalement Internet (messagerie électronique et sites Web). Elle englobe les codes de conduite (individuels ou collectifs) et ceux des communautés de pratiques qui se côtoient au travers des réseaux d'informations numériques. On retrouve l'eCulture dans les arts, l'économie, la science et la politique sous les intitulés d'ère ''numérique, monde digital, société de l'Information'', ou encore ''cyberculture''.
 
L'eCulture est née des termes « culture » et du préfixe « e » signifiant « électronique ». Elle désigne la culture de la communication électronique, à savoir principalement Internet (messagerie électronique et sites Web). Elle englobe les codes de conduite (individuels ou collectifs) et ceux des communautés de pratiques qui se côtoient au travers des réseaux d'informations numériques. On retrouve l'eCulture dans les arts, l'économie, la science et la politique sous les intitulés d'ère ''numérique, monde digital, société de l'Information'', ou encore ''cyberculture''.
 
|}
 
|}
 
== [[Image:]]Tribune libre de Raphaël Rousseau  ==
 
Depuis le milieu des années 1990, lors de leur apparition, j'ai vu les fournisseurs d'accès à internet vendre la connexion au réseau des réseaux en faisant miroiter deux choses à leurs potentiels clients :
 
 
* Utiliser internet, c'est juste une question de matériel et de service. Il suffit d'une connexion et d'un ordinateur et vous voilà parés. Lors de la souscription, vous recevez généralement un CD-Rom avec un kit de connexion et quelques logiciels dont un de navigation, pas grand-chose de plus ;
 
* Internet, c'est un univers fabuleux, quasi irréel (dans leurs publicités, les fournisseurs d'accès à internet montraient des gens qui étaient dans des mondes virtuels, leurs salons se peuplaient de créatures en images de synthèse).
 
 
C'est cet imaginaire là que les clients ont acheté. Ils ont acheté les premiers ordinateurs et ont découvert internet. Mais aujourd'hui, avec quelques années de recul, ils se rendent compte de tous les problèmes que l'on peut rencontrer sur internet : spams, arnaques, cyberintimidation, mal-communication, surdose d'information, etc. Il devient évident qu'on a quand même besoin de formation, d'acquérir un certain nombre de savoirs et de savoir-faire, d'avoir un minimum de perspectives, de comprendre à la fois le qui-est-qui et le qui-fait-quoi sur internet. De connaître les enjeux de l'information médiatisée par l'électronique, les coulisses. Beaucoup cantonnent internet à un nouveau Minitel, un nouveau catalogue de vente à distance, un nouveau système postal. Tous ceux-là passent à côté du réel potentiel d'internet et, en même temps, internet passe à côté de leur immense potentiel humain.
 
 
Par ailleurs, toute une frange de la population a été plutôt rebutée par cette vision d'un internet de loisirs et de consommation, recherchant plutôt un outil qui leur permettrait de faciliter leur quotidien, de se relier aux autres et de renforcer leurs engagements au sein de la société.
 
 
Enfin, il y a tous les adultes qui n'ont pas de temps à perdre avec ces machins-là et dont l'informatique n'est pas le truc. Ceux-là sont aujourd'hui légions et ne savent pas par quel bout prendre cette problématique : peur de se retrouver perdus dans un dédale sans repère ; peur de s'adresser à leurs amis qui, eux, ont pris le train en marche depuis bien trop longtemps pour aujourd'hui revenir au B-A-BA ; peur de demander à leurs enfants qui baignent dedans et s'agacent vite dès qu'on leur pose deux fois la même question ; peur de ce que ces mêmes enfants pourraient faire à leur insu en tant qu'agresseurs ou victimes dissimulés derrière un écran…
 
 
C'est pour m'adresser à tous ces publics que je rencontre depuis des années que j'ai voulu participer à l'écriture de ce livre. En effet, il aborde la plupart des sujets qui devraient faire partie de la boîte à outils de l'internaute, de manière à ce qu'il sache ce qui est écrit en filigrane : des enjeux qui dépassent le loisir et la futilité. Il était essentiel de montrer comment se débrouiller sur le Net sans avoir à devenir informaticien.
 

