"Les pieds nus"
On dit d'une oeuvre qu'elle a « les pieds nus » lorsque sa diffusion s'effectue sans publicité, tout doucement, sans faire de bruit, par la seule volonté du public.
Prenons l'exemple du livre le Papalagui. Ecrit par un grand chef d'une tribu primitive d'Océanie, Touiavii, dans les années 1920, le but était d'informer les peuples d'Océanie sur les comportements de l'homme blanc, que l'on surnomme Papalagui en langue du Pacifique. Le grand chef Touaivii a participé comme volontaire à la première guerre mondiale en Europe, puis y est resté et a ainsi pu observer le mode de fonctionnement de l'homme blanc. Il a expressément demandé dans son livre qu'il ne soit pas traduit et soit gardé pour les tribus des îles du Pacifique. Cependant, un prêtre allemand l'a traduit et le livre a commencé son chemin les pieds nus. Il a été traduit en plusieurs langues, imprimé « sous le manteau », sans demander l'autorisation à qui que ce soit et diffusé en de nombreuses versions et rééditions dans le monde entier. C'est un regard extérieur sur le comportement dominant de l'homme blanc qui est particulièrement frappant. C'est pour cela et sans avoir recours à la publicité, qu'il est devenu un symbole des déviances du monde occidental.
Une autre œuvre créée entre 1994 et 95 suit ce même chemin les pieds nus; c'est le film La Belle Verte de Coline Serreau. Très mal reçu par la critique, il fait un flop au cinéma. La réalisatrice avait reçu un oscar du meilleur film quelques années avant avec Trois Hommes et un Couffin et son film était bien réalisé. Le film commence alors une deuxième vie, il est copié en cassettes vidéos et commence à être diffusé entre amis, dans des soirées d'associations, de quartier... Avec l'arrivée d'Internet, il est copié et traduit en plusieurs langues et diffusé comme le film symbole de l'écologie profonde et des transitions en cours. En 2010, c'est un des films de référence des mouvements de l'écologie profonde. Il est souvent projeté dans des réunions associatives et des festivals écologiques, et considéré comme une des principales sources d'inspiration pour l'écologie communautaire. Comme Colline Serreau a refusé de le mettre sous une licence libre (qui protège l'auteur et permet la copie), cette œuvre se diffuse donc les pieds nus, de manière illégale. Elle permet à tout un mouvement d'avoir un symbole de référence pour une approche écologique globale, qui ne se limite pas à la technique, mais se base sur des comportements plus respectueux.
Il existe de nombreuses autres œuvres qui font leur chemin les pieds nus comme le Tao Te King (livre de la voie et de la vertu) en Chine qui est un outil d'aide à la décision. Ou encore à sa manière Le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry. Elles sont notamment présentées dans l'article "l'origine des idées".