Fracture numérique : Différence entre versions

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''Fracture numérique, info-riches, info-pauvres, réseau social, digital native, digital migrant, accès libre.''
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''Fracture numérique, info-riches, info-pauvres, réseau social, digital native, digital migrant, accès libre, exclusion.''
 
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Version du 4 avril 2013 à 17:05

Fracture numérique, info-riches, info-pauvres, réseau social, digital native, digital migrant, accès libre, exclusion.


Internet est-il une nouvelle source d’inégalités ?
À leurs débuts, l'ordinateur et internet étaient perçus comme des gadgets réservés à une minorité de personnes dont c'était le métier (les "informaticiens"). Et aussi à quelques drôles de gars qui préféraient bidouiller pendant leur temps libre plutôt que de prendre un bon bol d'air. L'informatique et le réseau internet ont, depuis les années 1990, démontré leur caractère essentiel à la vie sociale et économique de chacun d'entre nous, partout dans le monde. La circulation d'information, souvent gratuite, favorise l'équité des chances et rapproche les gens. La technologie numérique aide à réduire les différences sociales entre ses utilisateurs. Mais, ô paradoxe, internet a également contribué à creuser l'écart entre utilisateurs et non utilisateurs du Net, amplifiant ainsi les inégalités qui préexistaient.

On a baptisé fracture numérique l'inégalité d'accès aux nouvelles technologies de l'information. Ceux qui sont du bon côté peuvent en principe disposer du net pour défendre leurs droits et leurs idées, pour s'informer et pour communiquer. Les autres subissent un désavantage supplémentaire à ceux qu'ils connaissaient déjà : ils se retrouvent exclus d'une nouvelle dimension de la société, qui leur échappe chaque jour un peu plus.

Dans l'esprit de certains, nombreux, la fracture numérique se résume à un accès au réseau inégal entre des régions du Monde : le Nord est hyperconnecté alors que le Sud est encore en dehors du circuit.

Cependant, cette fracture peut prendre plusieurs formes, qui dépassent largement les clivages géo-économiques. La fracture est surtout sociale, elle crée des sociétés à plusieurs vitesses. Une forme d'exclusion perdure, se crée ou se renforce.

Cet article recense cinq formes de fractures :

  • Economique
  • Géopolitique
  • Culturelle
  • Éducative
  • Générationnelle

Fracture économique

La fracture la plus évidente est économique. On la retrouve à une échelle globale qui montre des disparités gigantesques de connexion entre les pays : en 1996, il y avait autant de lignes téléphoniques sur l'île de Manhattan que sur tout le continent africain.[1]

Les victimes de la fracture numérique sont nombreuses, notamment :

  • Les plus pauvres, qui n'ont pas les moyens de se procurer des appareils informatiques ou d'en louer ;
  • Les plus éloignés des centres villes, qui n'ont accès ni au réseau, ni aux cybercafés, et dont personne dans l'entourage ne peut encourager l'usage d'internet ;
  • Les plus âgés, comme les petits retraités, qui n'ont pas encore réussi à s'adapter à ce nouveau fonctionnement social.

Sur terre, en ce début du XXIe siècle, 2,6 milliards d'humains vivent avec moins de deux dollars par jour. Ils sont tout en bas de l'échelle sociale. Et, tout en haut, un cinquième de la population mondiale consomme à lui seul environ 90 % des ressources disponibles. Ces chiffres ont été publiés dans un état des lieux des Nations Unies en 2010.

Le manque de moyens empêche à une grande partie de la population mondiale d'accéder aux équipements numériques. Les plus pauvres, déjà handicapés par leur faible niveau de vie et le pouvoir qu'acquièrent dès lors sur eux les plus riches, sont les premières victimes de cette nouvelle iniquité : ils sont confrontés à une rareté de l'information. Parce que les nouvelles technologies permettent d'augmenter la qualité et la quantité des communications, les « bien connectés » sont plus autonomes dans leurs actions quotidiennes. Mais aussi en cas de situation exceptionnelle. Prenons l'exemple d'un train qui déraille dans une région bien connectée : très rapidement, des transports alternatifs vont être mis en place. Dans une région mal connectée, l'attente va se prolonger, les solutions s'organiseront plus lentement, car l'information circule mal.

