Internet au-delà du petit écran : Différence entre versions

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Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » C’est avec cette phrase de Patrick Le Lay, prononcée en juillet 2004 alors qu'il était président de la télévision TF1, que le journaliste d'investigation Christophe Nick s’est demandé jusqu’où pouvait aller la télé. En effet, depuis les années 80 le divertissement sur petit écran ne trouve plus sa force dans la moralité ou l’émotion que dans l’excitation de nos pulsions primitives. Sexe, violence, cruauté, humiliation, le cocktail parfait pour une audience assujettie à une logique économique plus que culturelle. Prochaine étape sur vos écrans HD ? Peut-être la mort en direct.
 
Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » C’est avec cette phrase de Patrick Le Lay, prononcée en juillet 2004 alors qu'il était président de la télévision TF1, que le journaliste d'investigation Christophe Nick s’est demandé jusqu’où pouvait aller la télé. En effet, depuis les années 80 le divertissement sur petit écran ne trouve plus sa force dans la moralité ou l’émotion que dans l’excitation de nos pulsions primitives. Sexe, violence, cruauté, humiliation, le cocktail parfait pour une audience assujettie à une logique économique plus que culturelle. Prochaine étape sur vos écrans HD ? Peut-être la mort en direct.
  

Version du 21 octobre 2010 à 18:34

Version PDF et imprimée

Pour qu’un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émissions ont pour vocation de le rendre disponible, c'est-à-dire de le divertir, de le détendre, pour le préparer entre deux messages. « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » C’est avec cette phrase de Patrick Le Lay, prononcée en juillet 2004 alors qu'il était président de la télévision TF1, que le journaliste d'investigation Christophe Nick s’est demandé jusqu’où pouvait aller la télé. En effet, depuis les années 80 le divertissement sur petit écran ne trouve plus sa force dans la moralité ou l’émotion que dans l’excitation de nos pulsions primitives. Sexe, violence, cruauté, humiliation, le cocktail parfait pour une audience assujettie à une logique économique plus que culturelle. Prochaine étape sur vos écrans HD ? Peut-être la mort en direct.

Voyeurisme

« La question qui se pose est celle-ci : sommes-nous des trafiquants d’émotions fortes ? Sommes-nous des courtiers en chair encore tiède ? Avons-nous raison de vous montrer ce que vous n’auriez jamais dû ou pu voir ? Avons-nous raison de penser qu’une civilisation se termine et qu’une autre commence ? Les faits sont là. Il est certain que jamais les images n’ont eu aucune importance qu’en ce moment. Autrefois c’est vous qui faisiez les images, et maintenant ce sont les images qui vous font. » Ces mots ont été prononcés par un journaliste en 1957. Ils prouvent que la télévision a toujours été consciente de son pouvoir de nuisance. Cela ne l’a pas empêché de devenir nuisible.

Après la privatisation des années 80, la téléréalité est la deuxième révolution dans l’histoire de la télévision française. Avec la téléréalité, toutes les transgressions deviennent possibles. On élimine, on humilie et on s’exhibe en même temps. Le dispositif est conçu pour que ces transgressions soient vécues pour de vrai. Chaque participant est sommé de repousser tous les interdits. Contrairement aux mécanismes d’exhibition et de voyeurisme des années 80 et 90, les diffuseurs de téléréalité ne se contentent plus de la parole. Ils exigent des passages à l’acte. Les candidats doivent vivre en direct et en prime time tout ce qui pourra satisfaire leurs propres pulsions. C’est le spectacle du sexe, des larmes, de la violence. Ces passages à l’acte renouvelés entraînent les candidats vers des comportements de plus en plus régressifs. La domination de l’autre et le narcissisme, la cupidité et le cynisme deviennent les valeurs dominantes. Pour les adolescents, très nombreux à regarder la téléréalité, l’identification aux héros de ces émissions fonctionne à la perfection. Les passages à l’acte des candidats, estampillés du fameux « vu à la télé », deviennent pour eux une norme valable, des faits et gestes parfaitement imitables.

