Propriétaire, Libre et Open Source
Libre, Open Source, gratuit, exclusif ---
Pour bien comprendre qui contrôle quoi dans la circulation de l'information, sous quelque forme que ce soit, il faut connaître la différence entre libre et ouvert, mais également comprendre ce que peuvent impliquer les termes exclusif ou "propriétaire".
Open source, cette expression est de plus en plus utilisée pour décrire les nouveaux modes d'innovation informatique, technologique et économique. On l'emploie désormais à toutes les sauces, parfois de manière abusive. Quelle est donc la différence avec le terme Libre, tel qu'employé dans l'expression logiciel libre ou culture Libre? Cette différence est à l'origine d'un désaccord qui oppose les partisans de l’open source et ceux du logiciel libre depuis la fin des années 90. Retour sur ces notions fondamentales de l'eCulture.
Sommaire
A l'origine était le logiciel «Libre»
Comme presque toujours dans la culture numérique, c'est dans le vivier des spécialistes de l'informatique que les concepts émergent, s'affinent, se distinguent progressivement les uns des autres. Un premier rappel historique permet de comprendre un premier glissement : du logiciel libre au logiciel soumis à droit d'auteur («propriétaire»).
A l'époque des premiers ordinateurs, le matériel informatique constituait la première source de revenus des fabricants, le logiciel n'étant qu'un moyen d'en faciliter la vente. L'accès au code source était normal, car nul n'achetait un ordinateur sans disposer d'une équipe de programmeurs. Les milieux professionnels et universitaires s'échangeaient volontiers logiciels et codes sources, et les constructeurs cédaient le leur sans contrepartie. Jusqu'à ce que les lois antitrust le leur interdisent afin de permettre l'exercice d'une concurrence dans ce domaine[1].
Les constructeurs commencèrent alors à facturer séparément leurs logiciels au début des années 1970 ; en quinze ans, l'avènement de la micro-informatique généralisa ce modèle et donna un essor aux éditeurs de logiciels qui s'orientèrent vers la vente de licences d'utilisation. Un exemple souvent cité pour illustrer ce tournant est la lettre ouverte de Bill Gates aux hobbyistes, en 1976, leur enjoignant de cesser de copier illicitement les logiciels.
C'est dans ce contexte, dans les années 80, qu'un programmeur de système d'exploitation au Massachusetts Institute of Technology (MIT), un certain Richard Stallman (alias RMS), commence à constater des restrictions de possibilités d'utilisation, sur un pilote d'imprimante notamment[2]. Il se trouve par ailleurs face au problème éthique de devoir développer des logiciels dont l'utilisation sera restreinte, qui ne pourront pas être partagés en raison des droits du propriétaire du logiciel (souvent distinct du créateur).
Bien qu'anecdotique, cette petite histoire est souvent prise comme étant le point de départ de l'informatique libre, puisque c'est à partir de là que Richard Stallman consacrera son énergie à résoudre ce problème de conscience, ce qui fera de lui le premier et le plus emblématique des ambassadeurs du logiciel libre.
Les quatre libertés fondamentales du Libre
Les idées d'avant-garde de Richard Stallman ont abouti en 1984 au projet GNU, système d'exploitation libre (pour ordinateur). Le projet GNU a été lancé afin de « ramener l'esprit de coopération qui prévalait dans la communauté hacker dans les jours anciens », lorsqu'il n'était pas encore question de propriété intellectuelle, et que tous les codes sources s'échangeaient librement. Stallman est aussi à l'initiative de la création de la Free Software fondation (FSF), en 1985, et de la première licence logicielle libre, en 1989, la Licence publique générale GNU (dite GPL).
L'adjectif "Libre" implique quatre libertés fondamentales telles que définies par la Fondation pour le Logiciel Libre (Free Software Foundation, FSF). Initialement, l'usage de l'expression « libre » dans la société de l'information se réfère au code d'un logiciel et donne à l'utilisateur d'un logiciel libre :
- La liberté d'exécuter le programme, pour tous les usages (liberté 0) ;
- La liberté d'étudier le fonctionnement du programme, et de le modifier pour qu'il fasse votre travail informatique comme vous le souhaitez (liberté 1). Pour ceci l'accès au code source est une condition nécessaire ;
- La liberté de redistribuer des copies, donc d'aider votre voisin (liberté 2) ;
- La liberté de distribuer aux autres des copies de vos versions modifiées (liberté 3). En faisant cela, vous pouvez faire profiter toute la communauté de vos changements. L'accès au code source est une condition nécessaire.