Mais une telle disparité existe aussi au niveau local : même un pays très bien équipé peut compter des citoyens privés d'accès au réseau pour des raisons économiques. Exemple local venant de l'ONG Caritas à Genève, cette opulente capitale du commerce mondial et siège d'agences des Nations-Unies: nombreux sont les info-pauvres dans cette cité, nombreux sont les migrants y vivent, de manière précaire, et n'ont pas d'ordinateur. Ils ont dès lors accès à moins d'informations, moins d'opportunités de travail, moins de possibilité de s'insérer socialement et professionnellement.

Faut-il envoyer des ordinateurs en Afrique ?

Quand on pense fossé entre info-riches et info-pauvres, on pense tout de suite aux pauvres africains qui n'ont pas d'ordinateur. L'idée de donner une deuxième vie à un ordinateur, en le confiant à une organisation caritative, est une bonne intention. Elle se heurte néanmoins à plusieurs réalités qui la rendent contre-productive. Principalement, en Afrique, les ordinateurs finissent très vite dans des décharges, et il n'y a pas d'infrastructures pour le recyclage. Donc on pollue en croyant bien faire. En plus, il y a les intermédiaires, qui se servent au passage, souvent avant même le départ ou aux douanes. Enfin, même si on donne un ordinateur à un occidental pour un usage en occident, par exemple une banque qui fait une donation à une ONG caritative, le problème peut rester complet : les bénéficiaires. Les chômeurs ou migrants doivent payer des professionnels pour identifier les pannes matérielles, reconfigurer l'outil, assurer une maintenance. Sans parler de l'énergie grise, cette énergie consommée qui est difficile à calculer : transport, grosse consommation électrique de vieux ordinateurs avec des processeurs qui surchauffent...

Fracture géopolitique

Le seul facteur économique n'explique pas une mauvaise connexion à internet pour certains pays ou régions : certaines administrations en restreignent délibérément l'accès pour juguler la liberté de leurs propres citoyens à s'informer et à s'exprimer. C'est le cas de la Chine qui surveille et limite l'accès à internet de ses citoyens[2]. De même en Corée du Nord, l'accès à internet est soumis à autorisation spéciale et principalement pour des buts gouvernementaux.[3] Même les Etats-Unis peuvent faire preuve de velléités coercitives à l'encontre de la liberté d'expression, comme en témoigne l'affaire Wikileaks[4].

Inversement, la connexion relativement correcte en Libye ou en Égypte a soutenu les mobilisations populaires dans le monde arabe en 2010 et 2011, où les réseaux sociaux ont permis aux initiatives de se coordonner, aux pratiques d'insurrection de s'affiner, par écran interposé.

Fracture culturelle

Par fracture culturelle, on entend le décalage entre ancienne et nouvelle manière de penser, un décalage provoqué par l'émergence de nouvelles pratiques.

Dans tout types d'organisations, les hiérarchies peuvent sentir leur autorité menacée par l'omniprésence des médias numériques. On observe alors des réactions de rejet des ressources disponibles sur internet. Exemple : dans un grand nombre de cursus académiques, Wikipedia est a priori banni comme source valide de références bibliographiques, ce qui traduit une méfiance vis-à-vis de la sagesse des foules, un concept expliqué dans l'article du même nom.

Le monde de l'entreprise est également sujet à des réactions de rejet, notamment vis-à-vis des plates-formes de réseautage social, perçues comme une perte de productivité plus qu'un potentiel stratégique. Ces blocages sont généralement liés à l'angoisse que suscitent les transitions en cours. La régulation du monde du travail passe de la culture de la pointeuse à la culture du résultat. Grâce aux outils numériques, les travailleurs sont désormais plus libres des moyens à mettre en oeuvre pour atteindre leurs objectifs. La culture internet bouscule les anciennes hiérarchies, basée sur le statut, en mettant en avant les compétences, étayées par des preuves et des résultats. Cette manière de penser a encore du mal à être mise en application par ceux qui tiennent les rênes du pouvoir, menacé dans leur statut.

Diverses collectivités craignent parfois qu'internet ne soit un vecteur de subversion auprès des populations dont ils ont la responsabilité. Par exemple, en 2012, une municipalités indienne a interdit l'usage des smartphones aux femmes ![5].

Fracture éducative

Au-delà des moyens techniques, politiques ou économiques qui éloignent certaines populations de la révolution numérique, une éducation inappropriée condamne beaucoup d'internautes à une intégration restreinte à l'écosystème informationnel du réseau.

Les utilisateurs voient souvent l'utilisation de l'outil informatique comme un obstacle purement technique. Il n'est donc pas rare d'entendre « J'ai fait un cours Word donc je suis à l'aise avec l'informatique ». Ceci démontre le déficit d'une vision plus large d'internet en tant qu'écosystème, avec non seulement ses outils, mais aussi ses codes, ses acteurs... qui forment un tout en perpétuelle évolution, fondé sur des règles qui, heureusement, évoluent à un rythme largement moins soutenu.

