Concurrences déloyales
Ce n'est pas une bonne idée de créer un nouveau lieu, ce qu'il faut c'est permettre aux gens qui sont là où ils sont d'évoluer. Mais il est très difficile de permettre aux gens d'évoluer dans un climat de concurrences déloyales, on essaye d'aller dans un sens et tout notre environnement nous retire dans l'autre sens, nous amène à rester dans nos anciens réflexes, nos anciennes pratiques, nos anciennes manières d'être. C'est à cause de l'omniprésence de ces concurrences déloyales qu'on est dans une situation où développer un projet comme Ecopol à un endroit où il y a déjà des gens qui existent qui diront dès le début « on a toujours fait comme ça mais on ne sait pas pourquoi et tant qu'on aura pas compris on acceptera pas ». On aurait trouvé un lieu où les gens seraient déjà entièrement formés et adhéreraient dès le début à toutes le propositions qui sont faites dans l'Ecopol. Ce n'est pas possible, par contre ce qui pourrait l'être serait de dire voici une proposition qui est faite par des sages sans même avoir une sagesse exceptionnelle mais simplement ils ont été voir tout ce qui existait, il ont pris leur bâton de pèlerin, ils ont traversé le monde, ils ont récupéré plein d'informations, ils ont utilisé un système web pour confronter leurs idées avec les pratiques, les documenter, aller dans les détails pratiques et dans les détails, si on a une bonne idée mais qu'on ne la pratique pas ça sert à rien. Mais grâce au fait qu'ils ont pu permettre aux gens de faire l'expérience dans un lieu nouveau où il y avait rien, les gens ont dit « ah ben finalement avec du recul je suis d'accord, mais au début je trouvais bizarre parce que j'avais pas pris le temps de bien regarder, j'avais pas bien compris et j'avais projeté mes peurs et donc comme j'avais et donc comme j'avais un peu peur je trouvais que ça ne tenait pas la route ». Et donc que sont ces concurrences déloyales? Regardons des exemples concrets.
L'origine des concurrences déloyales
Un jeune sort de l'école, il a des compétences universitaires, il a une bonne expérience de vie, il a tout un groupe d'amis et il décide de se lancer, de créer une coopérative qui vend des fruits et des légumes. Il va aller chez des paysans, leur proposer de leur acheter l'ensemble de leur récolte pour qu'ils puissent diversifier leur production et de le revendre localement dans des paniers qu'il distribue dans la ville voisine. Après deux ou trois ans il a un bon chiffre d'affaire mais là il y a plusieurs éléments concrets qui se passent:
Il y en a un qui a besoin d'avoir un peu plus de sous et qui veut revendre ses parts. Il pense qu'il s'est beaucoup investit et qu'il a le droit, comme dans une grande entreprise à gagner une somme importante pour le remercier de son travail. Mais les autres lui expliquent qu'il est dans une coopérative, que même si pour ce qu'il a fait il a touché un salaire correct il ne peut pas toucher le jackpot même s'il est un de ceux qui a fait démarrer l'affaire. Il répond que c'est injuste, qu'il aimerait pouvoir générer plus de revenus et va donc intenter un procès à ses partenaires. La justice trouve qu'en effet il s'est beaucoup investi et a droit à quelque chose. En réalité, il s'est mis à travailler en parallèle avec une multinationale des fruits et légumes proposant les mêmes services. C'est cette multinationale qui lui a dit: « vous avez une mailing list, vous avez un marché, on pourrait dupliquer les choses ailleurs, voir les choses en très grand ». Il s'est donc dit qu'il pourrait faire quelque chose d'utile tout en en sortant millionnaire. Il va donc s'associer à cette multinationale leader dans l'agroalimentaire des fruits et légumes et progressivement négocier pour avoir des actions de l'entreprise et donc un levier pour gagner beaucoup de sous ce qui va saper l'entreprise de l'intérieur.
Un autre collaborateur, à l'inverse, a une certaine instabilité personnelle, travaille très peu mais continue à toucher un salaire en essayant de toucher la corde sensible de ses collègues. Il leur demande de l'aide, argumente qu'ils ne sont pas là pour la rentabilité mais pour les belles idées, etc. Là aussi, le groupe commence à se disloquer, ils ont du mal à gérer leur succès et essayent donc de s'inspirer de ce qu'il se passe autours d'eux. Celui qui demandait à avoir ses part dit que si leur coopérative avait été une Société Anonyme, il aurait pu avoir ses parts. Il va donc mettre des bâtons dans les roues de l'équipe pour l'empêcher de continuer durablement comme ça. Il n'est plus dans la culture du « tout travail mérite salaire » mais dans la culture du jackpot. Les autres consentent donc à trouver un intermédiaire entre le fait qu'il touche un gros jackpot et le fait qu'il ne reçoive rien. Cela va donner lieu à un bras de fer au sein de l'équipe qui va épuiser et démoraliser le groupe. L'autre collaborateur va, lui, demander à être payé alors qu'il n'assure plus du tout et travaille de manière irrégulière.
Les mécanismes de survie
Cette situation, bien que pas inévitable est tout de même malheureusement assez fréquente. On est conditionnés à penser qu'il y a de toute façon des gagnants et des perdants et donc un climat de guerre économique, où il faut faire tout ce qu'on peut pour tirer un maximum de profit. À cause de l'appât du gain, on en vient à penser que si l'on est pas les requins, on est la carte qui va se faire manger. Alors que celui qui a initié l'activité se positionne comme un dauphin qui surfe sur les vagues et admet que la précarité est positive, que n'avoir jamais l'assurance de rien mise à part son salaire et une petite sécurité sociale qui permettrait de tenir un ou deux ans si ça allait moins bien. Aussi en cas de maladie, de handicap, on aura de l'aide mais jamais la possibilité d'accumuler de nombreuses richesses sous prétexte qu'on était doué. L'idée du dauphin n'est pas ça, il reste dans une certaine modestie et ce même si après quelques années il a déjà une cinquantaine d'employés, ne distribue non plus quelques centaines mais quelques dizaines de milliers de paniers.