Du Libre à l'Open Source
Les motivation du projet GNU relèvent de l'éthique et de la philosophie politique. Il vise en effet à ne pas laisser l'homme devenir l'esclave de la machine et de ceux qui auraient l'exclusivité de sa programmation, ou de cartels monopolisant des connaissances en fonction de leurs seuls intérêts. Le projet GNU œuvre pour une libre diffusion des connaissances, ce qui n'est pas sans implications politiques, éthiques, philosophiques et sociales, ou sociétales. Une radicalité dans les enjeux qui ont provoqué des résistances, même au sein des partisans de la libération du code. Dès les années 90, l'émergence de la culture libre et du copyleft rencontre plusieurs problèmes:
- Le mot libre est trop confus. En anglais Free veut aussi dire gratuit, ce qui n'est pas toujours le cas d'un logiciel libre, mais peut être celui d'un logiciel propriétaire (le client peut devenir la marchandise).
- Certains utilisent le logiciel libre pour des raisons techniques sans aucune sensibilité citoyenne, telle que préconisée par Stallman.
- D'autres partisan de la culture Libre trouvent la démarche de la FSF peu adaptée face au modèle dominant qui impose la propriété intellectuelle. Ils préconisent une politique des petits pas. Impossible pour eux d'imposer aux autress un modèle aussi radical. Ils préconisent plus de pragmatisme : la meilleure manière de faire avancer le libre, c'est de le dépolitiser, de ne pas imposer un choix de société, mais de mettre en avant les nombreux avantages techniques.
Dans ce choc d'attitude, Stallman reste ferme. Le terme Open Source fait alors son apparition à la fin des années 90. En 1998, l'organisation Open Source Initiative naît d'une scission de la communauté du logiciel libre afin de conduire une politique jugée plus adaptée aux réalités économiques et techniques. Comme la FSF, le mouvement open source défend la liberté d'accéder aux sources des programmes qu'ils utilisent, afin d'aboutir à une économie du logiciel dépendant de la seule vente de prestations et non plus de celle de licences d'utilisation. Mais l'Open Source s'affranchit volontiers de toute considération philosophique et politique. C'est ici que se situe la distinction fondamentale entre ces deux courants. Les uns se réclament d'un choix citoyen et d'une vision de société (le tenant du libre), les autres se réclament d'une utilité technique : la mise à disposition de l'information améliore la qualité du produit et sa commercialisation. l'Open source effraie moins le client, les entreprises ne font pas de politique.
Une limite qui reste floue
La distinction entre l'Open et le Libre n'est pas aisée à saisir. Certains utilisent les pratiques Open avec beaucoup d'éthique, d'autres utilisent le terme Libre sans conscience des implications, ou pour surfer sur un phénomène de mode de langage.
Google, tout en fonctionnant avec des logiciels Open avec la mention de la Free Software Fundation, privatise les données des utilisateurs pour les revendre à des annonceurs. Ces données atterrissent dans une boîte noire, un environnement numérique fermé, où règne à nouveau la culture du secret. Qui a déjà eu accès à ses données personnelles collectées par Google, qui a déjà pu rencontrer à son double numérique? Cette interrogation s'applique aussi aux solutions Cloud ou Saas (software as a service): les services en ligne fonctionnent de plus en plus avec des pratiques et outils Open, mais ils représentent aussi le risque de voir nos données personnelles utilisées à des fins que nous ne cautionnons pas. Au niveau individuel, les conséquences ne semblent pas si importantes, mais à l'échelon collectif, les conséquences peuvent être majeures.
Dans cette confusion des termes, voici, selon nous, ce qu'il faut (assez schématiquement) retenir :
- Une licence dite libre sera toujours compatible avec des pratiques Open car elle inclut nécessairement les quatre libertés fondamentales. Par ailleurs, elle apporte des garanties aux préoccupations citoyennes.
- Une licence Open ne sera pas forcément compatible avec les pratiques du libre car il y a souvent blocage sur la possibilité de copier et redistribuer (entorses aux quatre libertés fondamentales du Libre). Elle permet cependant de concilier de nouvelles possibilités techniques avec des impératifs économiques liés à l'entreprise.
Open et Libre peuvent constituer une double portes d'entrée à l'émergence d'une société plus transparente, plus citoyenne. Si le libre impose d'emblée une vision globale et engagée, l'Open arrive aussi aux mêmes résultats par les petits pas et une vision plus pragmatique. L'approche logiciel libre peut être vue comme "top down" : la vision prime sur le réel, les idées gouvernent les actes. Les garde-fous idéologiques sont posés en premier. L'approche Open Source peut être qualifiée de "bottom up" : elle part de constats techniques sur le terrain et développe des modes de fonctionnement collaboratifs qui crée une spirale vertueuse : meilleur qualité du produit, coopération entre collaborateurs, entraide. Les préoccupations, au départ purement techniques, s'élargissent alors à l'humain. L'open arrive désormais sur le bureau d'autres sphères, notamment politiques. Ainsi, le mouvement Open data qui milite pour une transparence des données, s'attaquent désormais aux données publiques. Cette démarche éminemment citoyenne, qui n'évoque pas le Libre, peut s'appuyer sur le grand argument en faveur de l'Open pour faire passer ses revendications (de fait politiques): c'est bon pour la qualité du service.