Toutes les sociétés ont toujours été faites, quelles qu’elles fussent, animistes, impériales, monarchiques, etc., elles ont toujours mis en place des dispositifs de contrôle des pulsions. Et là on peut se dire qu’on est arrivé à un point de l’histoire de l’humanité extrêmement inquiétant, moi je ne crois pas qu’il ait jamais existé une société qui prôna, de cette manière-là, l’exploitation des pulsions.

Le problème ce n’est pas la télévision en soi. C’est la télévision telle qu’elle est passée sous le contrôle du marketing des produits de consommation. Avant, elle était sous le contrôle du pouvoir politique, c’était un problème évidemment. Mais aujourd’hui elle est sous le contrôle des prescripteurs de comportement que sont les publicitaires. Et ce que visent les publicitaires c’est essentiellement, selon des théories qui viennent du marketing américain d’ailleurs, de ce que l’on appelle la « lifetime value », qui vise à fidéliser des consommateurs à des marques, à des modèles comportementaux, pour pouvoir contrôler leur comportement et leur pouvoir d’achat le plus longtemps possible.

Dès lors que la télévision brise le respect de l’intégrité physique, dès lors qu’elle nous repense, nous re-fabrique, elle se rapproche de l’ultime transgression.

Nos bas instincts réveillés par la TV

En 1920, Freud découvre qu’un être humain est constitué par deux types de pulsions. Ce qu’il appelle les pulsions de vie et les pulsions de mort. Les pulsions de vie c’est des pulsions érotique, c’est des pulsions qui cherchent à s’unir à l’autre et finalement à engendrer du vivant. Mais en même temps l’être vivant est attiré par la mort. Parce que vivre c’est fatiguant, vivre c’est une épreuve, et donc il y a chez tous les êtres vivants, dit Freud, en même temps une pulsion de vie et une pulsion de mort. Si on admet que la télévision est ce qui exploite systématiquement les pulsions et qui les délie pour pouvoir les exploiter, alors ça veut dire que, ces pulsions ne pouvant plus être liées, elles se déchaînent. Et évidemment, inévitablement, on voit d’abord se déchaîner les pulsions de vie, c'est-à-dire tout ce qui est de l’ordre du sexuel, etc. et à un moment donné on voit apparaître des pulsions de mort, qui sont des pulsions de destruction.

C’est en Grande-Bretagne, sur Channel 4, que les programmateurs sont allés le plus loin : la dissection de véritables cadavres, le samedi soir.

Ces pratiques d’exploitation de la mise en scène de la mort à la télévision, qui sont véritablement horrifiques, on aurait dit il y a encore très peu de temps diabolique, elles trouvent leur terrain à la fois avec la satisfaction de la pulsion de mort mais en même temps dans la nécessité de mettre en scène. Parce qu’il faut mettre en scène d’abord, une civilisation met toujours la mort en scène d’abord, d’une manière ou d’une autre. Et là, le faire en l’exploitant commercialement, c'est-à-dire que c’est une mise en scène totalement commerciale, tout comme la marchandise est mise en scène dans les galeries marchandes, est évidemment au service en quelque sorte du contraire de ce pourquoi est en principe fait la mise en scène de la mort, à savoir le respect de la mort.

Début 2010, Channel 4 a lancé un appel à candidature. Elle recherche un malade, en phase terminale, pour le filmer jusqu’à sa momification.

Ce que les gens qui font ça sont en train de faire, c’est détruire la société. Ils sont en train de détruire toute confiance, ils sont en train de détruire les relations entre les individus, les parents, les enfants, donc tous les modèles d’autorité. Ils produisent de l’incontrôlable, ils produisent des individus « désaffectés », ils produisent de la guerre civile, ça ne peut que conduire à une hyper-violence.


Adapté du Documentaire TV "le temps de cerveaux disponible" écrit par Christophe Nick.

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