Une autre solution est de passer en Société Anonyme et de décider de confronter ça au marché, mais on est dans une situation où le marché a une règle des loyers. Par exemple une entreprise privée qui va dire qu'elle est prête à s'implanter dans une région mais seulement en contrepartie d'aides fiscales. Elle ne payera donc pas d'impôts au contraire de la petite entreprise de fruits et légumes, sous simple prétexte qu'elle va créer deux cents emplois. Ou alors elle demandera à avoir la priorité sur un terrain, ou à avoir l'exclusivité de fourniture des établissements publics, bref, des avantages en prétextant qu'elle est plus grosse.
De plus, elle fera partie d'un groupe de lobby qui oeuvrera par exemple pour baisser les critères de l'agriculture bio pour pouvoir livrer de l'agriculture bio pas si bio que ça car comportant des produits chimiques, mais des produits chimiques reconnus par la directive XYZ de telle autorité sanitaire comme étant non risqué pour la santé. En réalité ça sera uniquement parce qu'ils auront financé eux-même les recherches et qu'il auront tout un macrosystème pour servir leurs intérêts privés. Comme cela va très vite, que personne n'est au courant des détails et que les enjeux financiers sont immenses, il suffit qu'il y ait une ou deux notions administrative légale, norme, principe ou autre qui change, plus une ou deux informations stratégiques et quelques jeux de pouvoir pour que pleins de petites initiatives soient rachetées ou détruites par des groupes. Parallèlement à ça il y a des gens fragiles qui constatent qu'ils ont des gens autours d'eux qui bénéficient d'aide financière sans contrepartie forte et trouvent que si leur voisin bénéficie d'aide sans faire grand chose, il n'y a pas de raison qu'eux doivent s'investir, travailler avec efficacité alors qu'ils pourraient aussi profiter du système. Il finissent par ne plus se sentir comme faisant partie du système, trouver le système biaisé. L'initiative individuelle, lorsqu'elle est confrontée au temps, il est très difficile de la protéger, d'avoir une petite entreprise familiale honnête dans un monde globalisé où toutes les grosses entreprises ont des pratiques de concurrence déloyale, en faisant des prix volontairement trop bas, des ententes sur les prix, des monopoles, des changements de normes, etc. Au final on en arrive à préférer recevoir du poisson qu'apprendre à pêcher car on réalise que la pêche est déloyale, que même en faisant partie d'une fédération de pêcheurs on ne sera pas entendu et que ce sera trop difficile. À force d'injustices sociales on arrête de croire en soi et on démissionne de son rôle de citoyen actif et de travailleur autonome et engagé. Ensuite, pour rééquilibrer un peu, ces assistés vont par exemple avoir un comportement très généreux avec leur famille, ou rentrer dans une situation où ils pratiqueront la décroissance en choisissant de consommer peu mais de dépendre de l'état, ou encore reconnaître qu'ils sont assistés mais être toujours disponible pour aider les gens de leur quartier. Au même titre et c'est beaucoup plus grave, les personnes qui sont dans une culture de concurrence déloyale de l'économie de marché, de dévoiement de l'économie de marché par ces perversions qu'ils considèrent normales, le fait d'essayer d'échapper au fisc, le fait de faire du lobby pour que les règles servent leurs intérêts et leur permettent de vendre plus de produits. Ces gens là, quand leur richesse leur aura permis d'avoir leur belle maison, leur compte en banque bien fourni, ils prendront une position libérale communiste, notamment les grands patrons des grandes entreprises d'Internet comme Bill Gates, le fondateur d'Amazon ou autre grande entreprise mondiale qui valent des millions. Ils créeront des fondations qui vont se mettre à donner la charité et à redistribuer mais à le faire selon des programmations mentales qui trouvent normal d'être sans scrupules d'un côté (Bill Gates a été condamné à plusieurs reprises pour abus de position dominante) et après ça et sans s'être excusé, ils font la charité. Ils détruisent donc des structures sociales comme la petite structure de la coopérative de fruits et légumes de proximité pour reprendre leurs actions avec leur propre manière de faire industrielle sans scrupules de réduire la qualité pour lutter contre leurs concurrents directs. La lutte loyale des petites entreprises fait place à une lutte des titans sans conscience.
Pour se protéger de ces deux concurrences déloyales il y a une seule solution: les bannir déjà en amont. C'est-à-dire ne pas accepter qu'elle existent déjà dans l'environnement social et économique dans lequel on baigne. Mais ce n'est possible que dans des situation particulières comme au Boutan où on peut à peine fumer, il n'y a pas de marchands de cigarettes. Quand on est stressé la seule solution est la méditation. On ne peut ni fumer, ni se plonger devant la télévision tout simplement parce que ça n'existe pas. On ne peut pas non plus parler de marcher car leur premier indicateur est le bonheur intérieur brut, le bonheur national et non pas l'argent. Il y a beaucoup de troc qui se fait encore. C'est un pays que l'on pourrait qualifier d'arriéré mais en même temps, il y a aussi des initiatives nouvelles avec des gens qui essayent de s'éloigner de ça.
Autonomie sans autarcie
Ces initiatives nouvelles ne sont pas en autarcie. Ce sont des lieux interdépendants