Généralisation Se dégage de tout ça un mouvement social. la technique est politique : l'outil crée l'organe démarche qualité qui rejoint un projet politique du libre.
Les logiciels qui supportent le mouvement du logiciel libre répondent aux critères énoncés par la Free Software Foundation dans la Free Software Definition, elle-même rédigée par Richard Stallman.
La notion d’open source repose également sur des définitions précises. L'utilisation des termes open source a été suggérée par Christine Peterson, du Foresight Institute, afin de lever l'ambiguïté sémantique du mot anglais free qui signifie libre au sens de « liberté », mais également libre au sens de « libre accès, gratuité » – et par le biais de cette rectification sémantique, indiquer aux utilisateurs qu'un logiciel a un coût.
La principale critique issue du mouvement parent du logiciel libre est le fait que l’open source ne communique presque exclusivement que sur une des caractéristiques techniques des logiciels (la liberté d'accès au fonctionnement du logiciel) en occultant les motivations premières dont elles sont issues, au risque de les perdre. Ils accusent l’open source d'être mû par la dynamique et les ressources financières et d'expertise de multinationales, l'opposant au logiciel libre mû par des idéaux d’ordre philosophique et politique.
Un an après sa création, Bruce Perens, détenteur de la marque open source et créateur de l’Open Source Definition, décide de se retirer du projet suite à ce qu’il appelle un « échec de l’Open Source Initiative » et rédige un essai publié par la Free Software Foundation intitulé Pourquoi nous parlons de logiciels libres dans lequel il affirme que la Free Software Definition assure davantage de libertés aux utilisateurs des programmes.
Ainsi, des logiciels libres sous licence copyleft sont open source, tandis que des logiciels open source peuvent ne pas être libres. En pratique, la plupart des licences de l’open source satisfont aux critères du libre selon la Free Software Foundation, les différentes subtilités qui les distinguent étant principalement d’ordre philosophique et commercial.
À noter que seule certaines licences dont la GNU GPL (du projet GNU de Richard Stallman) offre ce qui est appelé le copyleft en garantissant le partage de l'ensemble du code source : ces licences permettent ainsi de protéger les libertés des utilisateurs (ainsi, le code restera à jamais libre en annulant la possibilité de le breveter), elles sont les seules à certifier une redistribution à 100 % du code d'un programme éternellement, ce qui assure une coopération parfaite et pérenne envers la communauté du logiciel libre ainsi qu'à tous les utilisateurs. Jeudi 7 Février
D’après Eric Raymond, le mouvement du logiciel libre n’aurait pas réussi à générer une vague de fond dans le monde entier qui aurait suscité une adhésion large.
Ce mouvement « libre » créé la confusion, ce n’est pas attirant. On va donc plutôt nommer cela « Open Source » ;
Vu que Richard Stallman (programmateur militant du logiciel libre) a des idées qui sont, à tort, perçues comme gauchistes, la notion de « libre » peut déplaire.
Le terme « Open Source », lui, est plus pragmatique. Cette notion annihile l’idée d’opposition systématique, il octroie la dimension politique et se soucie seulement de la dimension technique.
Pas de représentation du mouvement du logiciel libre (pas de projet de société).
Pour « Citoyen du net » : dimension citoyenne, projet de société mis en valeur et assumé. C’est pour cela que l’on gardera le terme « logiciel libre ».
On s’extrait de cette dimension technique.
Open hardware (maladresse ?) plus lié à Open Source qu’à Free Software.
Open source effraie moins le client, les entreprises ne font pas de politique.
Protocole TCP : Comités ouverts de travail qui ont pour vocation de mettre en place des standards à l’échelle mondiale. Mettre en place des modes de fonctionnement, réalisations techniques qui soient disponibles à tous.
--Cyrielle.Casse (discussion) 11 février 2013 à 10:29 (CET)
Libre, ouvert, privé, fermé : quels termes utiliser
Dans le domaine des formats, les termes utilisés sont formats ouverts et formats fermés. Le sens commun suggère que ouvert serait comme libre et fermé comme privateur/propriétaire.
Ouvert signifie en fait que nous pouvons tous accéder à l'information, la modifier, mais qu'il reste une interdiction : la redistribution.
