Avant-propos : Différence entre versions
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En refusant de séparer les figures du producteur et du consommateur et en affirmant une dimension non monétaire de l’échange, le modèle de logiciels libres associé aux creative commons exprime un ancrage dans une économie de la contribution (Stiegler, Giffard et Faure, 2009). » | En refusant de séparer les figures du producteur et du consommateur et en affirmant une dimension non monétaire de l’échange, le modèle de logiciels libres associé aux creative commons exprime un ancrage dans une économie de la contribution (Stiegler, Giffard et Faure, 2009). » | ||
− | Philippe Eynaud, Maître de conférences de l'Institut d'administration des entreprises de Paris. Extrait de ''Spécificités de management des entreprises de l’économie sociale et solidaire''. Ouvrage collectif | + | Philippe Eynaud, Maître de conférences de l'Institut d'administration des entreprises de Paris. Extrait de ''Spécificités de management des entreprises de l’économie sociale et solidaire''. Ouvrage collectif. |
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Version du 21 novembre 2012 à 10:54
Nous approchons de l'état de crise et du siècle des révolutions.
Jean-Jacques Rousseau, Émile III.
Sommaire
Avant-propos
Vers une économie plus juste
Crise économique, crise sociale, crise écologique, mais aussi... crise des croyances en notre modèle ! Le système capitaliste, annoncé comme le meilleur au monde, est-il vraiment viable ? Doit-on encore croire ses promoteurs, qui nous assurent depuis des décennies qu'« il n’y a pas d’alternative » au marché, à la mondialisation, à la déréglementation financière, aux baisses de salaires, aux délocalisations, à la disparition des services publics.
Entre la main invisible sensée réguler le libéralisme et l'interventionnisme de l'Etat, d'autres voies sont-elles possibles? Oui, répondent les acteurs du changement, les incubateurs d'innovation sociale. Non seulement des alternatives existent, mais elles sont aussi crédibles. Parmi ces propositions nouvelles, l'économie sociale (ou Économie sociale et solidaire) fait figure de point de convergence.
Cette approche dynamique émerge à travers de multiples réussites concrètes et porte en elle les germes du nouveau contrat social tant attendu. En voici quelques notions-clés :
- solidarité
- bien commun
- coopération
- multipartisme
- autonomie
- citoyenneté active
- bénéfice mutuel
- bien-être social
- liberté
- innovation
- service
- gouvernance décentralisée
- partage de l'information
- culture du don
- Agriculture de proximité
- commerce équitable et bio
- systèmes d'échanges locaux
- art, culture, bien-être et sport
- microcrédit et finance solidaire
- promotion de l'économie locale
- coopératives d'habitat écologique
- artisanat et industries coopératives
- Entreprises d'insertion par l'économie
- mobilité douce, énergies renouvelables
- entreprises d'innovation environnementale
- PME à visage humain et sans but spéculatif
A pas feutrés, cette tendance englobante s'impose comme un axe incontournable pour la refonte de nos échanges économiques, même si la notion de "solidarité" comme vecteur de bien-être social fait encore un peu figure de douce utopie pour les tenants du paradigme capitaliste.
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Et pourtant, l'économie du don rallie un nombre croissant de managers, de créateurs d'entreprises. Tant et si bien qu'en France, par exemple, elle mobilise 10% des salariés et génère de l'emploi (20% des créations), selon l’Observatoire national de l’économie sociale et solidaire. Autant dire qu'un peu partout en Europe, l'économie sociale se taille petit à petit une réelle légitimité face aux logiques qui privilégient le profit au détriment de l’intérêt général et de l'utilité sociale.
ILLUSTRATION PAGE 3/8 du dossier ESS Vaud
Non seulement ce secteur d'avant-garde fait l'objet d'une multitude d'expériences concrètes, mais il suscite également un nombre croissant de travaux théoriques, universitaires, internationaux.
La pertinence du propos des managers de l'économie sociale permet aussi à de nombreux projets de décrocher des crédits dans les programmes européens. Les propositions d'innovation sociale, autour de valeurs partagées, de savoir-être, de l'environnement de travail, dame le pion aux propositions purement axées sur l'amélioration de la productivité par le progrès technologique.
C'est pourquoi l'Union européenne s'intéresse désormais davantage à l'innovation dite sociétale, avec des fonds spécifiques pour le secteur de l'économie sociale et solidaire.
L'exemple Ariadne
Projet collaboratif entre plusieurs organisations européennes, Ariadne a bénéficié du soutien de l'Union européenne (dans le cadre de la formation continue), pour développer la formation du management en économie sociale, notamment à l'attention des pays de l'Europe de l'Est. Elle a par ailleurs développé un référentiel cadre à l'attention des bénéficiaires, notamment ceux particulièrement touchés par la crise économique, et dans lesquels l’économie sociale, peu présente actuellement, pourrait s'avérer un levier important de sortie de crise économique et de maintien de la cohésion sociale.
Les formations en économie sociale existent, mais beaucoup sont orientées sur les « compétences métiers » du secteur social sans tenir compte de spécificités tout à fait inédites inhérentes à l'économie sociale : mode de gouvernance décentralisé, animation d'une vaste communauté d'acteurs, logique de réseau, culture du don, formation tout au long de sa vie....