Version du 6 avril 2013 à 00:13

Par Théo Bondolfi

Dès mes premiers pas sur internet, en 1993, je me suis dit qu'il devait exister un mode d'emploi clair pour manier cet outil. Mais aucun des plus expérimentés que moi ne m'a passé spontanément un manuel de culture numérique. J'ai pensé alors que j'étais trop paresseux pour demander, pour me renseigner, pour chercher sur internet justement. J'ai donc commencé intuitivement, activant inconsciemment les zones créatives de mon cerveau, ouvrant mon cœur et mon esprit à l'immense potentiel de ce nouveau monde.

Pendant ces moments d'immersion dans la culture informatique, j'ai essayé de relâcher mes muscles. Je visais à prendre le meilleur de la communion virtuelle et à éviter un blocage du dos à cause d'une mauvaise position devant l'ordinateur. J'appelle cet état le Sweet surf land. Un peu de Switzerland, le pays où je suis né, mélangé avec un peu de bon esprit. C'est si bon de surfer sur les ondes numériques. C'est le nouvel eldorado de la créativité, de la liberté d'expression, du partage du savoir… Alors j'ai commencé à réorienter ma profession d'imagineur en créant des sites et en donnant des cours.

Puis, avec des amis, nous avons lancé Ynternet.org (devenu depuis une fondation) pour contribuer à passer le message d'un Internet au service d'un monde plus juste. Nous gérions de l'argent public pour aider à mieux former, réseauter, au travail, en formation, en famille. Nous voulions éviter le gaspillage d'avoir à réinventer la roue en rédigeant des fiches pratiques déjà existantes. Nous pensions qu'étant donné que le permis de conduire existait pour les voitures, il devait y avoir un document équivalent pour internet, avec des posters, des tableaux, des schémas… Et bien sûr sans références à des marques de produit spécifiques, afin de laisser le choix à l'utilisateur. Nous avons cherché dans les écoles, les centres de formation pour adultes, les entreprises et chez les informaticiens…

Eh bien non ! Rien de la sorte ! C'était à la fin des années 1990. Il existait surtout des modes d'emploi de Microsoft. Mais aucun tableau avec, par exemple, les dix fonctions de base d'un système d'exploitation ou du traitement de texte. Ni même une liste des contenus de base d'un bon site perso sur internet, quelle que soit la plate-forme choisie. Et la nétiquette, qui décrit les codes de conduite de base sur l'Internet ? Elle existait déjà, mais personne ne l'utilisait : son langage était très technique, il existait peu de versions simplifiées et elles ne traitaient de pas toutes les situations courantes. On a même participé à une dizaine de forums de l'ONU et on n'a rien trouvé. Pour résumer : il n'existait aucune base culturelle commune formalisée en français. Ni même en anglais ou en toute autre langue.

Ce manuel me manquait vraiment

Bien sûr, cela fourmillait de modes d'emplois très intéressants. Mais la plupart n'offraient qu'une toute petite pièce du puzzle : soit un sujet très technique comme l'histoire de la conception du protocole HTTP et des adresses IP, soit des produits spécifiques se prétendant généralistes comme le manuel MS-Word, qu'il était de plus interdit de copier. Tous étaient trop loin de l'objectif d'une société de l'information accessible à tous, qui est la mission d'Ynternet.org.

Les seuls manuels généraux d'utilisation facilement disponibles étaient techniques, du style : Vous souhaitez apprendre ou mieux comprendre Internet ? Ce site vous aide à utiliser votre navigateur, vos courriels, les forums, le clavardage, à créer votre site. Mais ces manuels devenaient vite obsolètes, car les navigateurs changent, ainsi que les programmes de courriels, les plate-forme internet…

Alors j'ai commencé à mieux formuler les questions : Quels codes de conduite adopter ? Comment anticiper les erreurs, identifier les sources et évaluer la qualité des informations sur l'Internet ? Comment rédiger et diffuser de l'information au mieux ? Comment modérer les rédacteurs ? Administrer un groupe de rédacteurs ? Former les administrateurs ? Expliquer que tous les internautes sont les co-administrateurs de la société de l'information ? Et comment mettre tout cela en perspective avec des mots simples, des images, des schémas ?

