Lettre d'une netizen en 2025 : Différence entre versions
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Version du 20 juillet 2016 à 12:32
notions-clés: réseau social, société collaborative, digital native,radio,télévision,nétiquette,culture de don,web addict, digital migrant, geek,citoyenté numérique,web2.0,streaming,blog,wiki
Profils-clés: Laguahe-Oliveira dos Reis Pscale,Facebook,Skype,eBay,Yntenet.org
Par Pascale Lagahe-Oliveira dos Reis
Rédactrice web, ergonome éditoriale.
Signes distinctifs : Brésilienne 1 mois par an et accro au Startup Weekend [1].
SEPTEMBRE 2025, à Lyon
Ma petite puce adorée,
Toi qui es née avec un iPad entre les mains. Toi qui n’as jamais connu les consoles Atari, le minitel ou le tourne-disque. Toi qui as su prendre des photos avec mon mobile avant même de savoir compter. Toi qui n’imagines plus passer une seule journée sans t’engouffrer dans un réseau social.
Sache que ta petite maman, enfant, n’a connu que la radio et la télévision... (non, ne pleure pas, ce n’est pas grave !) C’était tout de même bien mieux que tes grands-parents qui n’ont découvert le petit écran qu’à leur adolescence (et en noir et blanc en plus). Même ton papa, né au Brésil durant la dictature militaire, m’a avoué il y a quelques années n’avoir eu sa première télévision qu’à l’âge de 10 ans. Nous étions loin d’être des digital natives, et surfer sur un objet tactile relié à un réseau planétaire, cela ne nous aurait jamais traversé l’esprit !
Pourtant, tout s’est fait de manière silencieuse. Presque naturelle. Un jour, à l’aube de mes 14 ans, Papi Gérard est rentré du travail avec un énorme carton entre ses bras. Ta tante et moi avons été prévenues une bonne centaine de fois de la fragilité et du coût (visiblement prohibitif) de l’objet. Ton grand-père a alors déballé son nouveau jouet : un ordinateur de bureau, composé d’un écran aussi lourd que notre télé (et pas du tout plat !), d’une unité centrale rutilante, d’un clavier et d’une petite « souris ». « Wouaaaa ! Pincez-moi, je rêve ! ».
Durant les années qui ont suivi, « l’ordi » trouva sa place au fond du salon. À l’abri des regards indiscrets et de la télé qui semblait ne pas voir d’un très bon œil son arrivée dans notre famille. Grand-père faisait sa comptabilité avec les géniaux petits logiciels de Bill Gates (mais oui, tu sais bien, le père fondateur de Microsoft, ça ne te dit rien ? Fais une petite recherche sur Wikipedia ma fille !), ta tante tapait ses premiers devoirs sur Word, quant à moi, je tentais de comprendre les règles d’un jeu sur CD-Rom dont tu te moquerais bien volontiers aujourd’hui. [...]
Ce ne fut qu’en 2005 que cette immense toile d’araignée changea littéralement ma vie.
Un jour de printemps, dans les ruelles sombres de la Croix Rousse à Lyon, j’ai eu la chance de croiser la route de drôles de personnages. Des web addict, ceux qui avaient connu l’éclatement de la bulle internet en 2000 et qui préparaient l'internet des prochaines années : le web 2.0. Cette petite communauté de geek m’a fait découvrir un monde parallèle que je ne connaissais pas jusqu’alors : celui des blogs, des wikis, des réseaux sociaux, des plateformes de partage, du streaming...
La révélation fut aussi douce que brutale : permettre à tout un chacun de s’exprimer, de faire valoir son talent, de partager ses idées, ses opinions... Je faisais partie de cette « secte » qu’Andrew Keen haïssait. Pourtant, aussi loin que je m’en souvienne, cette passion pour l'internet collaboratif ne m’a apporté (presque) que du bonheur ! Sans ce nouvel internet, je n’aurais jamais vécu tant de rencontres passionnantes, d’amitiés, d’expériences, de surprises, de projets professionnels...
Tu veux connaître mon secret ? Eh bien, il demeure dans une équation très simple : lier sans cesse le virtuel au réel. Et le réel au virtuel.
Je n’ai jamais conçu internet comme un univers fermé où l’anonymat, la rumeur, les attaques mesquines et la désinformation primaient. Non. Internet était pour moi la meilleure technologie pour tisser des liens, imaginer, créer... ensemble.
Quelle sensation merveilleuse de découvrir en chair et en os une personne avec qui j’avais échangé quelques mails auparavant ! Quel plaisir de débattre avec un internaute connecté à l’autre bout du monde ! Quel bonheur aussi de pouvoir s’endormir aux côtés de son fiancé, parti à l’étranger, grâce à MSN ou de conserver une amitié intacte avec des proches expatriés grâce à Skype ! [...]
Bon, je te rassure, ta chère mère n’est pas parfaite. Loin de là ! Moi aussi, comme tant d’autres, je me suis fourvoyée dans le culte de l’amateur. Moi aussi j’ai lu sans recul des pages de Wikipedia et d’autres sites dont les sources étaient aussi friables que tes gâteaux au chocolat. Eh oui, moi aussi je me suis laissée aller à quelques (non beaucoup en fait !) élans narcissiques sur Facebook ou Orkut. Les vidéos stupides ? Je ne vais pas te mentir. Bien sûr que j’ai rigolé comme une sotte devant des spots de chats « trop mignons » ou les frasques de Rémi Gaillard[2] (ce n’est pas de ton époque, mais va jeter un coup d’œil, je suis certaine que tu vas adorer !). L'internet m’a offert de grands moments de fous rires, de grands moments d’inculture, saupoudrés d’une féroce addiction facebookienne qui exaspérait ton père au plus haut point.
Ton père d’ailleurs n’était pas le dernier quand il s’agissait de faire des bêtises sur le net. C’était lui le cerveau de la famille pour télécharger des films sur Megaupload ou acheter des choses inutiles sur CDiscount (le pire était tout de même ton oncle Ludovic que nous avions surnommé Ebayman).
Faute avouée, à moitié pardonnée... [...] N’oublie jamais une chose ma puce, internet, c’est comme la vie : il faut donner pour recevoir. Et jamais le contraire !
Cet article a été rédigé dans le cadre du premier concours Netizenship - Décris-moi la citoyenneté numérique, organisé par la fondation Ynternet.org au cours de l'été 2010.