Quelques acteurs impliqués dans Ariadne :
L'Ecole supérieure de commerce et de management Tours-Poitiers pilote le projet Ariadne. L'ESCEM a constitué avec plusieurs organismes du secteur de l'économie sociale, une chaire économie sociale et management (dirigée par François Silva, coordinateur d'Ariadne). Dans le cadre de cette chaire plusieurs formations ont été mises en œuvre.
Le Centre d'économie sociale de HEC-Liège est un partenaire important du projet en raison de sa légitimité dans l'histoire européenne de l'économie sociale. Il gère la plus ancienne revue académique en économie sociale et dispose du centre de documentation le plus important sur cette question en Europe, sinon dans le monde. Dans le cadre d'Ariadne, on lui doit la réalisation d'un référentiel de compétences à l'attention des gestionnaires de l'économie sociale et solidire, d'un glossaire et d'une bibliographie de référence (Voir annexes).
L'Unité de recherches coopératives (CRU) de l'Open University de Milton Keynes en Angleterre. Cette unité a presque 30 ans d'expérience en recherche, formation, conseil et des publications pour les coopératives, entreprises sociales et d'autres organisations dans l'économie sociale. L'Open University est l'un des établissements d'enseignement à distance les plus connus dans le monde.
La fondation Ynternet.org, partenaire sur la question des enjeux sociétaux du numérique, met à disposition d'Ariadne son expertise. L'objectif du présent ouvrage, réalisé par Ynternet.org, est justement de sensibiliser les acteurs de la nouvelle économie aux propriétés et valeurs du numérique. Mis à disposition des partenaires du projet Ariadne, cet ouvrage permet de mieux comprendre en quoi les outils de l'ère numérique sont incontournables pour les nouvelles formes de gestion. Mais aussi en quoi ces outils correspondent en tous points aux valeurs et aux besoins de l'économie solidaire, à commencer par la relocalisation de l'économie.
Economie sociale et solidaire 2.0
Le développement de l'économie sociale s'effectue dans un contexte tout particulier, celui de l'avènement de l'économie numérique. Le boom du numérique a été fulgurant et cela n'a échappé à personne.
En revanche, ce qui n'est pas encore bien perçu, ce sont les affinités tout à fait frappantes entre l'économie sociale et l'économie numérique, deux secteurs qui, a priori, n'ont rien en commun. On a bien du mal à imaginer ce qui relie, en effet, une coopérative de produits locaux du Vercors tenue par des ruraux dans une ambiance quelque peu baba cool et une start-up parisienne lancée par une bande de copains branchés high-tech. Mais est-ce vraiment un hasard si ces deux économies ont émergé simultanément?
Dans les deux cas, un changement historique est à l'œuvre, qui touche nos valeurs, nos méthodes de travail, notre rapport à l'autre, notre manière d'organiser le vivre-ensemble. Dans les deux cas, il est question de « faire réseau » et de « bien commun ».
En d'autres termes, l'économie Internet est structurellement équitable, solidaire... Et les outils proposés par internet arrivent au moment opportun pour favoriser le développement de l'économie sociale, avec la possibilité, par exemple, d'encourager la relocalisation de l'économie, grâce aux services en ligne.
Inversement, « les valeurs de l’économie sociale et solidaire (solidarité, bien commun, etc.) correspondent aux besoins de postures/attitudes collaboratives pour utiliser efficacement ces nouveaux outils », explique François Silva, le directeur de la chaire économie sociale et management de l'Escem Tours-Poitiers. « Ce ne sont pas seulement les salariés qui sont concernés, mais tout l’écosystème de l’entreprise ».
Citoyens numériques et entrepreneurs sociaux : acteurs d'une même transition
« Les cyberacteurs associatifs ne font pas que protester ou militer dans l’espace virtuel. Ils y sont incidemment porteurs d’un autre modèle économique (concurrent du modèle dominant), qui promeut une organisation collective et le refus de l’échange monétaire.
Si le cyberespace se présente comme un territoire d’accueil pour le social et pour les causes défendues par les associations, ces dernières ont aussi à apprendre des modèles organisationnels qui ont émergé sur Internet. C’est ainsi que l’étonnante croissance des logiciels libres constitue un modèle de référence important pour les associations. La logique collective, bénévole, non monétaire qui a présidé à la naissance des logiciels libres a quelque chose qui rappelle étonnamment la logique associative.
À la différence des associations, les collectifs du logiciel libre sont le plus souvent des organisations informelles sans véritable porte-parole ou instances de gouvernance. Le modèle qu’ils proposent est celui de l’auto-organisation, de la réactivité, de la reconnaissance des acteurs selon leur implication. À côté des licences publiques instaurées pour protéger les logiciels libres, une réflexion s’est prolongée vers d’autres supports.
C’est ainsi que les creative commons proposent un mécanisme qui allie protection de l’auteur et partage, s’inspirant du logiciel libre tout en étendant son objet aux autres oeuvres de l’esprit.
En refusant de séparer les figures du producteur et du consommateur et en affirmant une dimension non monétaire de l’échange, le modèle de logiciels libres associé aux creative commons exprime un ancrage dans une économie de la contribution (Stiegler, Giffard et Faure, 2009). »
Philippe Eynaud, Maître de conférences de l'Institut d'administration des entreprises de Paris. Extrait de Spécificités de management des entreprises de l’économie sociale et solidaire. Ouvrage collectif.