Ouvert est déjà un bon pas en avant vers la libération des œuvres. Mais cette limite est considérée comme insuffisante s'il s'agit d'une information fonctionnelle : un mode d'emploi, un format de fichier, un logiciel. Par exemple : je trouve sur l'Internet une recette de gâteau. Je la modifie. Si elle n'est qu'ouverte, j'ai l'interdiction de redistribuer la recette, même si je mentionne la source. Idem avec le format de fichier. Exemple : un jeune informaticien trouve un bug dans le programme Firefox. Il répare, mais ne peux pas l'intégrer dans le fichier central du logiciel. Car le logiciel ou le format du fichier ou le livre appartient aux éditeurs. Et les éditeurs décident à qui ils donnent quoi... En format uniquement ouvert, pas libre, l'informaticien qui a réparé bénévolement le problème ne pourra pas redistribuer à ses contacts le résultat du travail effectué, car il n'a pas la liberté de redistribuer.
Libre, gratuit, ouvert et privateur
Libre : Sous une licence qui permet à chacun de lire, utiliser, modifier et redistribuer l'information, s'applique dans le domaine du logiciel et au-delà (art, documentation pédagogique, …). C'est le seul qui garantisse une véritable équité des chances.
Ouvert : L'expression très souvent utilisée est Open Source. Pour la plus grande partie des cas, cela revient au même que libre, quant aux permissions et restrictions. Par contre, le terme ouvert (ou open source) est souvent employé à tort pour désigner des créations qui ne sont ni libres, ni open source ! Les auteurs trouvent que leur création est dotée d'assez de permissions pour être qualifiée de libre ou ouverte mais sans avoir rigoureusement vérifié que leur vision correspondait aux définitions précises de libre ou open source.
Gratuit : Dans le monde de l'information, gratuit est une formule qui est le symbole de la manipulation. Car qui dit gratuit ne dit pas libre mais dit, au contraire et très fréquemment, « première dose de drogue gratuite ». Certains services sont gratuits mais utilisent la dépendance pour progressivement introduire des aspects payants, d'autres exploitent les informations fournies par les utilisateurs du service gratuit pour les revendre à des tiers, d'autres enfin rendent leurs clients captifs pour leur vendre des produits. Quoi qu'il en soit, aucun ne concentre son modèle sur un service honnête où la véritable génération de revenus est clairement identifiable par l'utilisateur lorsqu'il bénéficie des services. Pour simplifier, on peut dire que gratuit égale souvent arnaque. Il existe néanmoins des exceptions, notamment les services d'intérêt public, financés par un service public, mais qui annoncent qu'ils sont gratuits parce qu'ils sont financés par l’État ou par des structures d'intérêt public. L'essentiel quand on voit « gratuit » est donc d'identifier les sources. On peut lire, à juste titre : si c'est gratuit, alors le produit, c'est vous ![3]
Privateur : La majorité des services gratuits sont privateurs, mais pas tous (voire service gratuit d'intérêt public). Souvent, ce sont des entreprises, comme Microsoft, Adobe ou Google, qui fournissent des services gratuits pour mieux rendre leurs clients dépendants de leurs produits privateurs et ensuite les contraindre, individuellement ou au niveau des entreprises qui utilisent ce service, à payer des sommes importantes pour accéder aux prestations dans un contexte de dépendance et de monopole, établit de position dominante.
Salutation à Francis Muguet
Chercheur français, Francis Muguet a mené la délégation des promoteurs du libre au sommet de l'ONU sur la société de l'information. En 2001, puis 2003, il a réussi un tour de force politique aux côtés de Richard Stallman, fondateur du mouvement du logiciel libre, au service du bien commun et de l'éthique numérique. Les gouvernements ont signé une déclaration finale en faveur de la culture du Free/Libre, et non pas de l'Open/Ouvert. C'est la reconnaissance de millions d'heures de débats dans les forums sur l'Internet depuis le milieu des années 1990 sur les enjeux de société qui se cachent derrière ces deux termes. Depuis, on peut dire que libre est le terme officiel des citoyens du Net et des gouvernements démocratiques. Dans la pratique, Open Source est plus usité, car les journalistes, faiseurs d'opinions, n'ont que trop rarement saisi les enjeux qui se cachent derrière ces termes. Membre du conseil scientifique d'Ynternet.org, Francis Muguet passait parfois dans les bureaux où ces lignes furent écrites. Il s'est éteint en septembre 2010. Ce paragraphe lui rend hommage.- ↑ Source Histoire du logiciel libre sur Wikipédia.
- ↑ Robert Sproull aurait refusé de lui fournir le code source en raison d'un contrat de non divulgation que Xerox avait passé avec lui, pratique encore peu courante à l'époque.
- ↑ Vous êtes le produit.