Ainsi une large frange des internautes, même ceux qui en ont un usage quotidien, se cantonne à des usages proche d'un média tel que le téléphone, la poste, la radio ou la télévision : il ne produisent pas, n'interagissent pas avec des communautés, utilisent leur messagerie électronique pour échanger des fichiers bien trop volumineux...

Même parmi les communautés de spécialistes de l'outil informatique, de nombreux individus ont des comportements inadaptés. Par exemple, certains concepteurs web vendent à leurs clients des sites qui limitent, voire empêchent l'analyse du site par les moteurs de recherche, fréquemment via l'usage de la technologie Flash de l'éditeur Macromedia. Un site entièrement géré par cette technologie n'est pas, à proprement parler, un site web car la notion de pages n'existe plus : on est dans une application. Par exemple, il peut devenir impossible d'indiquer l'emplacement d'une ressource interne au travers d'un simple lien hypertexte. Il faut alors indiquer à ses correspondants le chemin à parcourir dans l'application pour aboutir à ladite ressource : rendez-vous sur la page d'accueil, puis cliquer sur tel lien, ensuite sur tel autre, enfin entrez tels mots dans le formulaire et validez. Non seulement, c'est fastidieux, mais cela va à l'encontre des principes fondateurs d'accessibilité des ressources publiées.

Fracture générationnelle

« Ma chérie, dit un père à sa fille de 12 ans, j'ai acheté un logiciel qui filtre les contenus interdits aux mineurs, pour que tu arrêtes de visiter ses sites qui ne sont pas de ton âge... Tu peux m'aider à l'installer s'il te plait ? »

Vous avez vous aussi vécu le choc entre ceux pour qui internet est naturel, et ceux qui ne se sentent pas à l'aise devant un écran, qui doivent se concentrer pour ne pas faire d'erreurs, qui paniquent dès qu'une fonction change, qui ne connaissent pas les raccourcis...

C'est le principe de fracture entre migrants du numérique et les digital natives. Bien au-delà des questions de manipulation technique, il y a un certain choc intergénérationnel dans la manière de voir le monde, nos croyances et nos pratiques. Heureusement, de nombreuses initiatives permettent de réduire ces fractures. Par exemple, en France, Albertine Meunier organise des ateliers internet avec des femmes de plus de 77 ans. C'est l'opération « un thé avec Albertine ». Elle filme ces grands-mamans en train de boire le thé et en train de décrire de manière précise et relax des concepts ardus comme « qu'est-ce qu'un hacker ? ». Avec ses vidéos sur le web, elle a réussi à motiver un nombre incalculable de seniors de se mettre à l'informatique. Ils apportent ainsi aux jeunes générations leur expérience de vie, pour rester critique face aux médias, affiner leur orthographe, découvrir d'autres cultures...

Et la fracture émotionnelle ?

A toutes ces fractures s'ajoute la fracture émotionnelle : ça fait parfois mal, en effet, de se faire planter par... son ordinateur, ou le réseau. Surtout pendant la rédaction d'un mail de trois kilomètres, sans sauvegarde. La vie numérique, c'est comme l'amour, on fait des erreurs de débutants, et puis on apprend ! Il n'empêche que cela peut en décourager plus d'un. Entre attraction et répulsion, nos coeurs balancent aussi face à la vie virtuelle. Avec internet, c'est un peu «je t'aime moi non plus»...


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Sources et notes

  1. Tiré de Leland Initiative: Africa Global Information Infrastructure Gateway Project [1]
  2. Internet censorship in the People's Republic of China [2]
  3. Wikipedia : Internet in North Korea [3]
  4. En 2010, le gouvernement des États-Unis a condamné la publication de documents secrets sur la guerre en Afghanistan, affirmant que cela menaçait la sécurité de soldats américains engagés en Afghanistan. À cet effet, une enquête a été lancée par le Pentagone, afin de retrouver l'origine des informations. Le Pentagone a exigé que WikiLeaks lui remette immédiatement la totalité des 15 000 documents classés « secret défense » qui n'ont pas encore été divulgués et que ceux qui ont déjà été mis en ligne96 soient détruits. Voir l'article sur WikiLeaks sur Wikipédia. [4]
  5. Women Banned from Using Mobile Phones in Indian Villages sur Globalvoiceonoline.org. [5]