Pour obtenir des réponses, j'ai été voir des responsables informatique dans les écoles, dans des foires informatiques, dans les magasins d'informatique et chez les journalistes responsables des rubriques multimédias. Mais tous abordaient surtout les enjeux techniques, sans maîtriser les aspects sociaux de l'informatique. Dans les rencontres entre experts des sciences sociales, les changements de société n'étaient pas liés aux aspects pratiques d'internet : fonctions génériques, niveaux d'alphabétisation… Ou alors le lien était fait mais seulement sur un sujet : l'émergence des blogs, la fracture numérique et la cyber-intimidation, mais sans parvenir à une vision globale et simple à comprendre.

Comment mettre un internaute sur les bons rails dans ces conditions ? Je restais bien à l'écoute des informaticiens de terrain, ceux qui contrôlent les serveurs Internet et qui nous facilitent la vie numérique. Je cherchais des personnes ayant la double culture sociale et informatique, le sens du bien commun, et une vision des enjeux de la technologie sur la société. Ce sont ces personnes qui m'ont donné les deux clés culturelles pour ce manuel : la neutralité des réseaux et les logiciels libres.

Ces clés sont les garantes de la liberté d'expression, du partage du savoir, de la reconnaissance des auteurs et plus largement de l'équité des chances pour cette nouvelle société dite l'information.

J'ai compris que la culture numérique, alias eCulture, était un gros dossier à découvrir avec patience, sur le long terme. Et que tant que je n'aurais pas compris cette eCulture, je serai un peu un illettré numérique.

C'est dans ce contexte que j'ai commencé à participer à des programmes d'innovation sociale, pour un monde meilleur. Cela m'a conduit dans les banlieues de Dakar, au siège de la Banque mondiale à Washington, à Porto Alegre au Brésil, à Pretoria en Afrique du Sud, ceci en passant par des dizaines de forums sur tous les continents ; également, les sommets mondiaux de l'ONU, des groupes de travail académique, des rencontres entre professionnels ou encore le forum social mondial. J'étais concentré sur les travaux liés à la citoyenneté numérique. J'y glanais souvent quelques pièces du puzzle de la culture numérique, notamment lors des incursions dans de petites associations locales qui avaient trouvé des pistes innovantes pour l'alphabétisation numérique. Mis à part de nombreux pique-assiettes, j'y ai côtoyé des entrepreneurs sociaux au service du bien commun qui, comme moi, avaient des résultats bien concrets dans leur domaine.

Par exemple, Armelle Chatelier et le passeport Internet pour les jeunes au Sénégal, Mille Bojer et le réseau pionnersofchange.net, Thanguy Nzue Obame animateur du Forum des Amis du Net au Gabon, Paromita Goswani la libératrice d'esclaves en Inde et Kurt Woral-Clare formateur de la police blanche dans l'Afrique du Sud post-apartheid de Mandela. Tous connectés pour mieux coopérer.

À Porto Alegre, durant les forums sociaux mondiaux 2002 et 2003, j'ai organisé des formations de leaders sociaux africains pour qu'ils puissent créer leur premier profil sur un réseau social, cooperation.net. J'ai pu échanger avec le gotha des médias indépendants et découvrir l'économie solidaire, les réseaux d'écovillages, le microcrédit et toutes ces merveilleuses pratiques émergentes pour un monde plus juste.

Dans cette quête, mon bâton de pèlerin m'a mené au Sommet de Bamako en 2000 intitulé « Internet, passerelle du développement », puis au Sommet mondial pour la société de l'information en 2003 à Genève, et à de nombreux rendez-vous annuels tels la WorldDidac de Bâle, le Forum global de la connaissance de Kuala Lumpur, les forums de l'Académie Suisse des Sciences Techniques boostés par Raymond Morel…

Ainsi, depuis les années 1990, j'ai vu les devants et les coulisses de la scène de l'Internet mondial, tant solidaire que spéculatif. En filigrane de ces rencontres, il m'est apparu que la plupart de mes interlocuteurs, bien que très engagés pour un monde meilleur, n'arrivaient pas à décrire globalement et précisément la culture numérique.

Avec mes collègues d'Ynternet.org, nous étions toujours concentrés sur cette idée que si l'Internet est bien utilisé, ce sera le vecteur essentiel d'un monde plus juste. C'est évidemment pour cela, que nous cherchions toujours ce fameux manuel.

Nouvelle piste : chercher des perles rares, compétentes dans plusieurs domaines complémentaires. Informaticiens pédagogues, fonctionnaires visionnaires et humanistes, entrepreneurs sociaux, branchés de la première heure… Avec toujours ces deux phares pour nous guider, qui sont la neutralité des réseaux et la culture libre. Plusieurs d'entre eux m'ont aiguillé sur les ténors de la culture libre. Je les ai cherchés.

J'ai ainsi eu la chance de les rencontrer, eux les ténors de ce que l'on surnomme la communauté du Libre, qui réussissent ce pari fou de synthétiser simplement et clairement les clés de succès de la société de l'information citoyenne : Richard Stallman, Antoine Moreau, Lawrence Lessig, Bernard Lang, plus tard Jérémie Nestel et, surtout, celui qui est devenu un frère d'esprit, Raphaël Rousseau.

Grâce à eux, l'image complète du puzzle de la culture numérique a commencé à se dessiner bien plus clairement.

Réduisant mes activités pour prendre des mois sabbatiques, regardant la mer au-dessus de l'écran sur la terrasse, cumulant les nuits blanches de navigation sur l'Internet, j'ai organisé cet ouvrage en réunissant les pièces du puzzle. Parallèlement, je me confrontais à l'expérience pratique et montais en vingt ans une centaine de projets impliquant des dizaines de milliers d'acteurs de ce village global : mises en scène, photographies, centres socioculturels, coopération au développement en Europe de l'Est et Afrique, défense des consommateurs, création de la chambre vaudoise de l'économie solidaire, innovation pédagogiques, éco-constructions...

Un fil rouge : la transition vers la durabilité sociale et économique. Avec ce livre, j'ai dévié de mes projets locaux pour rédiger un manuel global, dans l'espoir qu'il devienne une base durable pour l'inclusion numérique. Pour qu'il puisse être distribué, adapté, pratiqué et décliné librement au travail, en formation et à la maison ; pour qu'il soit toujours d'actualité dans dix ou vingt ans, car traitant d'enjeux de société au-delà des phénomènes de mode.

Au final et à mon sens, assimiler tous ces concepts réclame des années de maturation. En l'occurrence, pour moi, ce processus aura pris plus de quinze ans, pour obtenir une première version stable, sortie en 2011. J'espère évidemment que d'autres versions suivront.

À vous qui vous baladez si souvent dans le cyberespace, quels que soient votre profession, votre âge, votre histoire : cette expérience appelée citoyenneté numérique, vous est dédiée.

Un point, c'est tout

Bien avant d'explorer le cosmos numérique, j'ai eu un prof de maths qui m'a beaucoup marqué. Il s'appelait Monsieur Comment. Vraiment ! Ce paragraphe lui rend hommage. Dans une école publique de Lausanne, à l'enseignement très classique, il partageait pleins de savoirs hétéroclites. Par exemple, il nous expliquait la numérologie, l'astrologie tibétaine et l'origine des chiffres. On avait 10 ans, quelque chose qui faisait que, quand il sortait de la classe pendant des examens pour fumer sa pipe, personne ne trichait sur son voisin. Je crois que cela avait à voir avec la qualité de ce qu'il nous apprenait. Le savoir qu'il partageait forçait le respect. Par exemple, il nous a appris la définition mathématique du point. À l'école, avez-vous appris quelle est la définition du point ? Un point : c'est tout ! Eh oui, c'est tout un point (pour ne pas dire n'importe quoi, justement). Rétrospectivement, avec un savoir basique comme un point, c'est tout, j'ai l'impression d'en avoir appris beaucoup. Cela a fortifié ma vision du monde. Je sais sur quel point danser.

Plus tard, j'ai appris que la communication, c'est… de l'information en mouvement. Le saviez-vous ? Bonne lecture.

[[Image:]]

Imagination Théo Bondolfi

eCulture

L'eCulture est née des termes « culture » et du préfixe « e » signifiant « électronique ». Elle désigne la culture de la communication électronique, à savoir principalement Internet (messagerie électronique et sites Web). Elle englobe les codes de conduite (individuels ou collectifs) et ceux des communautés de pratiques qui se côtoient au travers des réseaux d'informations numériques. On retrouve l'eCulture dans les arts, l'économie, la science et la politique sous les intitulés d'ère numérique, monde digital, société de l'Information, ou encore cyberculture.